Mise en scène de l’horreur
Notes sur une scène de Vampire Knight (saison 1, épisode 3).
Vampire Knight aurait pu être une bonne série : il suffit de voir cette scène excellente de l’épisode 3, qui sera répétée tout le long de la saison 1. Yuuki évolue dans une ville déserte, elle avance lentement, comme dans un mauvais rêve. Son ami Zero n’est pas à ses côtés, il a décidé de la laisser pour aller manger. Tandis qu’elle parcourt des rues désertes, elle aperçoit un enfant qui essaie d’attraper un ballon rouge accroché dans un arbre. L’équipe en charge de la série réussit à créer une ambiance étrange et inquiétante, qui fait de ce passage un grand moment d’animation : la ville baigne dans la lumière déclinante du soleil, les tons ocre sont dominants, et l’architecture des habitations a quelque chose de chaleureux qui ne laisse pas deviner la scène horrible qui va se dérouler. Seule la tenue noire et blanche de Yuuki tranche sur ces tons chauds et monotones en même temps. L’autre élément qui tranche est le ballon rouge, qui attire le regard du spectateur. Il est l’élément qui sert à nous leurrer, tout comme il sert à leurrer Yuuki : l’enfant est quant à lui dissimulé sous une casquette et un manteau qui se fondent dans le décor. Tandis que Yuuki s’approche, une forme apparaît derrière elle, mais on ne distingue que ses yeux d’un rouge vif, qui font écho à la couleur du ballon. La scène mute progressivement, au fur et à mesure que le piège se referme sur Yuuki. Pendant ce temps-là, on assiste à l’activité banale de Zero, qui discute avec le cuisinier du restaurant : ce dernier n’en finit plus de le retenir en lui offrant toutes sortes de plats, ce qui accentue l’aspect cauchemardesque de la scène que vit Yuuki. Banalité et fantastique se mêlent.
Tandis que Yuuki tend le ballon à l’enfant, ce dernier agrippe sa main et dévoile son visage, qui change brutalement : les pupilles de ses yeux monstrueux se rétractent, sa bouche se fend d’un rictus abominable. On passe brutalement de l’étrangeté à la terreur. Tout se déroule dès lors selon les codes du film de genre : l’enfant est en fait un vampire dégénéré, il ressemble à un gnome affreux mais possède l’agilité d’un singe, tandis que l’autre vampire qui se cachait derrière Yuuki est grand et décharné, et se déplace en rampant le long des murs. Toutes ces propriétés physiques monstrueuses sont habilement mises en scène, et le graphisme n’est pas sans évoquer les meilleurs moments de Hellsing. La course-poursuite s’achèvera dans une sorte de grenier, cul-de-sac par excellence et lieu privilégié de toute série B qui se respecte. La cruauté du petit vampire, qui s’amuse avec Yuuki en se perchant sur son arme et en la griffant au visage, est ainsi mise en scène avec une efficacité maximale. Malheureusement, c’est ici que s’achève le seul moment de grâce de la série, qui retrouve alors son train-train sentimental, avec l’arrivée de Zero et Kaname. Le triangle amoureux se reforme, l’horreur est évacuée et Vampire Knight redevient mortellement routinier. Il n’en reste pas moins que cette scène hantera les épisodes suivants, les flashbacks en négatif (couleurs inversées) venant insister sur l’idée que sans cette scène toute la série s’effondrerait…
On n’oubliera pas d’insister enfin sur la métaphore facile que représente cette scène quant à la peur du viol, d’autant plus évidente que le sexe est central dans le mythe des vampires. Yuuki n’aura pas été violée physiquement, mais en fin de compte elle aura quand même été traumatisée. Et surtout, elle sait désormais qu’un vampire peut aussi être un monstre. C’est ce que l’on constate dans le même épisode, à la toute fin, lorsque Zero succombre à l’appel du sang… qui n’est là encore qu’une métaphore d’un désir sexuel irrépressible. Quoi qu’il en soit, la scène que nous venons d’étudier vaut largement pour ses qualités de mise en scène.
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