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SAMURAI 8 — Ultimate Naufrage Storm

» Critique du manga Samurai 8 - La légende De Hachimaruden par Deluxe Fan le
28 Septembre 2021
Samurai 8 - La légende De Hachimaruden - Screenshot #1

Depuis quelques années, le Shônen Jump domine complètement la pop-culture japonaise, à un point jamais vu auparavant. Certes le Jump a connu son heure de gloire dans les années 80, lorsque le magazine alignait les séries cultes (Dragon Ball, Saint Seiya, City Hunter, Hokuto no Ken…) mais ces succès restaient cantonnés au manga et à l’animation, et uniquement dans les territoires exposés à ces licences tels que le Japon et la France. Aujourd’hui, la domination du Jump s’exerce aussi bien dans le manga que dans l’animation, mais aussi au cinéma, dans les jeux vidéo, sur les applis smartphones ou dans les produits dérivés. Grâce aux réseaux, les marques fortes du Jump telles que One Piece, Hero Academia ou Kimetsu no Yaiba s’étendent simultanément partout dans le monde et sous toutes les formes. Aucun acteur de l’industrie de la japanime n’a été aussi puissant, et ce n’est pas prêt de s’arrêter.

Cette montée en force du Jump est due à la mondialisation, mais aussi à un changement de mentalité du public. Les mêmes personnes qui autrefois crachaient sur Naruto et se pinçaient le nez à la mention de Bleach sont les mêmes qui aujourd’hui cirent les pompes de Jujutsu Kaisen et attendent l’anime de Chainsaw Man la bave aux lèvres. Ce retournement de veste du public a contribué à sortir le shônen de sa réputation de divertissement de mauvaise qualité, aidé il est vrai par une nette montée en gamme des adaptations.

Samurai 8 - La légende De Hachimaruden - Screenshot #2Toutefois, penser que tout ce que le Jump touche se transforme en or serait très exagéré. C’est même tout l’inverse ; le Jump est fondé sur cette compétition interne entre les auteurs, dans laquelle les séries qui ne prennent pas immédiatement sont évacuées pour laisser la place à d’autres candidats. Après tout le magazine ne peut contenir qu’un certain nombre de pages, et seuls les meilleurs ont droit à se retrouver entre les mains des lecteurs. Le public - particulièrement en Occident - n’est donc exposé qu’aux succès, ce qui entretient cette idée que le Jump ne produit que des phénomènes alors que c’est loin d’être le cas. Exemple avec le manga qui nous intéresse ici, Samurai8.

Samurai8 est donc un manga shônen écrit par Masashi Kishimoto et illustré par son ancien assistant, Akira Okubo. Le manga a débuté dans le Weekly Shônen Jump en mai 2019 et s’est terminé en mars 2020, moins d’un an après, pour un total de quarante-trois chapitres compilés en cinq tomes. Cinq tomes c’est pas mal pour raconter une histoire, mais pour une série du Jump c’est misérable. Le principe fondamental du Jump c’est les séries feuilleton, publiées sur le long terme, afin de captiver le lecteur le plus longtemps possible. Et la raison est bien simple, ce n’est pas l’auteur qui a terminé son histoire, c’est l’éditeur qui l’a terminé pour lui, puisque le manga a été annulé en plein milieu faute de succès.

Samurai 8 - La légende De Hachimaruden - Screenshot #3La galaxie est protégée par des guerriers mystiques appelés les Samurais, qui sont tous des cyborgs dotés d’une Âme qu’ils peuvent insérer dans une poignée osseuse afin de créer un véritable sabre qui pourfend leurs adversaires. Toutefois pour devenir un vrai Samurai il faut procéder à l’Union des Trois Corps en associant l’Âme, le Key Holder ainsi que la Princesse.

Hachimaru est un gamin valétudinaire qui vit avec son papa dans un coin reculé de l’espace. Lorsqu’apparait le Samurai-chat Daruma, maître de l’école Kongo Yasha, le jeune garçon reçoit la bénédiction du dieu de la guerre Fudô Myoo et renaît dans un corps de cyborg doté d’une Clé spéciale. En effet, Hachimaru est en réalité une des huit clés capables d’ouvrir la Boîte de Pandore. Pour éviter la destruction de la galaxie des mains de l’école Ususama dirigée par le traître Kala et son bras droit Ata L’inégalable, Hachimaru doit s’engager dans un périple interstellaire…

Si vous ne comprenez rien à ce synopsis, alors vous commencez à saisir un des principaux problèmes de ce manga. Dès ses premiers chapitres et pour la majeure partie de son contenu, Samurai8 est un étalage ininterrompu de technobabillage et d’exposition qui rentre dans les moindres recoins de son univers science-fantasy mâtiné de physique quantique et de mythologie. Les pages s’enchaînent à expliquer le principes généraux des Samurais, l’ordre politique galactique, les techniques de combat, les nanomachines, ce qui rend la lecture laborieuse et annihile tout intérêt ou sympathie que pourrait susciter cette aventure qui ressemble plus à un livret de règles de JDR qu’à un shônen de baston.

