John Woo ex machina
Appleseed : Ex Machina, de Shinji Aramaki
John WOO se diversifie ; après avoir travaillé comme scénariste pour la nouvelle franchise de comics de Virgin (renommée Liquid Comics récemment), il travaille avec ARAMAKI pour servir de conseiller dans la création d’Appleseed Ex Machina. Force est de reconnaître que pour une fois, on n’a pas droit à un simple nom célèbre collé sur la jaquette d’un pur navet ! C’est une excellente surprise de constater que le film d’Aramaki doit vraiment quelque chose à John WOO.
On ne s’attardera pas sur les reprises les plus évidentes de figures de style propres au réalisateur : que ce soit les gunfights avec un pistolet dans chaque main – posture désormais reprise par le tout Hollywood, les acrobaties totalement invraisemblables mais splendides, ou une façon de filmer les scènes d’action imitant le mouvement d’une caméra embarquée (début du film), toutes les grosses ficelles du réalisateur y passent. D’ailleurs, ces manies se sont tellement répandues dans les films d’action actuels qu’elles ne suffisent plus à justifier la présence du réalisateur sur l’affiche de ce film.
Heureusement, John WOO n’est pas là – seulement – pour se faire piller, il sème en plus au cœur du film des éléments qui lui sont propres. Ces divers éléments s’intègrent dans l’intrigue et viennent la rendre un peu plus riche. On perçoit par exemple l’ombre du réalisateur tout le long de la scène de la cathédrale. Le lieu même de l’action est significatif : John WOO apprécie particulièrement les églises, (voir notamment le final de The Killer), tout comme il aime reprendre certains symboles de la religion catholique. Pour une fois l’image de synthèse lui permet de passer au modèle supérieur. De ce fait, ce n’est plus une simple église qui devient le théâtre de l’action, mais toute une cathédrale, et, grâce à l’image de synthèse, on peut même se permettre de la faire intégralement exploser. Cette scène d’ouverture est soigneusement préparée, et ce n’est pas un hasard si le nom de John WOO apparaît précisément au moment où la caméra fait un plan sur la façade de la cathédrale : c’est une façon d’accentuer la présence du réalisateur et de lui dédier cette séquence entière. Il est particulièrement intéressant de voir que son nom apparaît ainsi tandis que celui de Shirow Masamune, auteur du manga original, apparaît juste après, mais sur une image totalement différente : les hélicoptères futuristes d’Olympus, qui évoquent dans leur forme les Tachikomas de Ghost in the Shell : chacun se voit ainsi attribuer une place spécifique au sein de cet univers.
Autre élément repris intelligemment et relevant de la symbolique chrétienne, la colombe : Appleseed 2 regorge de colombes, mais elles ne servent pas que de décoration. Ici, l’oiseau s’avère être un leurre, il s’agit de robots lancés par les terroristes pour émettre des ondes vouées à pirater le cerveau des citoyens d’Olympus. L’une d’entre elles est par ailleurs heurtée lors d’une scène d’action particulièrement spectaculaire, permettant à Thereus de voir la vraie nature de l’animal : symbole de paix et image chrétienne symbolisant le Saint-Esprit, la colombe se trouve en fin de compte être un robot malveillant nécessaire à l’accomplissement du plan des terroristes. C’est un bel exemple de reprise et d’infléchissement d’une thématique obsédante du réalisateur.
Si le scénario ne casse pas des briques, il s’inscrit dans la même veine SF que la plupart des films de John WOO à Hollywood : Mission : impossible 2, Volte-face ou le mauvais Paycheck en sont une illustration parfaite. A chaque fois, les manipulations d’ADN et les virus entrent en jeu. De façon évidente, c’est à Volte-Face qu’Appleseed fait le plus référence. On le perçoit dans cette capacité qu’ont les personnages à changer de corps, et surtout dans cette crainte de Briareos de voir que son corps ne lui appartient plus, et qu’il est dissocié de son esprit. La variante que propose le film d’Aramaki est intéressante : au lieu d’assister à un simple échange de corps (Travolta / Cage), on assiste à une mise en concurrence des corps : le nouveau corps de Briareos est subitement, grâce aux avantages du clonage, mis en concurrence avec son ancien corps, qui appartient désormais à Thereus, un clone de chair et de sang. La préoccupation de Briareos devient dès lors la même que celle de Travolta dans Volte-Face : ce nouveau corps qui n’est pas à lui est capable de faire l’amour à la femme qu’il aime, alors que le corps dans lequel il est bloqué ne lui permet plus d’avoir ce type de rapport avec elle. La barrière physique reste la même, la question de la séparation des corps et des esprits aussi. Appleseed 2, en infléchissant le schéma, s’attarde cependant sur des aspects moins intéressants que ceux développés dans Volte-Face. La jalousie de Briareos est renforcée par sa peur de voir Dunan céder au souvenir qu’elle a gardé de son corps, qui lui évoque l’époque où leur relation amoureuse n’était pas que platonique. Dans Volte-Face, il n’y a pas de temps pour la jalousie, tout va vite : Travolta n’a qu’une obsession, sauver sa femme des griffes d’un imposteur qui pourrait la violer, ou pire, la séduire. De ce fait, Appleseed cède un peu le pas au cliché, comme on peut le voir dans la scène d’affrontement entre Briareos et Thereus, ou le premier dit en substance qu’il est injuste que le second ait le droit d’avoir un corps qui ne lui appartient pas.
ARAMAKI sent bien que certains éléments de son films évoquent fortement Volte Face, aussi n’hésite-t-il pas à mettre cet aspect en valeur, à le revendiquer, en insistant sur l’idée du double et du miroir, tout comme WOO le fait dans son film. Deux séquences sont typiquement inspirées de Volte-Face : la première est celle où la porte de l’ascenseur s’ouvre lors de la soirée d’anniversaire d’Hitomi. Le reflet de Briareos apparaît sur la porte de l’ascenseur, qui s’ouvre progressivement, substituant à son visage d’androïde son ancien visage. Naturellement, ce n’est pas une hallucination, il s’agit simplement de l’entrée en scène de Thereus, clone organique de Briareos. La superposition des visages insiste sur la parfaite similitude physique de ce corps avec celui du Briareos d’autrefois, tout en créant l’impression inquiétante d’un dédoublement, d’un mauvais rêve. Une autre séquence, celle de l’escalator, vient renforcer les similitudes entre les deux personnages, prenant le chemin opposé de Volte-Face : Travolta et Cage sont incapables d’avoir le comportement qui correspond à leur corps d’emprunt, si bien que leurs proches ne les reconnaissent plus. Inversement, dans Appleseed 2, Thereus et Briareos ont exactement le même comportement, ils ont les mêmes goûts, les mêmes mimiques et les mêmes attitudes corporelles, ce qui crée l’étonnement, mais aussi l’amusement de Dunan.
Le film d’ARAMAKI n’est pas parfait, on aura vite fait de critiquer son scénario, son méchant caricatural, ses effets tape-à-l’œil et son refus de faire autre chose que du spectaculaire. Quoi qu’il en soit, en s’offrant un grand nom du cinéma qui est un peu plus qu’un simple argument de vente, Appleseed 2 permet à la franchise de s’améliorer nettement.
Edité par Warner Bros. Facilement trouvable en édition collector autour de 10/15 euros… d’occasion.
3 commentaires
Tres bon article belle analyse
En fait, pour ne pas lasser les gens, j'évite de faire des listes exhaustives : on ne peut jamais tout dire. Alors j'essaie de faire aussi synthétique que possible...
C'est pour cela que ce genre de commentaire est toujours le bienvenu.