Tegami Bachi – Les postiers, sans la grève : trop beau pour être vrai ?
Un anime enchanteur
Alors, c’est l’histoire d’un type avec un nom bizarre…
Il était une fois un monde où les gens portaient des noms franglais totalement improbables, un monde où vivait un protagoniste capable de déverser 3.6 hectolitres de larmes à la minute (moyenne réalisée en considérant tous les épisodes de la saison 1), un monde où les postiers ne faisaient jamais grève – ce qui est de loin le plus fantaisiste d’ailleurs –, où des monstres psychotiques et gigantesques se gavaient des lettres des gens (chacun ses TOC, j’ai envie de dire. Je ne juge pas), et où on pouvait assister à une séance de ciné gratuite en tirant sur des objets avec des cartouches vides (il faudrait que je propose le concept pour la prochaine Nuit du Cinéma). Ah, j’oubliais un petit détail : les lettres envoyées contenaient le « cœur » (kokoro, ce qui a un sens nettement plus anatomique que l’esprit ou l’âme, donc intraduisible en français) de leurs expéditeurs. Ce qui est peut-être me plus réaliste : par exemple, récemment, j’ai reçu une lettre m’informant que je devais passer des rattrapages, et effectivement, on aurait dit que le papier suintait la haine et la malveillance sadique de son expéditeur. Je comprends mieux les scénaristes pour le coup.
« La couleur me possède, […] je suis peintre » (Klee in Journal, 1920)
Alors, alléchant, ce pitch ? Bon, je vous sens un peu sceptique. Et pourtant… C’est qu’ils savent s’y prendre, les petits gars de chez Pierrot. L’univers est, de prime abord, diablement accrocheur, et tout ça passe comme lettre à la poste. Pour plusieurs raisons, et d’abord graphiques. Eh oui, même si je répugne à accorder une trop grande place aux graphismes, je dois quand même dire que c’est l’identité graphique de la série qui m’a conquis. L’histoire se passe donc à Amberground (vous voyez que je ne mentais pas en vous parlant des noms piochés au hasard dans le Oxford Dictionnary) – le sous-sol Ambique, donc – un pays plongé dans une nuit sans fin, vaguement éclairé par un petit soleil artificiel, situé au-dessus de la capitale. Sans être particulièrement original, ce cadre est surtout un prétexte pour nous éblouir avec de superbes environnements, tout en nuances de violet, bleu profond (bleu nuit diraient certains, mais la blague est trop facile, je m’abstiens), avec aussi quelques belles teintes pastel. C’est difficile à expliquer comme ça par écrit, mais regardez donc un paysage de la série, et je pense que comme moi, vous serez sous le charme. Sinon, ben tant pis. En tous cas, ne sous estimez pas le coté graphique de la f…f…f… Non, vraiment trop facile. Plus sérieusement, je me répète, mais moi, j’ai été happé : au fond la seule raison pour laquelle j’ai continué à suivre les aventures du jeune Lag Seeing – on en reparlera de ce lascard – c’était pour voir son superbe uniforme bleu en mouvement.
Les environnements évoluent peu par contre, et c’est un gros point de reproche, parce qu’une fois que la magie est retombée, eh bien, même graphiquement, on finit par s’ennuyer. Le chara-design, quant à lui, n’est pas mal non plus, mais là en revanche, rien de vraiment transcendal (ni de transcendant d’ailleurs). Emilie le qualifiait de kawai, et c’est vrai qu’on retrouve des traits toujours un peu ronds, rien d’anguleux ou de brutal, même chez le personnage « absolument-trop-classe-et-dark-et-mystérieux-et-tout-et-tout », Gauche Suède (j’ai effectivement encore du mal à réaliser que oui, c’est bien son nom), qui a quand même une adorable frimousse. Mais bon, en ces temps d’uniformisation et de nivellement extrême de l’identité graphique, on appréciera la petite originalité de Letter Bee, qui essaie de se démarquer un peu de ses innombrables confrères. Je vous ai joint ci-dessous un exemple qui illustre un peu ce que j’ai dit sur les environnements (et l’uniforme sexy en diable de Gauche).
