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« Rien ne me fera plus jamais lâcher cette main. Dieu, êtes-vous à nos côtés ? Peu m'importe si personne ne pardonne mes choix. »

» Critique du manga True Love - Sugiyama Miwako par Maya* le
30 Août 2014

Mon « fétichisme » très appuyé pour l’amour entre frère et sœur étant un secret de polichinelle, c’est donc sans grande surprise que je me décide à dresser une critique pour l’une des plus belles œuvres récentes traitant de ce thème dont je suis friande, d’autant que le nombre de volumes parus n’étant pas très conséquent, ça pourrait aider à motiver les plus réticents d’entre vous.

True Love est avant tout une histoire d’amour, confuse, innocente et sincère. Les premiers chapitres qui racontent l'enfance des deux protagonistes à la fois heureuse et émouvante mais également consciente du drame qui se profile au bout des disputes parentales, sont une belle entrée en matière et accrochent tout de suite le lecteur qui s’attache à ces deux enfants qui se tiennent fermement la main.

Même si certains peuvent ne pas être emballés par ce genre d’amour tabou, la romance est si délicatement développée qu’on ne peut que s’attacher et s’émouvoir pour ce couple désespéré. Alors que le type shojo nous a habitués aux romances pré-formatées ainsi qu’aux mélodrames stériles alimentés par des quiproquos entre une adolescente névrosée et stupide comme ses pieds et un beau-gosse lunatique, True Love fait partie de ces rares titres du genre narrés avec sensibilité et où les enjeux ne manquent pas de sérieux.

L’histoire est douce, honnête et ultimement crève-cœur en abordant sérieusement un thème à controverse qui relève habituellement du vulgaire fétichisme dans les œuvres japonaises.
Et là où True Love se démarque d’autres histoires incestueuses sérieuses (comme notamment le sublime et dérangeant Koi Kaze), c’est que Sugiyama Miwako ne cherche pas à perturber le lecteur mais à peindre une romance douloureusement crédible tout en tamponnant le drame avec ces instants de bonheur que procurent le sentiment amoureux et rendant la lecture fluide et agréable. Elle ne verse pas excessivement dans le pathos over-the-top-dramatique, et même si on a la gorge nouée à certains moments, nous avons également un sourire niais au bout des lèvres à d’autres.

Nous suivons la relation entre Souta Yuzuru et sa petite sœur, Ai. Leur séparation, leurs retrouvailles, leurs sentiments naissants, leur déni et leur évolution. Les chapitres se déroulent avec fluidité et sans gros retournements de situations ou quiproquos frustrants. Les malentendus sont plutôt des non-dits et des silences inhérents à la condition taboue des sentiments. Nous vacillons entre les points de vue de l’un comme de l’autre au fil des chapitres qui alternent entre leurs pensées intérieures, alors que leur relation cherche un juste équilibre entre la passion, les doutes et leur lutte acharnée contre leurs sentiments et contre les autres.

Malgré la complexité de ces sentiments, l’histoire reste assez simple et accessible au lecteur, sans chercher à le confondre mais sans non plus l’ennuyer avec une ligne ultra-prévisible, la narration est efficace. Malgré quelques codes du genre qui ont la peau dure, comme le garçon doué en tout et extrêmement populaire et la jeune fille innocente et admirative, ces derniers sont dilués dans l’histoire grâce à « des arguments » solides justifiant leur présence.

Le point fort de l’histoire actuellement est la crédibilité de la romance, qui décrit avec justesse ce que deux adolescents liés par le sang devraient souffrir avant d’en arriver à assumer leur péché. Une souffrance loin d’être sur-jouée mais qui grandit dans les obscurités de chacun en se nourrissant des gestes irréfléchis du quotidien. Comme blesser l’autre en croyant le protéger ou encore en ne réalisant pas ses espoirs, un comportement anodin et habituel peut vite devenir source de déchirement quand l’autre attend de nous autre chose.

Leurs inquiétudes, leurs confidences et la façon dont ils trouvent du réconfort dans l’autre pour faire face à Dieu, aux autres, à leurs peurs, sont emprunts d’une sincérité qui peut être déroutante et apporter une lumière nouvelle sur ce genre de tabou, certes c’est romancé mais ça ne semble pas s’éloigner tant que ça de la réalité de couples de frère et sœur qui s’aiment. Surtout que les deux protagonistes font preuve de beaucoup de maturité pour leur âge tout en gardant cette innocence et pureté de romance lycéenne. Ils arrivent à voir de la beauté là où d'autres ne verront qu'un tabou contre-nature.

