NonNonbâ, un manga qui tranche avec ce qui est édité à l'heure actuelle; un voyageur venu du passé, avec son graphisme et son scénario, malgré une année de création finalement assez proche par rapport au style proposé; voilà comment on pourrait résumer en quelques mots cette oeuvre pour le moins original.
Le premier point que tout le monde remaquera au premier coup d'oeil, c'est sans doute le choix graphique fait par l'auteur, vu qu'il fait appel aux techniques et méthodes de mise en scène qu'on pouvait trouver dans les années 1950-60. Si ce premier constat pourrait rebuter les moins curieux, ceux qui commenceront la lecture se rendront bien vite compte qu'il permet à l'auteur de restranscrire le scénario se déroulant au début des années 30 de manière plus efficace, à une époque où le Japon était partagé entre traditions et croyances populaires d'un côté, modernisme et progrès technologiques de l'autre. Il offre également la possibilité de découvrir de magnifiques images du folklore Japonais, avec une multitude de monstres (Yôkaï et autres esprits), et de décors (Paradis, paysages japonais) tous plus enchanteurs et mystérieux les uns que les autres.
Parlons maintenant du scénario, qui lui même n'est pas en reste: on suit donc les aventures d'un jeune garçon, Shigeru, qui va vivre bien malgré lui l'opposition entre deux modes de pensée totalement opposés, au cours de rencontres plus ou moins mouvementées avec les différents protagonistes. De nombreux sujets sont abordés, avec notamment la découverte du monde des esprits et des morts du folklore japonais, via les récits et conseils de NonNonbâ, une petite vieille dame qui ne paie pas de mine, mais qui se révèle finalement être le meilleur soutien et conseiller du héros dans les moments difficiles. Ces passages sont toujours empreints d'humour, car les esprits (qu'ils soient bons ou mauvais) sont toujours facétieux, et un brin déjantés; de solennité aussi, car malgré tout, le message transmis par NonNonbâ est clair: même si cela semble n'être qu'un jeu, il faut toujours respecter les esprits et les morts, sous peine de voir la situtation dégénérer. Autres passages comiques la découverte du cinéma par le père du héros, qui décide d'en faire son hobby, au grand malheur de sa femme et de son père.
Mais derrière cette facette humoristique, l'auteur (qui porte le même nom que son héros) aborde aussi des thèmes plus graves de l'histoire du Japon, ou plus simplement de la vie courante, comme la mort, la maladie et le trafic des jeunes filles des campagne vendues à prix d'or dans les villes. Comme l'histoire se déroule au début des années 1930, l'auteur décrit la montée en puissance du militarisme par le biais des enfants dont la principale distraction est de jouer à la guerre en organisant de véritables parades avant la bataille, et où celui qui refuse de suivre les ordre du chef est rapidement mis à l'écart du groupe, et regardé comme un paria par ses camarades. Malgré tout, même ces situations sont abordées avec un certain humour, et à chaque fois, NonNonbâ et ses esprits auront toujours leur mot à dire (et bien souvent, ce sera le dernier).
En clair, ce manga est une véritable fresque de la vie quotidienne du Japon du début des années 30, ainsi qu'une autobiographie (plus ou moins réaliste) sur l'enfance de l'auteur.
D'un point de vue personnel, j'aurais même envie de dire que si l'animation japonaise a à l'heure actuelle Miyazaki comme porte drapeau, Shigeru Mizuki pourrait prétendre (aurait pu étant donné la date de création) être celui du manga papier, puisqu'au final, la manière de penser et de raconter de ces deux hommes est similaires: tous deux détestent la guerre (et ça se voit), la magie et le folklore japonais sont au centre de leurs oeuvres, et tous deux critiquent à leur manière nos sociétés modernes...
Donc NonNonbâ est un très bon manga, que je conseille à tous ceux qui souhaiteraient étudier les traditions, la société et l'Histoire du Japon, ou tout simplement ceux qui veulent seulement passer un bon moment et se détendre avec un livre 0% prise de tête.