Eh oui, tout de suite, s’orienter sans GPS, c’est plus dur…
J’y avais fait allusion dans mon introduction, il y a aussi les Gaichus, ces monstres vraiment monstrueux qui avalent le courrier des gens comme un dépressif gobe ses benzodiazépines. Vous ne vous rendez pas compte, dévorer le COURRIER DES GENS ! Mais où va le monde ? Accessoirement, ils dévorent aussi les postiers – les Bees, d’où le titre – mais ça, les personnages de l’anime ont l’air de s’en soucier nettement moins que de ce qu’ils font au courrier. Chacun ses priorités, après tout ; c’est vrai qu’entre la digestion de mes factures de téléphone ou de mon prof de finance, j’aurais bien du mal à hiérarchiser moi aussi. Mais même si ce sont d’irrécupérables vilains, je les avais trouvés plutôt jolis et bien réalisés moi. Je tiens à le dire, parce que manifestement, une frange relativement importante de la critique avait pointé du doigt leurs réalisations graphiques en 3D comme un défaut (notamment un critique assez connu manifestement d’Anime News Network dont j’avais entendu parler : j’ai découvert son existence sur Wikipédia). C’est clair que Letter Bee n’avait probablement pas les moyens d’insérer une 3D suffisamment léchée pour réaliser de superbes animations. Du coup, j’ai trouvé l’idée de présenter ces monstres comme « cuirassés », très intéressante, vu que ce mode de représentation passe nettement mieux en CG (rendu métallique uniforme, etc., alors que pour des matières organiques, ça aurait juste été hideux/impossible à réaliser avec les CG qu’ils avaient. Autant essayer de tuer un moustique au lance-roquette.). Surtout que j’aime bien leur couleur – là je vais passer pour un obsédé des couleurs je le crains – gris cuivré, avec de petits reflets dorés. Outre ça, ça rajoute un petit côté mystérieux, cette fameuse cuirasse, des questions comme d’où vient-elle, les Gaichus étaient-ils domestiqués à une époque etc. Mais bon, je ne vais pas non plus défendre le diable, si je n’ai pas trouvé ça franchement hideux, ça ne m’a pas non plus donné d’incroyables frissons de plaisir. De toute façon, des monstres réussis dans des séries, surtout depuis la dictature de la 3D, vous avez déjà vu ça, vous ? Même dans Moribito, ils ne sont pas réussis, alors c’est pour dire…
Un Gaichu. Vu ses yeux, il n’a pas du absorber que du courrier…
Et alors, ensuite, me dites-vous ? C’est bien beau, toutes ces histoires de graphismes, mais je n’ai quand même pas suivi la série que parce que j’aimais sa palette de couleurs, si ? Eh bien presque. Parce qu’en dehors de ça… Essayons encore un peu de continuer avec les points positifs, hors animation proprement dite…
Alors, effectivement, sa beauté n’est pas le seul argument de l’univers de Letter Bee, il est aussi… On va dire raisonnablement intéressant et original (mais pas trop non plus). Du moins sur le papier, et au début. Je l’avais dit dans ma présentation, c’est un monde où les postiers ont la cote (Le calendrier des Dieux du Tri, qu’ils éditent même) : première institution gouvernementale, la Poste occupe une place capitale. Les Bees sont considérés comme l’élite, et sont, par exemple, parmi les rares à disposer de laisser-passer pour la Capitale, où vivent les plus nantis de ce monde. Et ça, à défaut d’être super original, c’est une bonne idée. L’importance de la poste, le côté héroïque des missions, tout cela nous plonge dans une ambiance qui n’est pas sans rappeler celle des pionniers et héros de l’aéropostale, un petit côté Terre des Hommes et autres Vols de Nuit à l’animation, ça ne fait pas de mal (ça ne Nuit pas… huhu). Ce qui n’est pas sans rappeler un autre anime, paru bien avant, Last Exile, dont le pitch de départ lui aussi, mettait les postiers à l’honneur (avec un coté aéropostal encore plus marqué par contre).
