Regards sur Hayao Miyazaki
Introduction
Dans une interview, Toshio Suzuki, producteur attitré au studio Ghibli, déclarait qu’il y avait « deux manières différentes de concevoir un dessin animé : faire découvrir au public quelque chose qu’il ne connaît pas ou lui montrer quelque chose qu’il connaît. C’est exactement la différence entre Hayao Miyazaki et Isao Takahata ».
Les monstres
Un professeur de psychologie d’une université de Tôkyô s’est particulièrement intéressé à la psychologie présente dans l’animation japonaise et notamment à l’élan créateur des auteurs d’œuvres animées. Il déclarait dans une interview que Miyazaki se représentait de manière récurrente dans ses films sous la forme d’un monstre en contact avec une jeune fille, souvent héroïne du récit. Il ajoutait que le comportement qu’il insufflait aux jeunes filles en question au contact de ces monstres allait à l’encontre d’une réaction normale de surprise ou de peur. Dans les films de Miyazaki, la protagoniste va au contraire chercher le contact avec le monstre, souvent bienveillant et bienfaisant, car elle perçoit la bonté au-delà de la simple apparence monstrueuse.
Le terme de monstre est ici à prendre dans un sens très large d’un être pas complètement (ou pas du tout) humain, à figure animale ou non.
Revue de détail des monstres :
Nausicaä de la Vallée du Vent : Nausicaä communique avec les ômu (insectes-rois, soit en quelque sorte les représentants du monde des insectes) ainsi que, dans le manga de même nom, avec Oma, le dieu guerrier – être terrifiant et destructeur – qui la considère comme sa petite mère. Avec tous ces êtres, la jeune fille communique par une sorte de télépathie qui la rend incompréhensible à ceux qui l’entourent.
Le Château dans le Ciel : Sheeta parle aux robots dans la Cité volante de Laputa. Un robot se sacrifie même pour qu’elle puisse échapper à Muska et ses hommes.
Mon Voisin Totoro : Seules Satsuki et Mei peuvent voir et interagir avec les Totoro, sorte d’esprits pacifiques vivant près des arbres séculaires. Là aussi, un lien presque empathique se développe entre les cœurs purs d’enfants et les bestioles bonhommes.
Porco Rosso : Exceptionnellement, dans ce film, c’est le « monstre » (Porco, autrefois homme, transformé en cochon par un maléfice) qui est le personnage principal. La jeune fille n’est autre que Fio, la jeune mécanicienne qui l’accompagne dans ses pérégrinations.
Princesse Mononoke : Dans ce film, cette relation est moins évidente. Elle est en fait double : d’un côté, une exclusivement féminine – Mononoke et sa « mère », Moro, la louve géante – l’autre exclusivement masculine : Ashitaka et le dieu-cerf. De plus, lorsque Mononoke revêt son masque, lequel est dépourvu de traits humains, elle se déshumanise et se comporte à son tour comme un loup à part entière qui attaque férocement et sans retenue les forges de Dame Eboshi. Le double nom de la jeune fille est un autre reflet de cette personnalité tantôt humaine tantôt bestiale : San / Mononoke.
Inversement, lorsque Mononoke pose sa lame sur la gorge d’Ashitaka – un geste de violence, elle est prête à le tuer – le jeune homme lui dit qu’il la trouve belle, au sens d’une belle femme et non d’une belle animale – Mononoke a d’ailleurs relevé son masque lors de cette scène et apparait donc à figure humaine – la reconnaissant implicitement comme un être humain à part entière, capable d’émotions.
Le Voyage de Chihiro : Chihiro est, au cours de ses aventures, confrontée à différents types de monstre par rapport auquel elle montrera différents sentiments et attitudes : ses parents qui s’animalisent peu à peu (ils se guident à l’odorat et sont uniquement dictés par le besoin primaire qu’est la faim) jusqu’à être transformés en cochon (Chihiro ressent alors pour eux de l’amour filial et la peur qu’ils se fassent manger), Haku métamorphosé en dragon (tendresse et amour), Kawaji, l’homme-araignée qui s’active dans la fournaise de l’établissement des bains (sympathie et reconnaissance), le Sans Visage (curiosité et compassion).
