Avant d'être un excellent manga, Zatoichi était une excellente série de 26 métrages réalisés de 1968 à 1989, puis un excellent film de 2003 avec Takeshi Kitano interprète du rôle du masseur aveugle.
Hirata Hiroshi sur la demande de Shonen Gahô-Sha, en a fait tout naturellement un excellent Gekiga au design très particulier et non moins simpliste, qui plus de 40 après n’a pas pris une seule ride avec une nouvelle adaptation chez Akata. Cette nouvelle version papier reprend donc certains chapitres du parcours du masseur sabreur à travers un japon de l'époque Edo "La balade de Zatoïchi" et "Zatoïchi traverse la mer". Il s'agit plus précisément du 13ème et du 14ème film. C'est ainsi que l'oeuvre se place entre l'épopée et le manga de samouraï, entre un roman de cape et d'épée asiatique et le bushidô.
Comme le conte populaire dont l'auteur n'est autre que Kan Shimozawa, Hirata Hirsohi présente quelque chose de simple qu'il décrira par: "Zatoïchi est l'homme faible en apparence qui lutte jusqu'au bout, coûte que coûte".
La lutte est le thème récurrent qui ne laisse pas de place à une romance qui aurait pu complexifier le gekiga à l'instar des films et c’est que l’auteur revendique. Il s'agit ni plus ni moins du voyage d'un aveugle qui fait les frais d'un mépris collectif comme il était coutume envers les infirmes à l'époque. Ichi vit une vie de loup solitaire et c'est cette impression qui est formidablement retranscrite à travers le gekiga, une vie de reclus dans laquelle il n'a besoin que de son épée pour se protéger, presqu'une vie de hors-la-loi, gage de son passé de yakuza, ce qui l'éloigne encore plus du concept du héros. A contrario d'un personnage cristallisé et d'un héros stéréotypé, c'est l'époque dans laquelle vit Ichi qui en fait un paradoxe et une particularité. Tous ces éléments ont été figés pour donner au personnage cette originalité et cette spécificité.
Le design particulier a captivé mon attention lors de ma première lecture, je ne m’attendais pas à ce style connaissant l’auteur à travers d’autres gekigas tels que « Plus forte que le sabre», «Satsuma, l’Honneur de ses samouraïs» ou encore «La loi du temps» que je viens de terminer, il ne s’agit ni plus ni moins qu’une volonté de l’auteur de vouloir esquisser le monde vu par un aveugle. Un monde pratiquement informe, à l’aspect rugueux. Cette esthétique joue pourtant un rôle clé en ce qu’il permet au lecteur de se focaliser sur les actions, les péripéties et les points de vue engagés mis en avant. Zatoïchi n’en reste pas moins une œuvre caricaturale et satirique s’autorisant tous les raccourcis possibles. Sauver la veuve et l’orphelin, défendre l’opprimé et combattre les méchants. C’est par cette vision idéaliste que Zatoïchi a su conquérir le monde et une population de plus en plus fervente de la rareté d’un anti-héros.
Quant au film de Takeshi Kitano, c’est un masterpiece reprenant d'autres films parmi les 26 de la série, film et films, à voir et à revoir sans modération.