Un background pas si mauvais…
Mais là où Last Exile se perdait dans les méandres de la surinterprétation mystico-déliro-chrétienne, Letter Bee sait camper sur la force de son univers : à défaut d’une originalité absolue, on vient de le voir, LB persiste et signe et la persévérance, c’est bien connu, c’est une qualité (c’était la minute conseil de vie, par Sugawara). L’univers est globalement pas trop mal fouillé, même si on regrettera qu’il se centre exclusivement sur la Poste alors que tout de même, ça ne doit pas être la seule faction politique de ce monde. Et puis, cette affaire de cœur, on en entend parler dès le premier épisode, mais on n’y comprend toujours rien vers la fin. On finit par comprendre que en gros, le cœur si mystérieux, dont les bees tirent des fragments contre les gaichus, et dont les lettres sont imprégnées représentent simplement… Les émotions/ l’humanité des gens ?! Enfin, à défaut de vraies explications de la part des scénaristes, c’est ce qu’on suppose. Et ça, c’est tout ce que j’aime pas, c’est de l’esbroufe. C’était bien la peine de nous faire miroiter quelque chose de si mystérieux (Vous verriez Gauche prendre son air le plus d4rk pour nous parler du « kokoro » pendant le premier épisode… ), de si fondamental, pour réaliser que ce n’est qu’une veille métaphore vaseuse que les scénaristes ont d’ailleurs dû trouver tellement éculée, qu’ils ont arrêté de la traiter quelque part au milieu de l’anime. Et ce n’est qu’un exemple, mais ce genre de problèmes revient assez souvent. Mais bon, ce n’est pas comme si on n’était pas habitués à ce que les animes nous fassent le coup, et on passera l’éponge pour cette fois (surtout que j’en reparlerai plus tard, de toute façon).
… et des personnages plutôt sympas (a priori)
Les personnages quant à eux… Lag Seeing, le personnage principal, est, pour reprendre in extenso l’expression d’Emilie dans son article sur le sujet, « le crybaby ultime ». Les scénaristes le reconnaissent, aucun souci là-dessus, ils jouent cette carte à fond (je ne sais pas, c’est censé être « mignon » aux yeux de quelqu’un ? Faudrait m’expliquer,là…). Je ne peux pas trop le leur reprocher partant de là, vu que c’est un choix assumé, mais personnellement, ça m’insupporte. Lag est une coquille vide remplie de larmes. A part se montrer d’une naïveté absolument délirante et fondre en larmes à la moindre occasion (non mais, les antidépresseurs, ça existe aussi, faut pas hésiter), on ne voit pas très bien quel propos il sert.
Les autres… Alors là, ça devient un peu plus compliqué. Sur le papier, ils sont pas mal, là encore modérément originaux – pour une œuvre qui n’a pas prétention de s’éloigner des canons du genre s’entend. Pour ce qui est des personnages principaux qui gravitent autour de Lag, au nombre de deux, Gauche et Niche, ce n’est vraiment pas si mal. Gauche est le type trop d4rk par excellence, mais il a une qualité que beaucoup de ses confrères n’ont pas : il est absent. L’histoire se construisant autour d’un absent, cela confère à Gauche une sorte d’aura de mystère, et surtout, on échappe aux scènes stéréotypées qui accompagnent en général inéluctablement la présence de ce genre de personnages. Niche, est, elle une trouvaille assez intéressante : cette petite fille revêche joue le rôle de dingo de Lag, c’est-à-dire en gros, de compagnon/partenaire/chien d’aveugle/whatever des Bees – rôle en général tenu par des chiens. Transportant avec elle en permanence un petit animal qu’elle considère comme sa nourriture (opportunément nommé Steak) – ce qui n’est pas sans rappeler un certain Neko, d’une certaine Excel – extrêmement tétue, et assez effrayante dans sa propension à pourfendre les gens à l’aide de ses cheveux (ne cherchez pas à comprendre), on appréciera le vent de fraîcheur qu’elle fait souffler sur l’anime.