Le Château Ambulant : Les sentiments de Sophie vis-à-vis de Hauru qui devient un monstre volant et tourmenté évoluent tout au long du film.
Le vol
Avec un père directeur d’une entreprise aéronautique, Hayao Miyazaki a depuis son enfance la passion du vol et des aéronefs. Cette passion se retrouve dans pratiquement toutes ses œuvres : Nausicaä qui plane telle un oiseau ou un ange sur son moeve avant de parcourir la région à bord du gunship, Sheeta et Pazu dans différents engins volants et enfin dans la forteresse volante du Château dans le Ciel, Satsuki et Mei qui survolent les rizières juchées sur le Totoro, Kiki sur son balai, Porco dans son avion, Chihiro chevauchant le dragon Haku, l’ange s’envolant dans On Your Mark, la liste est longue.
Mu par sa passion du vol, Miyazaki ne rate ainsi pas une occasion de dépeindre à envie les machines volantes, avions et autres aéronefs. On pourrait cependant dire qu’il les range en deux groupes avec une distinction quasi manichéenne (contrairement à son habitude, mais peut-être ici, en s’en amusant, puisqu’il en accentue les caractéristiques) : d’un côté, ceux qui d’une manière ou d’une autre se rapprochent des oiseaux, de l’autre, les machines pataudes, purement technologiques, représentant la volonté humaine de la domination du ciel. Dans le premier groupe, il y aurait le moeve de Nausicaä (qui plane sur le vent au lieu de le couper), le balai de Kiki (qui vole en riant parmi les mouettes), l’hydravion de Porco Rosso (véritable extension du pilote auquel il répond au doigt et à l’œil et permet toutes sortes de figures acrobatiques) ou encore la toupie de Totoro (grâce à laquelle, lui et les enfants qu’ils portent deviennent le vent invisible aux yeux des adultes). Dans le deuxième figureraient les machines de guerre Tolmèques et Dork dans Nausicaä, les forteresses volantes du Château dans le Ciel et les hydravions pirates tout cabossés et rafistolés dans Porco Rosso.
Enfin un peu à part, il y a ces êtres merveilleux mais qui portent en eux amertume et mélancolie, ceux qui peuvent voler par eux-mêmes, sans truchement d’un quelconque artefact, des êtres-oiseaux, rêve suprême de tout aviateur : l’ange souriant d’On Your Mark, Hauru le tourmenté dans le Château Ambulant et Haku dans le Voyage de Chihiro.
Dans ce sens, Porco Rosso, est peut-être le film le plus personnel de l’auteur par la prééminence de l’aspect aérien. Même le personnage central est un aviateur (et, de plus, un « monstre », auquel s’identifierait donc Miyazaki, voir plus haut). Et c’est encore le réalisateur qui parle par la bouche de Fio lors de sa harangue aux pirates de l’air sur les mérites et les qualités des pilotes d’hydravions. Au thème du vol sont également liés les thématiques de la liberté (ressentie dans ce grand espace sans frontière qu’est le ciel) – voir la chance qu’a Kiki de posséder le don du vol, pourtant allant de soi chez toute sorcière qui se respecte – et la figure de l’ange, soit personnifié dans On Your Mark, soit en tant que symbole (assimilation) telle Nausicaä vue par certains habitants de son monde comme un ange venu les guider vers un avenir meilleur et une terre où il fait bon vivre.
L’environnement, la technologie, le feu
L’environnement et la pureté de la nature si fragile face à la technologie qui remplace inexorablement le naturel par l’artificiel : voilà ce qu’aurait pu être la dialectique qui sous-tend les films de Miyazaki. Cependant, le réalisateur est, à mon sens, loin d’être aussi manichéen et écologiste militant.
