La famille c'est sacré ! Hein papa ?!

Voici un seinen en trois volumes qui, comme l'indique le synopsis, raconte le retour d'un père auprès des siens, un retour qui aura une influence considérable sur ses proches... Un manga tonitruant à la narration dynamique, sachant alterner action, émotion, temps forts et moments plus calmes… Ce qui interpelle aussi c'est le visuel, nous avons droit à des couvertures peu communes avec une illustration dépouillée dessinée d'un trait gras et volontairement agressif, un résultat exprimant quelque chose de brut. En regardant ces couvertures on comprend déjà que l'auteur a la volonté de créer un impact d'entrée de jeu.

La mise en page est de qualité, avec des planches proposant un découpage de cases favorisant une lecture fluide et claire, pour ainsi suivre une histoire qui alternera moments présents et flashbacks, cela sans discontinuer ou presque. Le thème est abordé avec rudesse, mais il se veut tout de même chaleureux car traitant de la famille, du rôle d'un père et son influence sur ses proches. Ce manga sera volontiers sombre pour ainsi mettre aussi davantage en valeur les moments de bonheur que connaitra cette petite famille que nous allons suivre. Le trait de l'auteur est assez particulier mais talentueux. Il offre une œuvre facile à comprendre au chara-design des plus rustres, mais des plus réussis tant il convient à cette histoire et son contexte. Il nous permet de comprendre ou de deviner aisément la nature des sentiments et les émotions des personnages. Personnages qui ont ce qu'on appelle une vraie tronche, des visages marqués, des traits travaillés et nous avons là une galerie assez hétéroclite. Cela vaut aussi pour les personnages féminins.
L'histoire possède, à l'instar des pages l'illustrant, un ton et un côté volontairement exagéré. Son dessin, son héros, ses personnages et les évènements relatés auront de quoi vous faire écarquiller grands les yeux... Cependant, il en ressort une telle véracité de propos que ça en valait bien la chandelle. En effet, c'est avec brio que ce manga joue dans la catégorie adulte avec sa touche urbaine, sombre et dure. Les graphismes y sont de toute beauté avec un soin évident dans des détails et les fonds. Rien ne semble traité à la légère ou comblé avec quelque effet ou artifice (lumière, grand vide/blanc ou autres).

Un manga faisant preuve de caractère et de personnalité qui se veut plutôt réaliste, malgré l'évidente volonté de bousculer le lecteur par bien des moments. Les scènes chocs, explicites, crues et violentes sont là pour servir la trame et faire ressortir la force de l'histoire et du personnage principal, sans jamais tomber dans le fan service. Alors manga exagéré ou pas, c’est ce que l'on adore ou que l'on déteste. Je suis de ceux qui sont sortis conquis à la fin de celui-ci. J'ai trouvé les scènes d'action pleines d'impact et d'une qualité rare, on y voit bien et on comprend parfaitement ce qu'elles proposent. Cependant ce sont le parcours, le passé et les liens qu'entretient le personnage principal avec sa famille, qui crèvent l'écran, et qui m’ont le plus séduits… J'ai rarement vu de personnage aussi vrai et aussi fascinant : Takeshi Kumada est un mélange de force, de bestialité et d'amour. On y décèlera même une sagesse profonde, ou du moins le comportement d'un homme tachant de vivre en tenant compte de ses expériences passée, les bonnes comme les mauvaise, cela afin d'apporter le meilleur de lui-même à sa famille, et de pouvoir ainsi se racheter de sa longue absence forcée. On appréciera l'ardeur avec laquelle il souhaite protéger les siens, sa façon toute en retenue de montrer ses sentiments, tout comme la manière avec laquelle il prend ses décisions. Cela sans que l'on puisse avoir le temps d'anticiper, ni à redire dessus. L'auteur Tsuru Moryama livre un récit coup de poing tant par la forme que par le fond.