Les deux adolescents étant moins formatés qu'un adulte (comme dans Koi Kaze) qui serait dévasté par cet amour condamné par la société, ont encore cette naïveté enfantine qui nous rappelle que l'être humain libéré des chaînes de la société et de cette morale qui se prétend bien-pensante, est capable de tout simplement « aimer ». Et aimer ne peut être un crime, même quand les deux ont grandi ensemble et partagent le même sang.

L'auteur arrive à subtilement expliquer que ce qui est tabou n'est pas forcément mal. Et quand on se détache de toute cette prétendue norme qui n'est qu'hypocrisie et limites imposées par une majorité, car la normalité n'existe pas dans l'absolu, juste des références et des dogmes sociaux, il est plaisant de voir cette innocence, cette aisance avec lesquelles Yuzuru et Ai sont en harmonie avec leurs sentiments. Bien sûr, ça ne sera pas toujours tout rose et l'impitoyable intolérance de la société finira par leur faire obstacle, mais ça sera un obstacle à leur relation et non pas à leur amour. L'amour est un sentiment libre et heureux, ils ne le vivent pas comme un supplice ou un regret et ça, bordel, c'est beau.

Le reste du casting servant principalement de soutien ou d’éléments catalyseurs, il est fort à parier que Nanayo et Shuji qui sont déjà très présents finiront par devenir de réels obstacles avant même l’affrontement du boss final que sont les parents.

Et si leur amour interdit n’est amené au fil de leurs incertitudes adolescentes ni comme un facteur choquant ni comme étrange fétichisme otaku, mais avec sincérité, c’est également grâce à la plume de Sugiyama Miwako dont la riche palette d’expressions transcende les sentiments et est bien plus communicative que des pavés de texte. (Dommage que l'on ne puisse pas encore utiliser d'images pour illustrer les critiques manga.)

Les dessins de Sugiyama sont irréprochables et soignés, rendant la lecture unique et marquante. Son style collant décemment à son histoire. Les graphismes étant l’un des points forts de l’histoire et plutôt catch-eye, ils pourraient motiver les plus allergiques à l’inceste à découvrir ce genre d'histoire et lui laisser sa chance.

La qualité des dessins est régulière, et c’est visuellement impeccable. Même qu’on note une amélioration et un investissement de l’auteur dans les traits de ses personnages au fil des chapitres. Un investissement et un souci du détail qui se ressentent dans les émotions véhiculées. Et même si Miwako-sensei se concentre sur les personnages et leurs expressions, les backgrounds restent plutôt décents et ne font pas brouillons ou bâclés, c’est plutôt épuré.

Le charadesign est plutôt classique pour du shojo mais dans le genre de ce qui se fait de meilleur. Les bouilles correspondent aux personnalités avec un Yuzuru assez beau garçon, intelligent (megane, saiks ~), et une Ai toute menue, tête en l’air et mignonne.

Au vu de son contenu inconfortable, True Love est un titre qu’il n’est pas aisé de recommander à tout venant (J’en ai vaguement parlé autour de moi pour tâter le terrain et les réactions hermétiques furent au rendez-vous) et que certains auraient tendance à ranger honteusement au fond des étagères entre un hentai et un Boy’s Love. Et pourtant, je ne peux qu’insister auprès de ceux qui ne sont pas immédiatement rebutés par ce genre d’amour interdit pour qu’ils le lisent.

En tant qu’initiation au shojo, j’émettrai des réticences tout de même, à condition que la personne fasse preuve d’ouverture d’esprit et ait la maturité et recul nécessaires pour apprécier la romance pour ce qu’elle est, ou soit déjà intéressée par le sujet à la base.

True Love est un manga que j’ai pris beaucoup de plaisir à découvrir, et que je prendrai beaucoup de plaisir à continuer, finir (il a été annoncé que le manga arrivera à son terme fin septembre avec la parution du dernier chapitre dans le 20e numéro du magazine Sho-comi; la série devrait compter 7 tomes au total), puis relire. J’ose espérer qu’il sera un jour licencié afin que je puisse avoir les tomes chez moi et les exposer fièrement, une licence qui n’est pas improbable vu le succès actuel du titre au Japon et le fait qu’il y ait antécédent d’édition d’une œuvre du même thème, Secret sweetheart, chez Soleil. On croise très fort les doigts.

Verdict :7/10
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A propos de l'auteur

Maya*, inscrit depuis le 01/02/2012.
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