Plutôt que de condamner l’utilisation systématique des machines et l’emprise de celles-ci sur la nature qui disparaît petit à petit, il plaide pour un juste milieu, une harmonie entre le fait de tirer parti des avancées technologiques et le respect et la préservation de l’environnement.
Ainsi Nausicaä ne cherche pas à faire pencher la balance entre disparition des hommes et omniprésence du Fukai d’un côté et recours désespéré aux techniques d’autrefois pour renverser le rapport des forces. Elle cherche plutôt à rapprocher les uns des autres vers une coexistence des hommes et des insectes. Elle ne se prive elle-même pas d’utiliser la technologie (son moeve, son fusil, etc.) mais se montre en même temps sensible à la beauté de la forêt empoisonnée et porte un amour profond pour la vie et les êtres vivants, tant les plantes que les insectes et les hommes, si bien qu’elle cherche à les préserver avant tout.
Dans le Château dans le Ciel, le but n’est pas de condamner les technologies avancées de ceux qui ont créé les pierres de lévitation, les cités volantes et les robots, car ils ont leur utilité (la pierre que Sheeta porte autour de son cou lui sauve la vie à plusieurs reprises, les robots entretiennent le château, …). Par contre, à travers le personnage de Muska (un des rares véritable méchants dans toute la filmographie de l’auteur), Miyazaki s’attaque à l’utilisation abusive de ses technologies et à leur instrumentalisation pour obtenir le pouvoir. De même, dans Princesse Mononoke, le rôle de Dame Eboshi est ambigu : elle cherche à détruire la forêt dont les habitants dépérissent, mais en parallèle, elle a recueilli lépreux et prostituées et leur a donné un travail et une dignité, ce travail étant étroitement lié à la déforestation en question.
En fait, un élément récurrent dans les œuvres du réalisateur et également au cœur de cette fausse opposition environnement/technologie est le feu.
Le feu, premier pas de l’homme vers la technique et aux influences parfois néfastes sur la nature, est à la fois essentiel à l’être humain et, mal maîtrisé, devient l’instrument de sa perte. Ainsi, le dieu-guerrier dans Nausicaä et les robots dans le Château dans le Ciel peuvent générer un feu dévastateur. Dans le Château Ambulant, Calcifer, sorte de génie du feu, est à la fois celui qui anime et fait avancer le château, mais il tient également du démon (cf. le pacte qu’il a conclu avec Hauru). Le feu est aussi au cœur de l’activité de Dame Eboshi dans Princesse Mononoke et de l’ambiguïté décrite un peu plusAQ haut : le feu des forges assure la subsistance de ceux qui y travaillent, les cheminées qui fument reflètent la vie et l’activité des habitants, le feu brûle la forêt pour permettre d’accéder au minerai situé en dessous, enfin le feu des fusils permet de lutter contre les animaux monstrueux qui menacent la communauté, mais en retour il rend ceux-ci ivres de colère et conduit à une lutte stérile entre habitants de la forge et animaux. Le feu devient même dans ce film sacrilège, car il porte atteinte au dieu-cerf, cœur et âme de la forêt.
Du Japon à l’Occident
Le cadre des récits
A deux exceptions près, le cadre des histoires que nous raconte Miyazaki reste très vague tant spatialement que temporellement. Les deux exceptions sont Porco Rosso qui se situe dans l’Italie de l’entre deux guerres fasciste et Princesse Mononoke qui se tient dans le Japon de l’époque Muromachi (1336-1573), plus précisément et selon toute vraisemblance, à la fin de cette période (présence d’armes à feu apportées par les Portugais vers le milieu du XVIème siècle).
Nausicaä et le Château dans le Ciel nous placent dans un univers futuriste (je dirais presque « post-apocalyptique ») où après avoir atteint un degré technologique très avancé, l’espèce humaine a régressé jusqu’à revenir à un mode de vie plus simple, davantage tourné vers la terre. Mon Voisin Totoro et Le Voyage de Chihiro nous ramènent dans un Japon à peu près actuel (avec les torii, les bains chauds, etc.), Kiki la Petite Sorcière et le Château Ambulant nous emmènent dans une Europe un peu idéalisée et fantaisiste, correspondant grosso modo à une période s’étalant de la fin du XIXème au XXème siècles et mêlant des éléments de différentes cultures (Allemagne, Italie, France, …) en une sorte de quintessence de l’Europe vue depuis le Japon.
