Element Hunters – La fausse chimie pour les vrais nuls
Il y a quelques jours, en rentrant de soirée, en proie au tournis éternel de l’excès de breuvage, j’ai cherché à trouver le sommeil. M’étant occupé de la présentation de Element Hunters quelques mois auparavant, je me suis dit que j’allais tenter le coup, n’ayant rien à perdre. En quelques épisodes, j’ai compris que j’allais pouvoir enfin dépoussiérer cette bonne vieille rubrique.
Element Hunters n’est pas la pire des séries de l’été. C’est même plutôt une série respectable dans le genre. Mais à chaque épisode, elle nous présente son flanc, suppliant qu’on la pourfende de la lance du foutage de gueule… Étant d’un naturel enjoué et bon-enfant, je ne peux que m’empresser de m’atteler à cette tâche.
A la croisée de destinées tragiques
Vous connaissez tous Ally McBeal ? Célèbre avocate nymphomane, sa carrière a périclité. Retournant à la vie normale de vache à lait et à son nom véritable, Ally Connolly, notre ancienne star du X du barreau a connu une longue traversée du désert l’amenant jusque dans une agence d’interim pour célébrités oubliées. Là-bas, mentant sur son âge grâce à son physique pré-pubère, elle sera enrôlée par l’armée d’un monde au bord de l’Apocalypse et surtout en 2D.
Sur cette Terre en 2D au bord de l’Apocalypse, c’est la merde. Ben oui, les éléments chimiques disparaissent en masse. Sans doute déclenché, selon le gouvernement, par des écolo-combattants énervés ou des skin-heads néo-nazis en mal de solution finale, ce phénomène a réduit la population humaine à moins de 10% de son nombre maximal – qui reste à ce jour inconnu – en seulement 41 ans. Pourquoi 41 ans ? Parce que tout a commencé en 2029. Comme ça, on est en 2070 et Dieu sait que nous aimons les nombres ronds.
Bref pour sauver le monde, il est nécessaire de trouver des ados dotés de pouvoirs sur lesquels je reviendrai. Ce qui nous ramène à Ally. Après qu’on lui a retiré sa dimension superflue – ce qui au vu de son physique ne change pas grand-chose – elle débarque sur un suppositoire cosmique reconverti en station spatiale pour enfants spéciaux. Elle s’y fera deux nouveaux potes : Tom Benson, le fils de Georges, et Rodney Ford, le fils d’Henry. L’un est un drogué repris de justice doté d’un irrésistible sens de l’humour et l’autre un égoïste frustré parce qu’aucun mec ne veut de lui…
Pendant ce temps, sur Terre, les survivants continuent à vivre comme des vaches à lait et parlent tous japonais sans aucun accent. Pour se déplacer, ils utilisent des trottinettes à moteur nucléaire, parce que c’est une énergie renouvelable, et donc elle peut pas disparaître de la Terre. Si, Si. Comme ils peuvent mourir à chaque instant si un élément disparaît de leur corps, ils savent profiter de la vie et vont donc à l’école pour se construire un avenir en apprenant le tableau de Mendeleiev classiquement appelé tableau de classification des éléments chimiques.
Parmi eux, on trouve Ren, un débile profond doublé d’un extraverti exaspérant. Chiara, elle, est une ancienne neko girl ratée qui a aussi menti sur son âge. En souvenir de son ancienne vie, elle garde en permanence une queue de chat accrochée au bas de son T-shirt. Ce qui, en plus d’être pitoyable, n’est pas aussi sexy qu’un otaku pourrait le croire. Chiara et Ren sont potes sans qu’on comprenne vraiment pourquoi vu qu’ils se mettent tout le temps sur la gueule. Homi est, lui, un petit génie qui en plus d’avoir fait sauter les cours pendant 5 ans, joue très bien son rôle de 5 en 1 : il est aussi le faire-valoir sans personnalité de ses deux compères, la meganeko de la série, le faible pleurnichard de service et le remplisseur de quota puisqu’il est indien.
Comment ces trois cas sociaux sont-ils devenus potes ? Bah ils ont sauvés un petit chien un jour et du coup, ils en finissent plus de se kiffer mutuellement, tellement ils sont trop courageux et géniaux.
