Aku no Hana – Hakuna Matata
Aku no Hana est une série qui a beaucoup fait parler d’elle dès son épisode pilote. Le réalisateur Hiroshi NAGAHAMA (Mushishi) a choisi pour l’occasion une utilisation très poussée de la rotoscopie. Roto-quoi ? C’est une technique d’animation assez particulière. On tourne les scènes d’abord en prise de vue réelles avec de vrais acteurs. Puis on détoure image par image sur ordinateur pour finalement redonner l’illusion de l’animation des personnages. Cela peut sembler bizarre mais cette technique permet d’obtenir des mouvements très naturels impossibles à retranscrire autrement, ou à tout le moins avec un surcoût très important. Récemment, Kids on the Slope avait utilisé la même astuce pour les gestes du batteur. Mais NAGAHAMA est allé encore plus loin. Les traits des visages n’ont presque pas été retraités après coup et surtout la rotoscopie est utilisée à chaque instant. Comme une image sera plus parlante qu’un long discours, regardez par vous-même.
Surprenant n’est-ce pas ? En contrepartie, l’animation est absolument bluffante, remplie de nombreux détails aussi inutiles que naturels. Pour autant, les visages des personnages nous rappellent en permanence qu’on regarde bien une série d’animation et non en prises de vues réelles. On est en plein dans ce qu’on appelle la vallée dérangeante, ou uncanny valley pour nos amis anglophiles : le malaise devant quelque chose de presque humain et si ressemblant que chaque imperfection nous saute à la figure pour nous rappeler qu’il y a quelque chose qui cloche. Si on rajoute la tendance actuelle des acteurs japonais à surjouer, l’exagération des émotions est particulièrement frappante. Cela suffirait déjà pour avoir un certain écho critique mais la caisse de résonance est plus grande encore puisqu’on parle là de l’adaptation d’un manga. L’auteur Shûzô OSHIMI avait choisi un trait assez classique dans les productions modernes avec des personnages aux traits presque juvéniles pour des collégiens. La différence pourrait difficilement être plus marquée.
Le débat entre les partisans d’une adaptation la plus fidèle possible et ceux qui au contraire attendent des éléments nouveaux est souvent passionnée mais dans le cas présent l’exemple est des plus clivants. Aku no Hana la série ne pourra laisser indifférent. Du reste, ce rendu si décrié par une partie des fans de la première heure est revendiqué aussi bien par le réalisateur que par l’auteur du manga. NAGAHAMA ne voyait pas trop quoi apporter de plus à Aku no Hana avec une animation traditionnelle et était à la recherche d’une expérience innovante. OSHIMI s’est laissé convaincre et voulait justement marquer l’auditoire, quitte à choquer. J’apprécie cette prise de risque. Je n’en oublie pas d’être contradictoire : ce choix ne serait pas pertinent chez toutes les adaptations mais étant donné l’histoire racontée dans Aku no Hana, provoquer le malaise est précisément le but recherché.
Kasuga est un véritable rat de bibliothèque, plongé en ce moment dans la lecture des Fleur du Mal de Charles Baudelaire (d’où le titre japonais qui en est une traduction), secrètement amoureux de sa camarade de classe Saeki. Bref, un adolescent tout ce qu’il y a de plus ordinaire. Mais un jour, alors qu’il retourne seul en salle de classe pour récupérer son livre, il trouve et – pris d’une pulsion folle – vole les affaires de sport de Saeki qui les avait oubliées là. Malheureusement, une autre de ses camarades, Nakamura – une marginale – a observé toute la scène et se met à le faire chanter.
C’est donc un triangle pour le moins singulier qui se dessine et qui est l’occasion d’aborder cette période charnière où l’on doit apprendre à vivre ces émotions nouvelles. Oui, c’est souvent malsain et je dirais même que le malaise va crescendo. C’est alors que le choix d’une animation aussi atypique prend toute sa valeur car elle souligne encore plus une atmosphère très pesante. J’imaginerais bien la même technique sur une hypothétique adaptation de Onani Master Kurosawa qui aborde des thématiques voisines.
Je ne sais pas jusqu’où ira Aku no Hana mais je suis fasciné. Alors qu’on se plaint d’une industrie par trop souvent formatée, il y a encore quelques éclats comme celui-là pour écorner une norme policée. Le générique de fin (lui aussi très flippant) arrive toujours trop vite et je me retrouve à baver en attendant comme un gosse le prochain épisode.
6 commentaires
Affaire à suivre...
Excellent article qui donne des infos, soulève les bonnes questions en plus de mettre un bon coup de projecteur sur cet anime. Cool de l'aider un peu, merci bien. XD. ;)
En revanche le chara du manga est sympa, surtout si on ce réfère aux critères communs. Seulement voila, les perso y paraissent plus jeunes et m'attrapent moins du coup (de visu comme ça, hein). En disant cela je ne cherche surtout pas a dévaloriser l'un pour valoriser l'autre. Je pense que chaque support est une expérience différente en soit. :)