Les îles
Influencé sûrement par l’archipel nippon, les îles ou endroits pouvant être considérés comme tel, se retrouvent à plusieurs reprises. Ainsi la Vallée du Vent est isolée et tournée vers la mer de laquelle provient le vent bénéfique qui garantit aux habitants de la vallée un air dépourvu de miasmes mortels. De même, dans Porco Rosso, c’est l’île où Gina a établi son hôtel qui est le centre de gravité des pilotes d’hydravions, pirates et chasseurs de prime ; c’est également la petite crique entourée de hautes falaises dans laquelle vit Porco. Dans Le Château dans le Ciel, ce sont la forteresse battue par les flots où est détenue Sheeta ainsi que Laputa elle-même, île circulaire et conique flottant en l’air. Dans Princesse Mononoke, la ville aux forges est située sur une île, environnée par la nature sauvage. Enfin dans Chihiro, la montée des eaux isole quasi complètement l’établissement de bains et forme une sorte de mer.
Cet isolement contribue à créer un cadre spatial (à défaut d’être spatio-temporel) restreint, semblable aux règles d’unité de l’espace dans le théâtre occidental classique. Les « insulaires » vivent ainsi en quasi autarcie : les héros y sont livrés à eux-mêmes, peuvent difficilement quitter la scène et doivent composer avec les autres personnages qui s’y trouvent.
Amarre, repère, ou havre pour le héros parti à l’aventure, l’île est ici par excellence le lieu de croisement et de rencontre de la plupart des protagonistes, là où se jouent des événements clés dans la progression de l’histoire.
Religion et spiritualité
On remarquera qu’ici le point de vue adopté est souvent purement japonais, influencé avant tout par le shintoïsme, alors même que le réalisateur cherche souvent à rendre son récit universel ou presque.
Le shintoïsme est une religion animiste fondée sur des êtres appelés « kami » (dieu, Esprit) que l’on retrouve partout, dans chaque élément naturel et en chaque circonstance. On trouve des esprits des arbres (comme l’arbre gigantesque situé près de la maison de Satsuki et Mei et à côté duquel est placé un torii et un petit autel dans Mon Voisin Totoro) ou des forêts (les Kodamas, sorte de korrigans bienfaisants qui guident Ashitaka et appellent le Dieu Cerf dans Princesse Mononoke).
C’est dans le Voyage de Chihiro qu’ils nous sont présentés dans toute leur profusion bigarrée : on les voit se conduire comme tout japonais moyen, se rendre aux bains et s’y détendre entre amis. Ce film donne également la part belle à Haku, esprit d’une rivière (mais il est indissocié de la rivière, il EST la rivière, les deux portent le même nom).
Miyazaki met en garde ses compatriotes contre la dénaturation des lieux et éléments sacrés à cause de la pollution moderne. Témoin, le dieu puant qui tente de se débarrasser de sa crasse accumulée au fil des années et dans laquelle il est emprisonné, espoir vain sans l’aide providentielle de Chihiro qui lui rend son statut d’esprit des eaux, pouvant voler librement. Cette libération symbolise que quelque part une rivière a été nettoyée ou a échappé à la terraformation.
Un autre personnage intéressant de ce film est le Sans Visage (Kao Nashi), qui en se frottant aux humains enfle en absorbant leurs mauvaises pensées, devient irascible et dangereux, avant de retourner à son état premier. Cet être pourrait alors symboliser la tentation, l’excès ou encore la cupidité de l’être humain : il offre trop de cartes à Chihiro, trop d’or au personnel qui n’arrive pas à se retenir et réclame toujours plus, il fait preuve d’une gourmandise insatiable, s’animalise en avalant tout cru des membres du personnel des bains. Seule Chihiro, dans sa candeur, est complètement insensible à ce déluge de tentations que lui prodigue le Sans Visage.
