J’étais désespérée. Je commençais à envisager une shōjo-thérapie afin d’arrêter de me faire du mal, sinon me résigner.
Je pensais ne jamais le trouver, ce titre unique, l’exception qui confirme la règle. Après mes 512365415 lectures (avouez que vous avez eu la flemme de lire le chiffre en entier), je baissais les bras, je me rendais à l’évidence : jamais un classique shōjo scolaire avec un triangle amoureux ne me donnera satisfaction. J’aurais toujours la haine en fermant le dernier volume, ou du moins ce bon vieux sentiment de frustration découlant du fait que la fille ne choisira jamais le gentil garçon choupinet mais le bisho cool et compliqué, celui qui la fait souffrir mais qu’elle n’arrive pas à oublier car s’est son « âme-sœur » et son « véritable amour », m’voyez.
J’ai cherché partout, armée de mon détecteur de paillettes, portant un bouclier anti-attachement à l’underdog (d’une efficacité douteuse), un filtre rose fluo devant les yeux, et me shootant aux fraises tagada pour ne pas m’exploser le crâne contre le mur à chaque festival culturel, voyage scolaire, Noël, Saint Valentin, festival d’été en yukata et feux d’artifices… J’ai cherché, désespérément, pendant des années, et alors que je commençais à perdre la foi, je suis tombée sur ce titre par le plus pur des hasards, en fuyant les révisions et choisissant un titre shōjo au pif pour déstresser, je ne savais pas, je ne pensais pas… J’en ai carrément versé des larmes de joie tant je n’y croyais pas. La conclusion étant d’une beauté inouïe, et sublimant au lieu de détruire la romance développée auparavant.
Je tiens tout de même à préciser que Next to you est un shojo scolaire classique et convenu, qui suit de prime abord les clichés habituels : cruchotte et dark haired-kun qui sont voisins et amis d’enfance, cruchotte qui déclare ses sentiments à dark haired-kun, celui-ci qui choisit de la repousser pour des raisons qui lui sont propres et sort avec une autre fille, cruchotte qui recolle les débris de son petit cœur auprès de l'adorable light haired-kun, dark haired-kun qui accepte enfin ses sentiments pour cruchotte… Bref, les bases usuelles, et un scénario que vous avez au moins lu cent fois auparavant (mais qu’est-ce qu’on aime ça ! Nonon, ce n’est pas juste moi, naméoh !).
C’est tellement quelconque dans les premiers volumes, que c’en devient typiquement le type de lecture que je ne peux recommander chaudement qu’à un shōjoiste. Et pas n’importe quel shōjoiste, celui qui n’en peut plus, celui qui en a marre, celui qui a lu assez de shōjos scolaires pour en être dégoûté à tout jamais et perdre la foi. Celui qui se fait avoir à chaque fois en espérant une conclusion inattendue jusqu’au tout dernier chapitre… mais sans jamais que ça n’arrive. Car juste ciel, ça arrive, ça arrive dans Next to you !
*essuie ses larmes et continue la tirade... *
Et il n’y a pas que sa conclusion qui soit de bonne facture, même si elle reste un point très important dans l’appréciation globale de l’œuvre. Next to you est une lecture addictive dans son ensemble. Même si le background et les rebondissements sont clichés au possible, tout l’intérêt réside dans les mises en scène (qui font doki doki nos cœurs ~) et le caractère des personnages.
À part Yuiko et son ex, avec lesquels j’ai eu beaucoup de mal, tout le casting est attachant (surtout les petits Keisuke et Mayu !) avec un triangle amoureux des plus efficaces.
Kyousuke, même en étant des fois inutilement compliqué et indécis, reste un adolescent très crédible, voire même touchant. Même s’il nous fait rager, on peut comprendre qu’il n’arrive pas à voir son amie d’enfance romantiquement tant ils se connaissent depuis toujours, leur relation d’amis enfance s’apparentant à celle d’un frère et une sœur. La considérer autrement qu’une sœur, et croire qu’elle le considère autrement que comme un frère en confondant ses sentiments avec de l’amour amoureux par peur de le perdre, n’est pas aussi évident que cela puisse paraître.