Pour comprendre la suite, il me faut revenir sur les origines de la disparition des éléments. Car le gouvernement nous ment, évidemment.
Vous connaissez les franchises Pokémon et Digimon ? Pour sortir une tripotée de nouveaux monstres à chaque saison ou série, vous pensez bien que le casting est sévère ! Et que font les monstres qui ne décrochent pas leurs places de peluches articulées soumises à la volonté d’ados énervés et vils, se faisant de la thune sur leur dos en les faisant combattre à leur place dans des arènes ? Ils pointent à l’ANPE – pardon, Pôle Emploi, me dit-on dans l’oreillette – comme tout le monde et nourrissent une haine farouche du système qui les a amenés au fond du gouffre.
Un jour, une tripotée de Digimons ratés et hideux en forme de lettres de l’alphabet s’est alliée avec des Pokémons ratés car pas assez mignons exilés sur la Néga-Terre. Et ils ont commencé à aspirer les éléments de la Terre en 2D au bord de l’Apocalypse. Si on ne les trouve pas mignons, qu’à cela ne tienne, ils détruiront l’humanité. En plus, ils peuvent évoluer dès qu’ils ont absorbé 5 éléments différents. D’où leur sobriquet de QEX. Je sais, aucun rapport.
Seulement voilà. Seuls des enfants spéciaux peuvent pénétrer le voile qui sépare la Néga-Terre de la Terre en 2D au bord de l’Apocalypse. Ils doivent ensuite pourchasser les monstres en forme de lettres et les autres qui ont évolué. Bref, ils jouent à Pokémon quoi. Sauf que là, ça sauve le monde.
L’armée a donc recruter Ally et les deux héritiers en colère. Cette fine équipe commence à sauver le monde, ce qui les rend célèbres, énervés, froids et surtout tellement snobs que Ren et Chiara le répéteront à chaque épisode pour que le spectateur déjà décérébré comprenne bien l’étendue de leur snobitude…De son côté, Ally est heureuse : elle est redevenue une star interplanétaire et en plus, les chara-designers de la Terre au bord de l’Apocalypse ont décidé que tous les êtres humains auraient un corps malingre, chétif et androgyne. Du coup, elle est aussi devenue une icône sexuelle underground.
En conséquence, un jour, pendant l’épisode 1, une scientifique ratée (décidément), anarchiste de surcroît et très courageuse – elle n’apparaît que sous forme d’hologramme – décide que les 3 collégiens névrosés vont aussi sauver le monde en risquant leurs vies à sa place. Juste pour emmerder l’armée. Aidés d’une androïde de l’âge mental d’une héroïne de shôjo, ils commencent donc à sauver le monde et vont fatalement rencontrer Ally et ses deux acolytes. Suspense…
Synopsis de folie, hein ? Mais c’est pas fini. Parce que Element Hunters, c’est E-DU-CA-TIF !
Des méfaits de la vulgarisation décérébrée
Et oui, tout ce scénario extraordinairement fouillé a pour but d’apprendre aux futures vaches à lait leur tableau de classification. Il y aurait sans doute eu plus efficace qu’une bandes de jeunes attardés au sexe indéfini, portant des collants et des sabres lasers « élémentaires » aux noms ésotériques pour remplir ce rôle.
Laissez-moi résumer la trame d’un épisode de Element Hunters. Un signal alerte les gentils héros – Ren, Chiara et Homi – qu’un Pokémon raté a évolué. Bim ! Ils enfilent leurs nano-combinaisons en stretch et se téléporte sur la Néga-Terre. Là-bas, ils s’engueulent avec l’équipe militaire puis se font attaquer par le monstre. S’ensuit des stratégies ésotériques grâce auxquelles ils défoncent le QEX qui retourne pointer au Pôle Emploi (c’est vrai qu’ils sont ratés – et je préfèrais ANPE au passage). Des fois les gentils gagnent et des fois non. Et des fois, comme ils sont gentils, ils aident les militaires. Puis ils rentrent chez eux, se prendre une branlée par leurs parents respectifs parce qu’ils ont fait péter les cours et ne peuvent révéler le secret sur leurs activités de sauvetage du monde.
