Ushio & Tora – L’ami des bêtes

Comme j’avais pu l’évoquer dans le dernier article saisonnier, les studios d’animation, même ceux qui a priori visent d’habitude un public plus adulte, se sont mis depuis quelques temps à la vieille technique d’adapter des mangas shonen au long cours. Plus grand publique, mais avec une technique dans le haut du panier, ces divertissements solides font autant plaisir aux spectateurs qu’aux caisses des studios qui voient là l’occasion de se faire un fonds de trésorerie. Si les séries sportives récentes ont la cote, Madhouse a prouvé avec la nouvelle mouture de Hunter X Hunter que les vieux mangas orientés baston qui tachent ont de la ressource.

Mappa (fondé, rappelons-le, par d’anciens de Madhouse) suit les traces du grand frère en portant à l’écran Ushio & Tora, manga écrit dans les glorieuses années 90 par Kazuhiro FUJITA. Son nom vous dira peut-être quelque chose car notre ShiroiRyu national n’aura pas économisé sa salive pour faire la pub de son titre le plus récent : Moonlight Act.

Mais revenons à nos démons. Car démons (ou Yôkai dans la mythologie japonaise) il y a à foison dans Ushio & Tora. Un jeune collégien, Ushio, libère malencontreusement un démon qui avait été scellé par un de ses ancêtres grâce à un puissant artefact, la Lance du Fauve. Ushio, qui a manifestement dormi en cours de SVT, surnomme le démon Tora (littéralement « Tigre » en français) car il lui trouve un air de famille avec les Panthera tigris. Le gamin arrive à se protéger du gros chat qui veut le boulotter (le CCC veille) avec la Lance du Fauve mais l’aura de Tora attire d’autres vilains. Pour sauver ses amis, Ushio n’a d’autre choix que de travailler avec Tora. Ce dernier se plie non sans rechigner à sa requête mais vous savez comme dit : si on garde ses amis proches de soi, on surveille d’encore plus près ses ennemis.

Résumer en quelques lignes la relation des deux galopins n’est pas lui faire honneur. Comme la série suit – pour l’instant – un rythme de « monstre de la semaine », la complicité/rivalité de Ushio et Tora est le vrai fil rouge de la série. Tantôt alliés, tantôt ennemis, leur binôme est pour le moins dysfonctionnel. Alors que beaucoup de séries font l’erreur de montrer une relation linéaire (on se déteste puis on apprend à s’apprécier), celle-ci est beaucoup plus chaotique. Et si j’anticipe qu’ils finiront vraiment par travailler main dans la main, leurs objectifs pourraient bien diverger.

Si Ushio & Tora plaît autant aux vieux cons, c’est qu’outre son matériau d’origine qui a quelques années au compteur, l’adaptation respecte certains codes presque désuets. Le chara-design de Tomoko MORI est très marqué mais n’hésite pas à déformer les personnages pour un effet comique. De même son animation est certes rapide mais fait ressentir le poids des corps. Toujours dans la catégorie old school, on prend le temps de montrer les personnages, dans leur quotidien, pour que le spectateur puisse s’attacher à eux. Le rythme met un moment avant de s’installer. Les premiers épisodes sont construits plutôt indépendamment et il faut attendre pour voir se dessiner le fil rouge.

Ça sera d’ailleurs l’un de mes reproches à la série. Je sais bien que beaucoup d’épisodes sont prévus ; les différentes trames connaîtront leur conclusion donc je n’ai pas l’inquiétude de finir frustré. Pourtant, si je donne de la valeur à la construction des personnages et de cet univers, je pense qu’on aurait gagné en ramassant un peu plus les événements.

Dans un autre registre, j’ai du mal  avec la gestion du fantastique. La démarcation n’est pas toujours si franche entre les gens qui arrivent à voir ou non les démons. Il suffirait qu’ils soient surpris de phénomènes étranges mais il est dit clairement que les humains – tous les humains – arrivent à voir les yôkai, lors de brefs moments. Ils passent même à la télé ! Et là ça ne colle plus car la réaction publique, politique, militaire devrait s’en ressentir. J’entends déjà ceux qui me rétorqueront que chercher du réalisme avec des démons qui transforment les gens en pierre est ridicule mais là je reproche plutôt à la série de ne pas être cohérente.

Néanmoins, je ne goûte pas mon plaisir car Ushio & Tora n’hésite pas à être drôle, même en plein combat. L’aventure n’en est qu’à ses débuts et la quête du jeune garçon prometteuse. Habitué, j’anticipe certains retournements tragiques qui, après s’être attaché autant à ces personnages, va me coller dans une essoreuse. J’espère que je n’ai pas renouvelé mon stock de mouchoirs en papier pour rien.

La série est disponible en simulcast sur ADN.