D’autres références, plus proches d’une des religions dite « du livre », font également leur apparition dans la filmographie de l’auteur et notamment dans Nausicaä de la Vallée du Vent : on y rencontre les Dieux Guerriers (êtres destructeurs qui ont causé la perte de l’humanité ou bien arbitres impartiaux des conflits humains ?), la légende de l’Être vêtu de bleu, messie qui un jour permettra aux hommes de renouer le lien perdu avec la terre et la frise mythologique, sorte de tapisserie de Bayeux d’un temps futur où les monstrueux Dieux Guerriers détruisent dans les flammes la civilisation humaine et ne laissent aux survivants que l’espoir de la venue un jour de l’ange habillé de bleu.
Mais que l’on ne s’y trompe pas, Hayao Miyazaki ne cherche ni à se faire le chantre de la religion, ni à dénoncer les vices des humains, ni à prôner une doctrine réactionnaire d’abandon de la modernité. Il essaye simplement de sensibiliser ses spectateurs à une plus grande tolérance et à ne pas dénouer les liens avec sa culture profonde en instillant doucement une contemplation paisible des manifestations surnaturelles, parfois profondément liées à la vie d’un individu lambda.
Les personnages chez Miyazaki
Quelques caractéristiques des personnages
Dans Miyazaki, si les protagonistes échappent à de très rares exceptions près à toute forme de manichéisme ou de stéréotype, ils gardent malgré tout bien souvent quelques traits communs, sorte de marque de fabrique de Miyazaki.
Ils fonctionnent quasiment toujours par duo garçon fille (sauf dans Mon Voisin Totoro, où les héroïnes sont deux sœurs, Satsuki et Mei), mais le rôle principal échoit tantôt au garçon (Château dans le Ciel, Mononoke, …), tantôt à la fille (Nausicaä, Kiki, Chihiro, …). Une exception notable est Porco Rosso qui est un homme adulte et mûr (et donc expérimenté et désabusé) et non plus un jeune garçon candide et insouciant.
Le héros est toutefois très divers : princesse d’un royaume agricole et paisible (Nausicaä), jeune mineur (Pazu), sorcière occidentale (Kiki), jeunes japonaises (Satsuki et Chihiro), pilote d’hydravion et chasseur de prime (Porco), prince aïnou (Ashitaka), jeune/vieille occidentale (Sophie), policiers (le duo anonyme dans On Your Mark).
Le choix d’enfants comme héros permet à Miyazaki de mettre en avant leur insouciance et leur fantaisie qui peut s’exprimer librement sans le carcan de la rationalité : un peu de féerie et de magie peut ainsi être distillée dans leurs aventures, sans que ces élément prennent non plus le pas sur le fond globalement assez réaliste (ou du moins crédible et cohérent) des récits. Ces jeunes yeux ont encore le privilège d’aborder le monde sans vision préétablie et formatée, si bien que la frontière entre camps (à qui se fier, de qui se méfier) se brouille aisément.
Ainsi, beaucoup de ces personnages ont eu tout loisir de développer une mentalité aussi originale que mature sans préjugé ni préconçu, mais avec force et détermination. Deux bons exemples de cette force de caractère que le réalisateur a insufflé à ses personnages sont Nausicaä dans son aventure épique à travers empires et royaumes pour comprendre la raison du Fukai ainsi que Fio, élevée dans l’admiration pour les engins volants, et au premier rang desquels les hydravions, et qui en a nourri une passion pour l’aérodynamique et la mécanique.
Cette mentalité leur donne la force d’affronter les événements en conservant un optimisme profond (et sans niaiserie) et une tendresse pour l’autre, dans la limite où ce dernier ne se rend pas inhumain (cf. Muska dans le Château dans le Ciel et ce que faillit devenir Hauru dans le Château Ambulant).