Mais malheureusement, ça ne suffit pas. Car à part quelques personnages un peu plus intéressants que les autres et plutôt sympathiques dans leur originalité relative, la plupart des protagonistes mis en scène sont aussi plats qu’un pancake. Pourquoi donc ? Eh bien là je pense qu’on touche du doigt le grand défaut de Letter Bee : parce qu’ils ne sont pratiquement pas développés, faute de storytelling cohérent et complet. Je m’explique…
Mais tout cela ne dure qu’un temps
La catastrophe du storytelling episode 1 : Amnésia
Le storytelling a plusieurs caractéristiques très menaçantes, je commencerais donc par la plus directement liée aux personnages (et peut-être la moins pire malgré tout) : les scénaristes semblent souffrir du célèbre syndrome d’amnésie sélective, particulièrement envers des personnages qu’ils introduisent en grande pompe, mettons, à l’épisode 6-7, mais qui, curieusement, ne réapparaitront jamais ensuite. En d’autres termes, l’histoire souffre d’un manque assez hallucinant de cohérence. On dirait que sont introduits à l’aveuglette concept et personnages, et tant pis si on n’exploitera jamais ces pistes dans tout l’anime. Alors, certes, Tegami Bachi est composé de deux saisons, il est donc logique qu’il ne réponde pas à toutes les questions qu’il soulève dès sa première partie, mais il y a des limites. Quelques exemples pour illustrer mon propos…
L’une des premières raisons pour lesquelles Lag veut rejoindre les Bees – et je spoile très légèrement l’épisode 1 – a à voir avec sa mère. On nous en fait tout un plat dans l’épisode 1. Et là, surprise, ne vous attendez pas à voir la moindre allusion à ce fait pendant toute la suite de l’anime. Ca a tout simplement été escamoté par les scénaristes. Autres exemples typiques, assez amusants : il arrive souvent – au moins à trois reprises – que l’anime introduise un personnage présenté comme mystérieux, légende parmi les habitants de sa région natale ou ennemi de Lag… et ça s’arrête-là. C’est comme un film d’horreur où on entendrait le plancher craquer, le grincement sinistre des portes, les rafales de vent à l’extérieur… Dans l’éclat tremblotant des chandelles, une ombre menaçante se profile à l’angle d’un couloir… Et puis plus rien, l’électricité revient, vous recevez un appel de l’EDF qui s’excuse pour les pannes de courant, et vous allez huiler les gonds de vos portes…
Je ne peux pas trop en dire pour des raisons de spoiler, mais c’est malheureusement un procédé très commun de Tegami Bachi, je vous prie de me croire. Ca n’arrive pas seulement avec les personnages, il y a aussi des faits ou des événements, introduits avec beaucoup d’effets, pour ne jamais repointer le bout de leur nez en 25 épisodes.
A côté de ça, de façon un peu différente, il y a aussi les personnages plus fouillés, mais traités « en bloc ». Comme si les scénaristes s’étaient dits : bon, ce personnage-là, on va essayer de pas l’oublier comme les autres, allez, on s’y met, on le creuse. S’en suivent donc trois épisodes – le nombre est immuable – qui graviteront exclusivement autour de ce personnage, avant que celui-ci, selon l’étrange loi mnésique qui régit Tegami Bachi, ne soit lui aussi définitivement oublié. On se demande parfois laquelle de ces deux perspectives est la pire, entre les personnages « étoiles filantes », et les autres, traités avec toute la finesse scénaristique d’un dictionnaire des noms propres.
La catastrophe du storytelling episode 2 : Stagnation and Decay
Mais, tout cela passe encore, par rapport au grand défaut de Tegami Bachi. En effet, les personnages sont scénaristiquement très mal introduits, mais en eux-mêmes pas forcément foncièrement plus terribles que ceux de la concurrence. S’il ne s’agissait que de cela, vous pensez bien…
Cependant, TB est aussi un anime où il ne se passe rien. Oui, sans effets de manches inutiles, disons-le clairement : entre l’épisode 2 et 25, on n’a pas avancé d’un pouce. Ce qui est quand même assez effarant pour ce qui se positionne quand même comme un anime lié d’une manière ou d’une autre à l’action – il faudrait pas non plus me faire croire que c’est une œuvre d’art contemplative d’un nouveau genre. C’est assez facile de tirer sur des ambulances, je ne m’attarderai donc pas outre mesure sur ce scandale scénaristique ; il s’agit surtout d’essayer de comprendre, comme avec la bataille d’Azincourt, comment on a pu en arriver là.
