Welcome To The NHK!
Introduction, Présentation des personnages
Introduction
Si notre espèce peut parfois adopter d’étranges comportements, si nous avons parfois peur sans raisons, du vide, de la foule ou des petites pièces, rien n’est plus impressionnant que le phénomène Hikikomori : la peur de l’Homme. C’est ce que Tatsuhiko Takimoto va essayer de nous montrer grâce à son oeuvre, tantôt comique, tantôt tragique.
C’est en effet un manga bien étrange qu’il nous propose. N’ayant de cesse de jongler entre l’humour et le drame, entre la dérision et l’analyse, le tout accompagné d’un coup de crayon précis mais rempli d’émotions, Welcome to the NHK! nous transporte dans le monde des marginaux, de ceux qui se sentent misérables, différents ou encore des incompris. Je ne suis pas sortis indemne de ces quelques heures passées à lire les aventures désespérantes du courageux Tatsuhiro Satou, désormais représentant international des Hikikomori.
Présentation des personnages
Commençons donc par le commencement : les personnages. Le premier d’entre eux, mon préféré, n’est autre que le héros de cette histoire, Tatsuhiro Satou. Ce jeune homme de 22 ans, munie d’un esprit critique tranchant et d’une bonne capacité d’analyse, avait toutes les chances de réussir sa vie. Malheureusement, un beau jour, alors qu’il rentrait tranquillement chez lui, il fut frappé par le syndrome Hikikomori. Ne vous sentez pas honteux, vous qui ne savez par ce qu’est réellement ce syndrome, car moi même je n’ai appris son existence qu’au cours de la lecture de ce manga, preuve que l’on peut mêler l’utile à l’agréable sans problèmes. Voici donc la définition officielle du syndrome : « Hikikomori est un mot japonais désignant une pathologie psychosociale et familiale touchant principalement des adolescents ou de jeunes adultes qui vivent cloîtrés chez leurs parents, le plus souvent dans leur chambre pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, en refusant toute communication, même avec leur famille, et ne sortant que pour satisfaire aux impératifs des besoins corporels. » Notre ami Satou-kun est donc atteint par ce terrible syndrome qui frappe les jeunes populations japonaises (1 jeune sur 10 est atteint). Comment s’explique ce comportement ? C’est bien simple, ces personnes se sentent accablés par la société et pensent ne pas mériter d’en faire partie. Satou-kun (ou ta-chan pour les intimes) s’en sort plutôt bien, il a réussit à obtenir un semblant d’indépendance en s’offrant un appartement à Tokyo.
Ce personnage, à l’image de la série, nous fera rire pendant un chapitre, puis nous désespérera dans le suivant. Malgré sa volonté, quasi inébranlable, de se remettre de son syndrome, et tous les efforts qu’il fait, le Pauvre Satou n’en finira pas de s’enfoncer toujours plus profondément dans sa maladie, au point de gravement se dégrader psychologiquement et physiquement. Entouré de personnes allant parfois presque aussi mal que lui, il tentera en permanence de remonter la pente avec eux, en s’entraidant, mais il ne parviendra finalement jamais à s’en sortir, alors que les autres iront de mieux en mieux, au fur et à mesure que lui ira de mal en pis.
Le second n’est autre que la charmante demoiselle qui, tel un ange tombé du ciel, va se charger de réintégrer Ta-chan dans la société, via diverses méthodes qu’elle aura trouvées çà et là, et qui ne marcheront quasiment jamais. Ce joli être, mi-ange, mi-démon n’est autre que Misaki Nakahara. A seulement 18 ans, la jeune femme parvient à libérer toutes ses soirées et donne rendez-vous à Satou-kun dans un parc afin de lui faire réaliser les raisons de sa « maladie » et de l’aider à s’en sortir.
Si ce personnage intrigue, c’est parce qu’on aimerait réellement croire à l’histoire de la bénévole fanatique, qui n’aura de cesse de harceler son patient uniquement lorsqu’il sera guérit. Tout dans son attitude inspire la confiance, le désir naïf de vouloir aider l’autre sans ne rien demander en retour. Et pourtant, pourtant…La petite Misaki, derrière ses grands sourires et ses douces paroles se comportent parfois étrangement avec Satou. Hikikomori oui, mais pas pour autant aveugle, il réalisera rapidement les comportements pour le moins étranges de sa sauveuse et ne saura quelle attitude adopter vis-à-vis d’elle.