Le mot "brut" est celui qui convient le mieux pour définir ce manga... L'histoire proposée et son protagoniste principal ont tout pour nous donner l'idée que l'on s’embarque dans une odyssée brutale et tragique. Au contraire, on y découvrira une beauté inattendue et un message des plus positifs. Je voudrais conclure sur Takeshi Kumada le personnage principal, ce père qui a l'allure d'une brute et qui dégage beaucoup de virilité. Il parle très peu et fait partie de ces personnages que j'affectionne et que je classe tout de même parmi les plus grands guerriers, comme si il s'agissait là d'une œuvre d'arts martiaux ou de guerre. M'enfin ce n'est qu'un papa doublé d'un homme qui a redoublé de malchance et avec qui la vie n'a pas été tendre, mais on saura se rappeler de lui... Alors « Mon Vieux » c'est une chronique sociale, une fable contemporaine, une histoire de famille où l'on va nous transporter dans un quotidien difficile auprès d'une fragile famille pauvre. C'est une immersion où l'on côtoiera la frange populaire de Tokyo, ceux qu'on nomme les habitants des bas-fonds et où se mélange yakuzas, p'tites frappes, destinées de misères et galères en tout genre. Le décor qui nous est proposé exprime souvent la pauvreté, l'insalubrité, la saleté et le coté sinistre de ce cadre de vie dans lequel évoluent les protagonistes principaux. Tout de même, encore une fois, je constate que les sentiments sauront rejaillir pour éclairer les pages du manga, la vie de cet homme et de sa famille, tout cela de la plus belle des manières. Une force due aux propos mais surtout à cette touchante narration dont sait faire preuve l'auteur.

On tient donc une histoire et un environnement que l'on nous expose bien peu dans l'univers des mangas. D'ailleurs chez le libraire où j'ai mes habitudes, « Mon vieux » faisait un peu tâche et figure d'ovni au milieu des mangas que j'étais venu chercher, et qui sont placé parmi les sorties récentes. Je me suis laissé tenter et c'est, bien sûr, sans regrets aujourd'hui ! Il fait du bien de retrouver des seinen pouvant offrir de l'action mais aussi un peu d'humanité dans cette époque où l'on met volontiers en avant la culture de l'apparat, ou de choses plus communement superficielles pour nous divertir. Ici c'est le contraire, tout autre chose avec ce manga qui, sans discours moralisateur ou autre, nous rappelle quelques fondamentaux et certaines notions que l'on croit acquises... Je trouve bien de pouvoir se les rappeler le plus souvent possible, et cela à travers une fiction censée seulement nous divertir. ...Des notions telles que l'honneur, la générosité, le pardon, la volonté, le respect et les preuves d'amour envers ses proches. On y voit aussi combien les apparences sont trompeuses avec ce personnage. C'est comme trouver une sucrerie qui vous ravirait là où vous n’espériez pas la dénicher. Je ne vous cache pas non plus que de retrouver un type aussi viril ne me fait pas de mal dans un monde où aujourd'hui le métrosexuel a pas mal la côte... Ca me rappelle les darons à l'ancienne, il y'a aussi un quelque chose des héros à l'ancienne comme le sont ou l'étaient des personnages comme : Bruce Lee, Clint Eastwood, Stallone, Kenshiro, Guts, Jiguro, Afrosamurai et Gendo Hikari. Ça c'est du vrai mec, ce que l'on appelle du bonhomme et le plus important c'est qu'ils sont loin d'être dépourvus de cœur ou de sensibilité! Ah, la testostérone est à l'honneur dans ce manga, le charisme aussi et on nous les offre dans un écrin de démesure que l'on ne regrettera pas finalement. Cette œuvre est potentiellement de celles dont on se rappelle encore longtemps après, comme d'un bon souvenir...

L'auteur a su proposer un récit démarrant sur les chapeaux de roues, se développant de manière à ce que notre curiosité nous pousse en avant de pages en pages jusqu’à un final à la hauteur de l'ensemble. Le tout se conclue avec une réflexion sur la famille, le sens du sacrifice et une fin comme j'ai rarement vu. Elle peut prêter à discussion, mais pas à polémique je pense... Tout se comprend au vu des évènements et le mangaka reste fidèle à ce qu'il nous a proposé depuis le départ. Ça déménage et ça continue de surprendre, c'est ainsi dans ce manga montrant un monde sans pitié mais sublimé par les sentiments proposés. « Mon vieux », c'est une belle histoire, un peu triste, un peu folle, mais tellement vraie que l'on pardonnera volontiers les quelques facilités scénaristiques, éxagérations ou le fait que notre héros ait un coté super Saiyen, façon Terminator. Un sacré personnage, de la trempe des légendaires… Alors allez-y, faites sa connaissance si vous souhaitez une rencontre forte et ajouter vous aussi un personnage valeureux parmi ceux déjà présents dans votre imaginaire et votre quotidien.

De plus ce manga bénéficie d'une postface de qualité, expliquant pourquoi il a été décidé de le rééditer. J'ai bien fait de ne pas la louper car elle donne du relief et plus de cachet à l’ensemble déjà hors norme. Manga à découvrir…

« Mon père ce héros! » Il aurait très bien pu s'appeler comme ça aussi. Cette critique est terminée et j'en profite pour la dédicacer à tous les papas du monde entier.

C'est tout pour moi.