La réponse gît a priori dans, encore une fois, le mode de storytelling. Pour faire court, l’anime se veut une forme hybride entre du slice of life et un anime d’action. Je suppose qu’a priori ce modèle était censé imiter celui de grands succès comme Cowboy Bebop, Samurai Champloo, Darker than Black, GitS… Et sur le papier, pourquoi pas, c’est un bon modèle, qui permet de mener de front trois dimensions différentes : développer les personnages en confrontant un noyau restreint de personnages à des situations toujours nouvelles – participer au worldbuilding – en développant à chaque arc l’univers mis en place (Cowboy Bebop avec ses développement sur des thématiques musicales reste un modèle du genre) et également renouveler l’action pour éviter un phénomène de lassitude. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si ce procédé a été utilisé encore et encore dans les années 2005-2006, à toutes les sauces, et avec plus ou moins de succès (heureusement, ça s’est un peu calmé ces temps-ci).
Dans Tegami Bachi, on assiste donc pendant 25 épisodes, à la succession de petites « missions » de Lag en tant que postier. Il s’agira de le suivre pendant qu’il délivre une lettre, lettre en général au cœur d’une petite saynète entre personnages secondaires : une histoire d’amour impossible entre une diva et un introverti pathologique – beaucoup d’histoires d’amour d’ailleurs, un peu plus, et je me serais cru dans School Rumble – un couple à la Bonnie and Clyde, même un épisode émouvant jusqu’aux larmes (enfin, pour Lag, manifestement) sur l’esprit de Noël. C’est très niais, il y a toujours une petite morale à la fin qui montre que les bons sentiments triomphent de tout, et on découvre les tenants et les aboutissants de l’histoire dans les trois premières minutes de visionnage (comme l’a dit Emilie) tellement c’est cliché. On peut donc passer les 17 minutes restantes à se détacher du scénario pour apprécier pour eux-mêmes et dans toutes leurs splendeurs les crises de larmes de Lag.
Attention, Letter Bee en mission
Autopsie d’un échec
Le fond du problème, et de façon un peu plus conceptuelle, c’est que TB veut faire du slice of life sans s’en donner les moyens. Alors je sais que c’est un genre très très populaire actuellement – souvent parce que les scénaristes ne savent rien faire d’autre – mais ça n’excuse rien. L’intérêt du slice of life peut résider dans trois pôles : la dimension comique d’abord, la plus mise en avant dans les productions actuelles (typiquement du School Rumble-like), le développement des personnages (exemple : Seirei no Moribito, mais aussi la plupart des séries « sérieuses » de slice of life), et, troisièmement, le développement de l’univers, qui va souvent de pair avec le deuxième point.
Le léger hic, c’est que Tegami n’est pas une série comique – je reviendrai plus tard sur ses tentatives boiteuses de faire sourire – que l’univers est a priori sympa, mais clairement pas suffisamment pour résister à 25 épisodes d’approfondissement, et surtout, qu’elle n’a pas de personnages à la hauteur de ses ambitions. Franchement, qui a pu penser que les spectateurs éprouveraient un intérêt irrépressible à suivre les tribulations d’un personnage aussi stéréotypé qu’un crybaby comme Lag, accompagné de son chien de garde humain Niche ? En tant que tels, je n’ai rien de particulier contre les personnages (enfin, si, quoique, Lag me tape un peu sur le système), j’aurais pu avoir plaisir à les suivre dans un cadre résolument orienté action par exemple. Mais ici, faute de profondeur des protagonistes, les intrigues des petites missions doivent s’adapter en conséquence, et on se retrouve avec ces trésors de banalités que j’ai décrit. Surtout que, trahison ultime, les intrigues n’ont rien à voir avec l’univers mis en place. Elles pourraient se passer au fin fond du Montana, dans le Kanto, les colonies spatiales de Gundam ou l’Alliance Rebelle, ça n’y changerait rien : ils ont même réussi, au profit de petites morales généralistes (« l’amour est plus fort que tout » revient souvent, avec aussi le traditionnel « il ne faut pas mentir »), à escamoter complétement le seul point original qui était l’univers.