Du côté de Nina, sa pureté et sa bonne humeur sont des classiques de l’héroïne shōjo, mais ce qui est rafraichissant, c’est sa franchise, le fait qu’elle n’hésite pas à dire ce qu’elle pense et ce qu’elle ressent, quitte à blesser les autres et à se blesser elle-même. Elle n’a pas peur des mots et ne reste pas à tourner autour du pot des volumes durant. C’est d’ailleurs un réel plaisir de voir, enfin, une héroïne qui sait aller de l’avant et ne fait pas du surplace en se morfondant, une évolution subtile qui embrasse les clichés habituels avant d’en bifurquer pour nous offrir un gain en maturité crédible pour une jeune fille de son âge, qui expérimente le premier amour comme le second, et ne stagne pas.
Miyake, oh Miyake, adorable Miyake, tout bonnement craquant. Il n’y a pas un seul moment où on n’a pas envie que nos bras traversent les pages pour lui faire un gros câlin. Il s’impose petit à petit auprès du pairing principal, et on finit par s’attacher à ce garçon si pur et si honnête, à l’origine des passages les plus kyayesques.
Avec son apparition, toutes les cartes sont redistribuées. Et la véritable question du titre quant à l’amour platonique est concrètement posée : lorsqu’on aime quelqu’un, mais qu'on ne peut pas le toucher, est-ce vraiment de l’amour ?
Nina, aime-t-elle Kyousuke ? L’a-t-elle jamais aimé autrement qu’en tant qu'ami ? Où se situe la frontière entre l’amour et l’amitié ? Si Kyousuke refuse ses sentiments, n’est-ce pas parce que, contrairement au lecteur, il est conscient que Nina ne comprend pas dans quoi elle désire s’engager ? Le traitement du rapport physique dans une relation, et la compréhension de ce rapport par une collégienne, font d'ailleurs partie des aspects les plus réussis de la série.
C’est quoi l’amour ? (Non, pas l’émission de TF1) Qu’est-ce qu’un couple ? Qu’est-ce qu'être ensemble ? Que faire lorsque la personne qui a toujours représenté le monde à nos yeux prend son envol… comment la retenir, doit-on vraiment la retenir ?
Cesse-t-on jamais d’aimer quelqu’un ou apprend-on simplement à aimer quelqu’un d’autre, encore plus fort ?
Ce manga propose des réponses à toutes ces questions. Si vous êtes curieux de les connaitre, lisez donc !
Certes, ce shōjo n’est pas exempt de tout défaut (le personnage de Yuiko quoi…). Il est même loin d’être parfait, et on ne peut que lui reprocher sa construction très convenue, certaines situations survolées et un développement des personnages assez bancal. Ce n’est pas l’histoire qui révolutionnera le genre ou qui pourra être citée comme la crème de la romance. Hélas, la conclusion satisfaisante ne compense pas le fait qu’un non-initié au shōjo s’ennuiera sec et baillera devant les différents quiproquos et tourments amoureux qui restent le centre du récit. On ne nous propose pas grand-chose à côté des amourettes : c’est la lecture popcorn avec une guerre de shippings.
Les dessins, eux, sont très typés shōjo, avec l’héroïne mince et fluette mais pas trop extravagante, les bisho dark haired VS light haired... Cependant, je retrouve dans le trait de l’auteur quelques similitudes avec le dessin de Yuki Obata, ce qui n’est pas pour me déplaire. Notamment les expressions des visages, le fameux « œil effacé », les contours, les décors torchés… Je n’ai pas pu m’empêcher d’avoir une pensée pour l’esthétique d’un C’était nous.
Ayant enchaîné les dix volumes, puis l'écriture de cette critique, mon objectivité se situe entre le zéro et le néant abyssal, mais peut-être que mon enthousiasme sera communiqué aux non-habitués du genre qui voudront du coup tenter un titre classique, mais curieusement original dans sa conclusion. Cela dit, je maintiens que ce manga est une perle pour tout shojoiste qui cherche désespérément le Graal du triangle amoureux du shōjo scolaire. Hail, Next to you, hail !
Et puis, vous savez quoi ? Je pourrai résumer tout ceci par une simple phrase : J'ai pris mon pied. En fermant le dernier volume, j'avais un sourire béat entre mes larmes. J'ai ri, j'ai pleuré, je me suis enthousiasmée, j'ai eu la gorge serrée, cette lecture m'a transmis tout ce que je désirais ressentir comme émotions en la débutant, rares sont les œuvres dont je tire un tel sentiment de satisfaction.
Au diable l'objectivité, car c'est ça la passion du shōjo scolaire niais.