Quant au procédé de défonçage du QEX, il consiste à identifier le 5e élément et à trouver une réaction chimique appropriée pour le libérer de la créature. S’ensuit une séquence pendant laquelle nos héros aspirent l’élément libéré dans leur iPhone 3GS. Un hommage à Ghostbuster certainement. Ils le stockent ensuite dans des clés USB hi-tech qui semblent pouvoir stocker des quantités astronomiques d’éléments chimiques. C’est beau, la technologie.
Ce qui fait d’Element Hunters une série remplie de rebondissements totalement inattendus. Le débile se sacrifie pour sauver la cosplayeuse ratée pendant que l’Indien se fait dessus et que les trois militaires se bidonnent tout en volant l’Uranium libéré par les 3 attardés. En même temps, on sait bien qu’Ally est une garce. On découvrira par contre qu’elle aime sa maman et la tourte au poulet.
On s’émerveillera des leçons de morale impayables dispensées par la cosplayeuse ratée de 12 ans au débile profond sur le fait que la fin ne justifie définitivement pas les moyens. Ce qui amènera une engueulade totalement attendue à chaque épisode. Le véritable intérêt de tout ça est encore de deviner à quel moment ils vont se sauter à la gorge. Obligeant de fait l’Indien anémique à intervenir. Et provoquant, chez l’équipe d’Ally, un fou rire à s’en faire péter les boutons d’acné.
Mais afin de parfaire le verni pédagogique bancal et mensonger de leur série, les gens de chez NHK sont prêts à tout. On apprend ainsi qu’en mettant simplement en contact de l’azote N et de l’oxygène O, on crée sans problème le cristal de pentoxyde d’azote. Ce qui serait sans doute problématique dans une atmosphère composée d’azote et d’oxygène. Oups !
Plus fort encore, on découvrira trois phénomènes extraordinaires : le condensat de Bose-Einstein dans l’eau, la supraconductivité des nanotubes de carbone et la superfluidité de l’hélium II.
L’un des pokémon ratés évolués possède ainsi une enveloppe de glace indestructible, car la densité de la glace devient soi-disant très importante dans le froid – et donc indestructible – grâce au condensat de Bose-Einstein. Qui n’apparaît qu’à une température proche du zéro absolu et est difficilement compréhensible même pour des docteurs en physique.
Quant à la superfluidité, elle permettra à une colonie de poké-termites de se balader au sein d’une grosse flaque d’hélium II superfluide en plein désert. Or la superfluidité est une conséquence du condensat de Bose-Einstein… Donc le zéro absolu au Sahara, voilà quoi.
Puis bon, si les nanotubes de carbone peuvent être supraconducteurs, ils ne le sont pas n’importe quand et ne génèrent pas spontanément de l’électricité. Ce qui invalide le pouvoir du pokémon Scorpaignée – ou Araipion, au choix – qui en plus d’être laid, électrocute avec sa toile d’araignée en nanotubes de carbones.
Je ne cherche pas à rétablir des vérités scientifiques, mais quand une série aussi moyenne cherche à s’envelopper dans les draps sacrés de la connaissance répandue gratuitement aux enfants en brandissant des phénomènes scientifiques dont la description dépasse bien 99% des scientifiques eux-mêmes, ça m’énerve.
Je suis prêt à accepter que des androgynes astrologues enfilent des armures d’or et se mettent à se déplacer à la vitesse de la lumière et à générer des grands froids, tant que l’auteur ne cherche pas à trouver des explications bancales. Mais quand on brandit des explications scientifiques, on peut – on doit – éviter les tendances pitoyables d’un Star « la singularité va exploser » Trek ou d’un Star « hyperespace ! » Wars… Rendez-moi The Big Bang Theory !
Pour finir, au jour d’aujourd’hui, nos trois futurs toxicomanes sont presque devenus potes avec les trois commandos frustrés. Et même si l’histoire persiste à ne pas se développer et à être incroyablement ennuyeuse, même si les seiyuu de cette série ont autant de talent pour le doublage d’animes qu’un batteur de heavy metal pour la danse classique, et même si on aura bientôt le droit à une version « école primaire » de la théorie des cordes made in NHK, on peut se rassurer en se disant que nos 6 héros ont relancé la mode du velcro et des combinaisons en stretch sur la Terre en 2D au bord de l’Apocalypse.