En numéro trois, j’ai l’honneur de vous présenter Kaoru Yamazaki, l’Otaku de la série. Complètement accroc à la J-soupe que l’on entend dans toutes les séries harem pathétique qui se respecte, ainsi qu’aux goodies entourant le monde de la japanime, notre ami Yamazaki va très rapidement se lier d’amitié avec Satou. En effet, il va trouver une sorte de réconfort en la personne de Ta-chan ; il est difficile de trouver quelqu’un qui répugne plus la société japonaise qu’un otaku. Yamazaki va donc reprendre du poil de la bête en se disant qu’après tout, il y a pire que lui. Cet « ami » va donc accompagner Satou dans la plupart de ses péripéties, mais essaiera toujours de l’empêcher de se suicider ou tout simplement de commettre une énorme erreur. Vous l’aurez compris, dans le fond, notre Otaku n’est pas un mauvais bougre. Il va même réellement se lier d’amitié avec Satou et fonder une société produisant des Galges (jeux érotiques dans lesquels le joueur incarne généralement un type moche qui n’a rien pour lui mais qui parvient tout de même à séduire toutes ses copines super canons) et tenter de concevoir LE jeu érotique du millénaire.
Quatrième et dernier personnage principal du manga, Hitomi Kashiwa. C’est avec elle que Satou va passer la plupart de son temps de lycéen. Kashiwa-san, d’apparence stable, intelligente et posée, est en fait une jeune femme perturbée, droguée et un tantinet paranoïaque. Elle va grandement influencer les pensées de Satou, qui se souviendra notamment de son discours sur les complots et sur le fait que les choses n’arrivent jamais par hasard.
D’ailleurs, notre jeune et jolie demoiselle va faire battre la chamade au coeur sensible de Ta-chan, qui pensera plusieurs fois être réellement amoureux d’elle. Ses rapports avec lui sont d’ailleurs ambigus, à cheval entre l’amitié et l’amour. Ce personnage reviendra régulièrement dans l’histoire, entretenant la paranoïa de Satou et lui faisant littéralement péter les plombs.
Critique scénaristique, Critique visuelle, Conclusion
Critique Scénaristique
Bon…Après ça, je pense qu’il est inutile de vous sortir la phrase bateau « comme vous avez pu le constater, Satou-kun ne vit pas une existence des plus agréables ». Cela dit, ne vous en faites pas, nous allons maintenant nous concentrer un peu plus sur le scénario, et vous allez voir que la série, bien qu’elle aborde un thème plutôt sérieux, ne manque pas d’humour ; à tel point que si j’étais hikikomori et que je lisais le manga en public, j’oserais rire devant plus de trois personnes (ce qui est un réel exploit).
Si l’on analyse l’évolution scénaristique du manga, on notera deux parties bien distinctes ; une première axée sur l’aspect humoristique de la vie de Satou, et une seconde sur la douleur et le désespoir caché derrière sa maladie.
La première partie est donc celle qui va se concentrer sur le comique de la vie de Satou-kun. Car il faut bien admettre que Ta-chan va vous paraître à première vue comme un gros blaireau bien cradingue qui fait tellement pitié qu’on est mort de rire dès qu’il l’ouvre. Et c’est en effet cette partie de sa personnalité qui va être mise en avant dans les premiers volumes. Très loin d’être déprimantes, les mésaventures de Satou vous feront rire. Dans ce genre de séries, on s’attend toujours à un protagoniste qui n’a rien de spécial, auquel tous les lecteurs pourraient s’identifier ; ici, Satou a une sorte de super pouvoir : il parvient toujours à réunir tous les éléments pour se retrouver dans la situation la plus ridicule et la plus pathétiques qui soit, exactement comme Mc Guyver réunit toujours tous les éléments nécessaires pour se sortir de situations où n’importe quel individus mourrait dans d’atroces souffrances.