Samurai 8 - La légende De Hachimaruden - Screenshot #4Ce ne sont cependant pas les idées qui ont manqué à Kishimoto. Même si on peut trouver une vague ressemblance avec l’univers de Naruto, le cadre est bien différent et beaucoup plus large. On parle ici d’une histoire aux enjeux galactiques voire intergalactiques, dès le premier tome on a des personnages qui détruisent des planètes entières d’un geste de la main, et le héros est un cyborg quasi-immortel qui se bat en sacrifiant des parties de son corps et se déplace à travers l’espace avec son robot-chien qui se transforme en n’importe quoi à volonté. C’est totalement perché et bizarre, on est très loin des mangas actuels tels que Hero Academia ou Jujutsu Kaisen qui ancrent leur univers surnaturel dans un cadre réaliste. Si on y ajoute les illustrations hyper-détaillées sur ces designs bigarrés, on est presque plus proche de Moebius que du shônen moyen, ce qui explique peut-être l’incompréhension du public.

Ces idées auraient pu donner lieu à un récit intéressant mais c’est surtout là où l’auteur, qui a pourtant quelques années d’expérience au compteur, se prend les pieds dans le tapis. Tous ces discours d’exposition et d’explications montrent un scénariste fébrile qui cherche à tout installer le plus rapidement possible quitte à détruire le rythme de son manga. Kishimoto est allé trop vite, un comble pour un auteur dont le dernier titre s'est terminé au bout de 72 tomes, qui installait son univers sur le très long terme. Mais surtout, le pire à mon avis, c’est que toute cette construction d’un monde de science-fiction original n’a pour finalité que de raconter exactement la même chose que tous les autres mangas shônens depuis vingt ans. "Avoir des amis c’est bien". "Il faut aimer son papa". "Les filles elles doivent savoir faire la cuisine". "Le vrai courage c’est de ne jamais abandonner". Un concert de platitudes puériles mâtinées des éternelles rengaines du genre sur la détermination infaillible et la glorification du sacrifice. Les personnages s’insèrent dans ces archétypes, et n’apportent rien de concret en dehors de leur rôle dans un récit téléguidé.

Samurai 8 - La légende De Hachimaruden - Screenshot #5Vers le tome 3 tu sens que les auteurs ont commencé à rusher leur histoire pour vite avancer et essayer de regagner des points dans les classements hebdomadaires du magazine. Il y a un passage où les personnages débarquent sur une planète déserte et doivent participer à un battle royale contre d’autres guerriers, normalement c’est le passage classique du Tournoi que l’on trouve dans tous les shônens. Sauf qu’ici c’est expédié en quelques chapitres, puis quand le méchant principal apparaît c’est le tome 4 et là ça y est, c’est terminé. Kishimoto reçoit le coup de téléphone fatidique de son éditeur qui lui explique que c’en est fini pour Samurai8 mais que par respect pour tout ce que Kishimoto a apporté au magazine, on lui laisse un tome de plus pour boucler son affaire. On en arrive donc à un tome 5 éclaté où l’auteur balance tout ce qu’il peut avant la fin, noyant le lecteur éberlué sous une dernière vague de blabla ésotérique vaguement interrompue par la Princesse qui avoue ses sentiments à Hachimaru quand bien même dans le récit ils se connaissent depuis genre une semaine maximum quoi.

Quand un auteur tel que Tsutomu Nihei invente un monde de SF totalement unique dans Blame c’est pour raconter une histoire qui est elle aussi unique ; quand Masashi Kishimoto et Akira Okubo, forts de décennies d’expérience sur un des mangas les plus populaires de tous les temps, proposent un univers unique et original, c’est pour servir la soupe aux clichés les plus éculés du Jump sans tenter de se réinventer. Et c’est probablement cela qui a motivé le choix des éditeurs de tuer ce manga ; car à ce niveau de OSEF le manga aurait pu durer cinq tomes ou cinquante que cela ne l’aurait pas rendu plus intéressant.

Le cimetière du Jump est rempli de mangas avortés qui finissent dans la fosse commune aux œuvres éliminées avant qu’elles ne parviennent à quoi que ce soit. Dans le lot il y en a qui avaient du potentiel, d’autres qui puaient la défaite dès le départ, mais rarement nous autres lecteurs français avons l’occasion de découvrir cette gigantesque déchetterie de la bande-dessinée. Si Kishimoto n’était pas l’auteur de Naruto, nous n’aurions jamais eu de version officielle d’un manga qui s’est à ce point loupé, un véritable exemple d’échec qui nous rappelle que les rois du mangas sont assis sur des trônes décorés par les crânes de leurs collègues exécutés en place publique.

Verdict :3/10
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A propos de l'auteur

Deluxe Fan, inscrit depuis le 20/08/2010.
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