Un dernier mot encore : pour éviter de finir complétement en queue de poisson, les scénaristes ont essayé d’accélérer le rythme à la fin, d’une façon malheureusement totalement artificielle – je milite d’ailleurs pour faire figurer cette fin comme exemple du mot dans le dictionnaire de l’académie Française.
Coup de gueule
Encore une petite catastrophe. Et aussi un petit coup de gueule.
Comme toute série digne de ce nom, Tegami Bachi se doit d’avoir ses petits gimmicks humoristiques. Et parfois ça marche, tandis que d’autres sont plutôt… limites. Franchement, l’ecchi-like sur des protagonistes de respectivement douze ans et sept ans, c’est quelque peu douteux, vous ne trouvez pas ?
Remarques pas très signifiantes
Juste avant de conclure, j’aimerai mentionner deux choses parfaitement sans intérêt. La première est que « Letter Bee » est une très mauvaise traduction de Tegami Bachi, puisqu’il y a un jeu de mot assez évident en anglais avec « Let her be » (laisse/laissez là tranquille) – à tel point que j’ai cru que c’était fait exprès au début (avec l’histoire de niche et tout ça). Mais en fait non, en Japonais il n’y a manifestement pas de jeu de mots dans Tegami (lettre) Bachi (l’abeille). Or, comme le savent tous ceux qui se sont frottés au difficile exercice de la traduction, une traduction qui ajoute du sens – par un jeu de mots par exemple – est tout aussi mauvaise qu’une traduction qui en omet.
Deuxième remarque futile, la moyenne d’âge de la Poste est extrêmement basse, et ce pour des raisons malheureusement inconnues ? Natalité galopante et forte mortalité ? Jeunisme qui gangrène le marché de l’emploi ? Quoiqu’il en soit, les membres les plus aguerris, les plus matures, respectés comme des vieux sages ou des légendes vivantes peuvent envisager de frôler la barre fatidique des 18 ans (Gauche) ; les employés un peu moins expérimentés mais très aguerris tout de même–le gros des troupes –atteignent l’âge moyen de 14 ans (Zazie). A 12 ans, Lag est donc même un peu vieux pour être un newbie… Je sais que ça ne surprend personne dans la japanimation, mais je trouve qu’ils y sont allés un peu fort là, sur la réduction des âges des protagonistes.
En conlusion, Tegami Bachi est un anime qui m’avait beaucoup plu pendant les, mettons, quatre premiers épisodes. Graphiquement enchanteur, avec un background pas si mal, et des personnages pas franchement réjouissants, mais suffisamment sympathiques pour qu’on n’ait pas envie de les massacrer au bout de cinq minutes (Lag mis à part), Tegami Bachi me tenait sous son charme. Malheureusement, après 25 épisodes qui utilisent exactement la même recette sans en dévier d’un iota, j’ai beaucoup de mal à éviter l’indigestion. J’ai appris plus tard que Tegami Bachi a été conçu comme une OAV à la base. Ca expliquerait bien des choses, notamment les 23 épisodes de meublage. Pour finir sur une blague vaseuse, Tegami Bachi n’est vraiment pas une lettre que je recommande… Je sens que ça vous a achevé là.
Signé : Escabeau Warehouse (alias Sugawara. Eh ouais, moi aussi j’ai le droit d’avoir mon petit nom franglais qui veut rien dire, nah !)
11 commentaires
J'ai plutôt tendance à voir Letter Bee comme un gentil shonen livrant quelques petites leçons d'humanité pour jeunes adolescents que comme une série qui se prétend "tranche de vie". Elle ne revendique en tout cas rien de "Cowboy Bebop, Samurai Champloo, Darker than Black, GitS" et cie. Pour les questions avortées, celle qui concerne la mère de Lag resurgit autour de la quinzaine d'épisodes dans la saison 2, je ne peux pas encore dire dans quelle mesure. Et pas mal de personnages (re)font surface comme Jiggy Pepper même si je ne saisi pas vraiment son importance. (J'en suis à l'épisode 16 en ce moment).
Bref, un peu dure la critique et ça tombe assez mal car la seconde saison vient de s'achever et dans un sens, l'argument des "catastrophe du storytelling" risque de ne plus vraiment tenir pour certains. Mais j'avoue que j'ai hésité entre me tourner vers le manga ou voir cette seconde saison, connaissant les vices des types de chez Pierrot.