Ta-chan est donc l’anti-héros par excellence, et vous vous surprendrez à vous exclamer au beau milieu de votre lecture « ahahaah ! Quel gros naze celui là ! ». Et je dois dire que vous n’aurez pas complètement tort. Déjà très originale à mon goût, la série le devient de plus en plus en abordant des thèmes peu évoqués dans le petit monde des mangas, comme le sexe et la drogue. Car oui, en plus d’être un looser, Satou-kun est un pervers ET un junkie ! Au cours de l’histoire, vous le verrez évoluer et changer d’occupation. Simple exemple, car je ne veux pas vous gâcher le plaisir de la découverte, Ta-chan, dans le cadre de la réalisation du plus grand jeu porno du siècle, sera chargé d’éplucher une pluie de sites et de chercher des photos de jeunes femmes nues qui pourraient correspondre à l’héroïne de l’histoire du galge. Etant homme, et étant faible par nature, il est bien évident que Satou ne va pas résister à ses pulsions animales et va purger régulièrement son corps de toutes les envies que lui suscitent ses recherches. Et cela montre l’un des éléments les plus intéressants de ce personnage, son « extrémisme ». A chaque nouvelle trouvaille pour passer le temps (car lorsque l’on est Hikikomori, on ne fait pas grand chose de ses journées), il plongera corps et âmes dans sa nouvelle occupation, jusqu’à perdre tout contact avec la réalité. Et c’est à partir de ces moments là que le côté pathétique de ce personnage prend le dessus sur le ridicule.
Entouré de personnes cherchant à l’aider, mais échouant toujours lamentablement, l’état de Satou va progressivement se détériorer. La transition « du rire aux larmes » est extrêmement délicate et merveilleusement orchestrée. Le dessin, tout comme le scénario, va bien servir la sensation de descente en enfer. La trame en toute simple : la vie de Satou est rythmée par de petites mésaventures, concernant en général un ou deux des autres personnages principaux. Chacune de ses mésaventures finie mal pour notre pauvre protagoniste, et à chaque fois, son désespoir se fait plus présent, jusqu’à envahir totalement le manga et à devenir presque palpable. Car oui, si Ta-chan est courageux et refuse de subir passivement sa maladie, il est loin d’être un surhomme et va finir par succomber aux désespoirs de vivre une existence ce parasite sans rien pouvoir y faire. Cette douleur, et cette haine profonde de son être atteignent le lecteur de plein fouet, nous menant presque à la culpabilité de ne pas avoir réalisé plus tôt l’horreur bien réelle de ce syndrome Hikomori. C’est en ce point que ce manga sort du lot, car en plus de nous divertir, il nous apprend réellement ce que sont cette maladie, et tous ses inconvénients. Au delà de l’histoire de Satou, Welcome to the NHK traite des comportements humains et de ses dérives en général, jusqu’à nous faire réfléchir sur notre propre existence et à la comparer à celle des différents protagonistes. Le lecteur se prend donc une grosse claque arrivé au changement de ton de la série, car c’est à ce moment là que l’on saisit l’intensité de notre immersion dans les aventures de Satou.
Pour conclure sur le scénario, je dirai qu’il est extrêmement novateur, tant dans le fond que dans la forme. Tatsuhiko Takimoto nous fait partager une expérience qui semble vécue, et qui nous affecte réellement. Bien loin d’un FMA ou d’un Nana, cette série rafraîchit et surprend par le thème sérieux qui se cache derrière les scènes caricaturales qui pullulent. Une grosse surprise, un grand coup de coeur.
Critique Visuelle
Pour terminer cet article, je vais parler un peu du dessin, bien que mes connaissances dans ce domaine ne me permettent pas de développer.
Kendi Ooiwa (parfois écrit Kenji Oiwa) est l’homme chargé du visuel de la série, et je dois dire qu’il a fait un excellent travail. Sans jamais surcharger ses dessins, il a réussit à faire un character-design vraiment sympathique, différents des styles du moment sans être déroutant pour autant. Les décors sont assez simples, mais ne manquent jamais de détails. C’est d’ailleurs ce qui me semble être l’élément principal faisant le charme esthétique de la série : créer l’illusion de la simplicité et de la sobriété tout en faisant des planches assez chargées et plutôt bien détaillées.
Ooiwa adaptera aussi son dessin en fonction du ton général de la série. En effet, plus on avancera dans l’histoire, plus on aura droit à des planches sombres, moins nettes et allant même jusqu’à susciter une sensation de saleté, de dégoût. Il y a donc un réel travail d’équipe entre le scénariste et le dessinateur, ce qui n’est pas pour nous déplaire.
Conclusion
Welcome to the NHK!, sans être un blockbuster que personne n’oubliera jamais, est une expérience réellement intéressante et un concept relativement novateur. J’ai pris énormément de plaisir à lire chaque tome, à suivre l’évolution des liens unissant les différents protagonistes ainsi que que celle de l’état de Satou-kun. Je vous recommande vivement cette oeuvre, qui vous frappera par la puissance des émotions dégagées par un scénario parfaitement maîtrisé et un dessin vraiment agréables.
5 commentaires
Dommage, mais bel effort pour l'article.