Hors-série Beaux Arts – Décembre 2008
Une fois n’est pas coutume dans le domaine de la presse française, le magazine Beaux Arts vient de consacrer ce mois-ci un hors-série spécial manga intitulé très sobrement : « Qu’est-ce que le manga ? ». Comme les revues à ce sujet, et encore plus les hors-série, sont assez peu fréquents, voilà une bonne occasion de faire un décryptage sur l’évolution du manga vu par les magazines occidentaux, et plus particulièrement français.
Dès la première page nous voilà prévenus, ce magazine ne va pas défendre le manga, ni prendre de parti d’aucune sorte, il va décrire, simplement, les différents types de manga, les précurseurs et les produits dérivés – globalement. Une description totalement sans prise de position donc, mais qui va malheureusement rendre le ton de la revue un peu trop neutre au final.
Beaux Arts pose dans son édito de bonnes interrogations, souhaitant mêler la culture japanime à la culture occidentale via des références établies telles que Tarantino avec son film Kill Bill ou encore les clips de Daft Punk réalisés par Leiji Matsumoto. La revue pose la question du pourquoi et du comment mais va y répondre de manière biaisée. Ainsi, quand elle aborde plus tard, au sein d’articles bien ciblés, la question de Matsumoto, elle n’évoque plus les Daft Punk et les influences sur le cinéma américain se laissent deviner au fil des articles sans qu’il n’y ait clairement de réponses. C’est le cas avec l’article sur Lady Snowblood qu’on peut interpréter librement en établissant le parallèle avec la mariée vengeresse.
Quand on a un tant soit peu de connaissances dans le domaine du manga, on se rend vite compte que ce magazine est avant tout destiné aux néophytes. Le procédé a son avantage ; les auteurs ne s’embarrassent ainsi pas exagérément d’éléments techniques, et décrivent, accompagnés du lexique explicatif, la partie émergée de l’iceberg japanime. Pas de grandes explications donc, mais simplement un large focus sur ce monde vu de l’extérieur pour des lecteurs découvrant ce phénomène et voulant avoir un bref aperçu de la situation. Beaux Arts ne brise pas non plus les préjugés acquis au fil des ans en direction des mangas. A la question les mangas sont-ils violents, il répondra sans hésitation oui ; et comme représentant de la culture actuelle du Japon il pointera du doigt à l’inverse Hello Kitty.
On ne peut néanmoins pas enlever à cette revue son aspect « touche à tout ». Longuement parfois, brièvement souvent, il parvient aussi bien à aborder les thèmes assez larges du cosplay, du hentai, expliquer le système des assistants – ou pigistes – ou encore de la mode Cool Japan en plein essor.
Et comme la théorie ne serait pas aussi intéressante si elle n’était suivie de faits, les rédacteurs ont choisi de nous glisser une soixantaine de pages de lecture de trois différents mangakas. L’intention est tout ce qu’il y a de plus louable mais elle reste malheureusement trop stéréotypée. Les trois mangakas en question ne sont ni plus ni moins que Taniguchi (avec L’Homme qui Marche), Osamu Tezuka (Black Jack) et Katsuhiro Otomo (Memories).
Présentés comme des emblèmes, car très représentatifs d’une génération mais surtout d’un registre particulier, ces trois auteurs sont bien sûr incontournables. Le point négatif est qu’il est un peu trop facile de réduire le monde du manga à ces trois œuvres, même si, encore une fois, il fallait faire un choix et les rédacteurs ont eu le mérite de rester dans leur ligne directrice de la revue s’adressant à des « débutants ».
Vient ensuite la troisième et dernière partie de ce magazine : un dossier rassemblant pas moins d’une vingtaine de mangakas, tous classés selon des catégories plus ou moins pertinentes. Beaux Arts reprend ici principalement les auteurs les plus appréciés et les œuvres les plus connues, qu’elles soient « anciennes » comme c’est le cas d’Osamu Tezuka ou de Matsumoto, ou bien plus récentes comme Junji Itô ou Naoki Urasawa, auteur de Monster. Chaque texte est accompagné d’une image issue du manga le plus représentatif du genre décrit. Sans analyser l’art ou la personnalité de tel ou tel auteur, les auteurs brossent de la manière la plus simple, pour ne pas dire simpliste, les biographies des artistes ciblés : tels que Clamp et Taniguchi pour ne citer qu’eux.
Sans aller bien loin dans l’univers du manga et de la japanime en général, ce hors série parvient néanmoins à brasser assez large en évoquant des évidences comme des références moins connues. Il n’en reste pas moins considérablement destiné aux non-initiés, via son cheminement explicatif quelque peu élémentaire, et ne pourra que très peu satisfaire les lecteurs déjà expérimentés.
Hors-série presse / Beaux Arts magazine
Prix TTC : 7,5 EUR
Format : 230 x 300 cm
Pagination : 156 pages
Site officiel : www.beauxartsmagazine.com
4 commentaires
Comment faire évoluer son image si on entretient les clichés ? (cf. Hello Kitty + la violence omniprésente =_=) :x
Après il serait intéressant qu'un organe de presse ne se contente pas de rester en surface et analyse profondément le manga. Pour les les "mangateux" et pour les autres, ça serait la meilleure des publicités. S'il manque de titres, je peux leur en donner. =]