Et surtout le genre d’anime/jeu vidéo/manga consistant à collecter pleins de monstres, à les dresser ou utiliser leurs pouvoirs pour défoncer encore plus de monstres à capturer a toujours un avenir aussi lucratif devant lui. Et ça, même le débile peut se rendre compte que ça pue.
16 commentaires
Si j'avais pas 127 animes de qualité à mater, je me jetterai immédiatement sur cette superbe série à haut potentiel éducatif.
Merci d'avoir réhabilité cette rubrique, en espérant que d'autres suivent ton exemple...
[Mode je mange mes cheveux off]
Sans rire, tu sais que tu me donnerais presque envie de regarder cette série. *_*
J'ai abandonné.
J'ai quitté la physique, c'est pas pour la revoir ! XD
Il n'a même pas encore répondu que Nakei est déjà en train de le mettre en garde sur son Ortho' :D ^^
Je regarderais même si le rapprochement "Pokemonien" que tu énonces avec les bébêtes rencontrées dans l'animé ne me rendent guère confiant :s
Mais parce que c'est de la merde très cher. :ange:
Pour développer, et pour rester sur Wars puisque je connais mal Trek, l'oeuvre de Lucas est peut-être la plus grande catastrophe qui ai pu arriver à la SF (à part Dantec peut-être ^^)
Merci Vit pour cette bonne tranche de rigolade! Les références font mouche et je me suis marré 2-3 fois!
A quand un anime Yugioh version maths? :]
Mais le plus grand mystère reste encore de déterminer pourquoi et comment une grande majorité de fans sont eux aussi scientifiques...
Plus sérieusement, SW et ST ont en leur temps fait ce que fait Element Hunters. A savoir utiliser du baragouinage scientifique pour donner du sérieux à leur SF. Mais quand tu lis du Asimov, tu comprends que les pionniers de la SF sont à un autre niveau de réflexion et d'intelligence.
Ça n'existe pas une singularité et le sabre laser qui marcherait avec des cristaux de je sais pas trop quoi...Bah je vais pas relancer ce débat qui dure depuis 40 ans...
Ils auraient mieux fait de ne rien essayer d'expliquer et de nous imposer l'hyperespace. Ça d'accord. Ça fait partie du rêve. Mais quand tu essaie de vernir avec de la science tu fais un effort. Mass Effect est un bon compromis base scientifique solide/rêve dans l'esprit des sagas d'Asimov.
Le pire exemple de cette pratique que j'ai pu voir serait à mon goût Kishiro et son œuvre Gunnm. Mais lui je crois qu'il y croit vraiment donc je lui en veut pas. Et Gunnm a tellement d'autres atouts. Ah si ! Y aussi le film où il relance la fusion du soleil en lançant une bombe à fission. Et tout ce que fait Michael Crichton depuis le début de sa carrière (La Proie reste un must de n'importe quoi)
Sinon pour star wars, tout le monde sait que c'est de la bonne fantasy et non de la SF.
Moi ce qui m'amuse le plus dans SW, c'est les vaisseaux spatiaux qui font des virages façon avions de chasse, comme s'ils tournaient avec des ailerons ...dans le vide spatial.
J'ai regardé quelques épisodes récemment, et je dois dire que c'est vraiment affligeant!
Ça m'énerve de voir la science (et la physique comme c'est ma partie) utilisée de la sorte.
Et vas y que j'te prends un mot qui claque par ci par là (i.e. superfluidité, condensat de Bose-Einstein) et que j'te l'utilise n'importe comment!
RAAAAAHHHH!!
Et ça donne en effet pas envie de le regarder (sauf à des gens comme Angel, faut croire que Dragonault lui a pas suffit :/)
*masochisme off*
j'adore le lolesque.
PS (au risque de me prendre un Pikachu en pleine poire ) : Vive Stars Wars quand même, euh !
Comme pas mal de monde, l'article m'a bien fait marrer et le petit clin d'oeil à TBBT s'incruste parfaitement à la situation ;)