L’autre intérêt de cette mentalité, mais en se plaçant cette fois du côté du spectateur, est que celui-ci est libre de penser ce qu’il veut des aventures qui lui sont contées. Un discours sans morale, sans épanchement trop lourd, sans idéalisme et sans prise de position trop appuyée, qui laisse le public rêver et réfléchir sans chercher à l’orienter.
Les personnages au cœur du récit
Ce qui va venir bousculer ce quotidien est un imprévu venu de l’extérieur de « l’île », une situation a priori sans rapport avec le personnage principal et qui va l’extraire de sa solitude (pour former le couple évoqué plus haut). Cet événement déclencheur va par la suite forcer ce protagoniste à s’impliquer dans cette situation et toutes ses répercussions. Ce peut être, par exemple, le vaisseau Dork qui s’écrase dans la vallée (Nausicaä), Sheeta qui tombe du ciel (Le Château dans le Ciel), Kiki qui rend la tétine au bébé (Kiki la Petite Sorcière), la souillure d’Ashitaka par le dieu sanglier (Princesse Mononoke), la métamorphose des parents de Chihiro (Le Voyage de Chihiro), le maléfice de la Sorcière des Landes (Le Château Ambulant) ou l’enlèvement de l’ange par des scientifiques peu scrupuleux (On Your Mark).
Le moteur de l’histoire dans laquelle ils sont plongés est ainsi toujours extérieur aux protagonistes qui ne font que le subir, puis vont se l’approprier pendant le déroulement de la narration, avant de s’en détacher lorsque celle-ci parvient à sa fin.
L’histoire s’arrête lorsque la quête initiale a été achevée ou lorsque le dérèglement a été corrigé et non lorsque tous les problèmes ont été résolus ou encore lorsque les deux principaux protagonistes (le fameux couple évoqué plus haut) se retrouvent réunis pour poursuivre leur route ensemble. D’ailleurs, si la fin est généralement heureuse, elle laisse malgré tout les personnages à nouveau seuls : chacun retourne à son mode de vie habituel et espère un jour retrouver l’autre, sans que ce résultat ne soit jamais garanti. Le couple n’a souvent duré que le temps du récit (à l’exception notable du Château Ambulant).
En guise de conclusion
Sur un ton parfois enfantin, parfois plus adulte, Hayao Miyazaki distille un message optimiste et profondément humaniste. Il prône une coexistence entre la technologie indispensable à l’homme (du moment qu’elle est utilisée à bon escient) et la nature, souvent fragile, parfois cruelle, mais tout aussi indispensable à l’homme. Il incite à ne pas renier les croyances (divinités, anges, esprits) qui fondent les cultures humaines ainsi que de nombreux rapports de l’homme à la nature et envers lui-même. Mais il ne tient pas pour autant un discours religieux, au sens occidental du terme, il s’agit ici simplement d’un respect et d’une incitation à ne pas être hermétique à la spiritualité.
Miyazaki nous montre qu’il a gardé foi en l’homme, en son inventivité, en sa capacité d’adaptation et en sa sagesse – sans pour autant nier la noirceur présente en lui – ainsi qu’en sa capacité à s’élever physiquement (les avions) ou spirituellement (les anges).
2 commentaires
Mon plus grand regret concernant cet auteur est cependant son optimisme un peu déconnecté de la réalité. Miyazaki ne dépeint pas le monde tel qu'il est mais tel qu'il veut qu'il soit. Si elles ne se privent pas d'une double (voire plus) lecture, je ne peux m'empêcher de voir ses oeuvres se contenter d'une approche esthétique alors qu'elles ont le matériel pour aller plus loin. La contrainte du format est peut-être rédhibitoire.
Très informé. Depuis très longtemps je suis passionné par les productions des studios Ghbli et là, ce qui me surprend, c'est que quelqu'un puisse hisser les animés à un point qu'ils méritent.
Culture, poésie... Entre parenthèse, la musique est toujours excellente.
Peace and happiness for all of you.