Billy Bat T4 – J.F.K.
Après avoir passé l’essentiel du volume précédent à suivre l’aventure du ninja Hattori Hanzô à la fin de l’ère Sengoku, on revient cette fois aux États-Unis dans les années 60. A l’entrée du parc d’attraction de Billyland, la mascotte des lieux accueille les enfants. Sous le masque, un jeune homme à l’œil poché qui s’avère plutôt bon tireur. Son nom ? Lee Harvey Oswald.
Une telle introduction permet au lecteur de deviner vers quelle affaire il se dirige. Si la chute de Nobunaga et l’affaire Shimoyama pouvaient encore s’avérer trop obscures pour la culture du moyen Occidental, le drame qui a eu lieu le 22 novembre 1963 à Dallas l’est beaucoup moins. Il faudra néanmoins attendre le prochain volume pour savoir comment notre chauve-souris préférée va réinterpréter l’événement. Pour l’instant, on se contentera d’une brève biographie d’Oswald faite à la première personne et qui montre qu’Urasawa maîtrise plutôt bien son wiki. L’auteur reprend pas mal de détails connus comme le fait qu’Oswald se soit procuré l’arme par correspondance. Il dresse en outre le portrait d’un homme ambitieux, séduit par le diable en la personne de Mohrenschildt et doué à son insu d’un don d’ubiquité. S’agit-il ici des troubles de la personnalité dont on le soupçonnait?
Les bonnes vieilles planches de BD reviennent en force dans ce volume, toujours aussi agréables à lire et à interpréter. Elles servent à changer en douceur de lieu et de situation. Celles qui illustrent l’aventure de Mr. Pistol Hair sont d’abord présentées au lecteur avant que la focalisation ne glisse entre les mains d’un homme mystère : une BD dans la BD avec un sens de lecture de gauche à droite. Puis la scène se situe dans les rues de Los Angeles où deux acolytes se dirigent vers une maison d’édition. C’est là que l’agent « Smith » apprécie bien confortablement sa BD. Ces quelques planches introduisent la plupart du temps un nouveau chapitre par une sorte de prophétie qui en constitue le fil rouge. Ainsi plus loin, une autre BD laisse entendre pourquoi ce cher Kevin Yamagata noie sa déprime dans l’alcool.
La façon dont la chauve-souris hante le dessinateur apparaît ici sous un jour particulièrement intéressant. Certaines répliques pourraient être interprétées comme un témoignage d’Urasawa lui-même :
Le processus créatif chez Kevin Yamagata est une question de spontanéité où dialogues et situations s’enchaînent le plus naturellement du monde. Sauf que Billy apparaît véritablement à ses côtés. Une muse en quelque sorte, que l’on n’arrive pas encore à situer entre le noir ou le blanc. Oswald ne lui trouve « pas l’air très sympathique » et la bestiole traite sans ménagement le pauvre Yamagata qui succombe au poids de la culpabilité soulevée par ses « prophéties ». En jouant sur les points de vue, Urasawa montre enfin que la chauve-souris n’apparaît qu’au dessinateur tandis que Smith ne comprend rien à ses marmonnements.
A noter dans ce tome l’apparition de Chuck Culkin. Là aussi Urasawa utilise une ficelle classique pour entretenir le suspens en ne dessinant qu’une partie du visage avant de le dévoiler entièrement dans la dernière planche du chapitre. Si Maître Zôfû rappelait quelque peu Tezuka avec son béret et ses lunettes, il ne fait ici aucun doute que Chuck Culkin est un clone de Walt Disney. Le réveil d’une vieille dispute en quelque sorte. Évidemment très partial dans l’affaire, Urasawa dessine ce bon vieux Walt comme un personnage imbu de lui-même, sarcastique et mercantile. Avec un sourire plutôt douteux quand on est habitué au style de l’auteur.
Billy Bat compte 10 volumes au Japon. Jusqu’ici, le duo Urasawa/Nagasaki s’ingénie à éparpiller les clés du mystère, dessinant leur chauve-souris comme un fil rouge dans un livre d’histoire. Il y a fort à parier que la suite échappera à nouveau à l’espace rassurant pour le lecteur qu’est celui de l’enquête aux États-Unis. Pour explorer d’autres époques, d’autres éminentes figures. Espérons que la série ne souffre pas trop de ses ambitions.
Disponible depuis le 19 septembre 2012 aux éditions Pika. Prix : 8.05€
6 commentaires
Merci pour cet article!
S'exprimer sur Billy Bat c'est pas facile (en tout cas moi j'ai du mal). Je trouve que cet article le fait très bien ici avec ce tome 4. En plus c'est sympa de penser a un titre comme celui-ci et de rédiger dessus.~
~ J'trouve les couvertures plutôt cools (si ce n'etait le format, là aussi une fois de plus, ça me ferait un petit peut penser à une BD, mais de la veille BD, ou au style Comic.) P'têtre que c'est un effet voulu et c'est juste que je n'etais pas au courant. ....Ou bien je dis du nawak. o_O" xD
Bref, passons, sinon a part ça et pour finir: Tout comme toi j'espere que cette série ne souffrira pas de ses ambitions. Car elle me semble en avoir pas mal et même en regorger ca se trouve. En tout cas je prie pour que ça aille: Amen. XD
A suivre.
Juste pour dire que ok j'viens de percuter pour le style BD, l'article en parle aussi d'ailleurs et c'est donc assumé évidemment. En tout cas ça donne un bel effet a Billy Bat.
Mais oui, Billy Bat un bon manga. J'étais dubitatif avant ce volume tellement je me sentais largué mais j'ai repris pied. Il faut savoir attendre que le puzzle prenne place.
La sensation d'être largué je l'ai vécue aussi avec. Alors ça me rassure de ne pas être le seul dans ce cas.xD D'façon c'est vraiment le style de manga qui une fois fini j'me dois de relire d'une seule traite/de manière plus rapproché entre chaque tome.
Et je serai justement pas contre de pouvoir lire les tomes de façon plus rapprochées mais avec Pika, si la série se vend mal, ça sera un tome par année. Enfin le prochain sort début décembre, c'est pas mal.