Cette série me plait malgré que je reconnaisse tous ses défauts. Entre ça, d'autres personnages mal utilisés et le fait de se concentrer sur Lag/Gauche plutôt que le fait qu'à la base Lag cherche sa mère, je ne trouve pas cette critique trop dure même si je défendrais toujours Lag! Seulement je ne peux m'empêcher d'être parfois déçue de voir comment les choses sont tournées et dans la première saison, y'a quand même pas mal de petites missions plus qu'inutiles ou qui aurait pu être traitées en un demi-épisode, pour nous permettre d'avancer plus vite dans la quête réelle, qui est d'ailleurs ce qui fait qu'on s'accroche à la série.
En tout cas j'adore Tegami Bacchi, mais je suis forcé de constaté que j'attendais avec impassience cet article que tu avais promis depuis un moment déjà... Et je n'en suis pas dessus, j'aime tout particulièrement le début avec beaucoup de remarque qui m'ont faites rires...
Après moi qui suis casse-couille de profession j'ose te dire que sur certain point il est un peu plus question de t'es goûts.
Car quand tu parles que plusieurs concepts sont lancés sans qu'il n'y ait forcement de développement par la suite, moi je prend ça plus pour un qualité qu'autre chose... On aura du mal à deviner la suite du scénarios par la suite, certaines choses peuvent réapparaître un peu à tout moment, c'est un peu un jeux entre le lecteur et l'auteur je trouve... (J’avoue aussi que c'est une arme de l'auteur, car jamais un manque d'idées se présentes... Y'a toujours ce dont on ne sais quoi faire pour faire plaisir aux lecteurs... XD)
En tout cas bien que tu démontes cette séries (tout en montrant les bons cotés) je suis globalement content de t'avoir lu, c'est un très bel article! ^^
@ Le crépusculaire: c'est très probable en effet que le manga soit mieux (même si je l'ai pas lu), parce que une bonne partie au moins des défauts de tegami bachi sont liés à des éléments typiques de la mise en scène. Et merci à toi !
@ Tous: En tous cas, content d'avoir publié mon premier article -avec un petit retard qui se chiffre en mois, mais ce n'est pas grand chose n'est-ce pas (et merci à celui/celle qui a choisi la photo de présentation d'ailleurs, très jolie -jolie parce que violette , et vous devez savoir combien j'aime cette couleur...).
Je pense pas que Tegami Bachi soit un anime qui mérite le bûcher non plus, mais il faut vraiment avoir le temps, l'esprit naturellement très bienveillant, et avoir passé une excellente journée pour pouvoir le regarder sans s'étrangler d'effarement -ou alors, être une irréductible fangirl, comme émilie, mais ça c'est pas donné à tout le monde non plus^^
Lorsque j'ai vu la 1er épisode, je trouvais l'ambiance, le monde très intéressant avec de très bonnes possibilités de scénario, mais j'ai vite déchanté. En gros l'univers, malheureusement, n'a pas été bien exploité... Je m'attendais à découvrir tous les secrets d'Amberground, tout le développement du thème des couches sociales avec les 3 types de quartiers etcc... Allez je vais quand même me forcer à regarder la deuxième saison...CourAGE!
Coucou !
Ton article est très bien construit et ordonné comme il faut. Pour ma part, j'adore Tegami Bachi et je dois malheureusement admettre que, question mise en scène, tu as parfaitement raison. Il y a beaucoup trop de répétitions dans les épisodes et il a déploré le manque d'avancée dans l'ensemble de l'anime. Et pourtant ! Ce n'est pas sans compter le beau pourcentage de moyens que confère ce petit bijou qu'est TB, à mon humble avis.
Si ce n'est les personnages que je trouve tout simplement kawaii (bah oui, je suis une fille U.U) et le graphisme magnifique (je ne m'en lasserai pas ><), je trouve que les thèmes de TB sont un grand brassage de concepts philosophiques XD. Bon, je ne sais pas vraiment si je m'invente des trucs, si j'exagère parce que Tegami bachi est l'une de mes chouchous... Je m'explique.
Il y a d'abord ce Soleil artificiel, ce gros scandale superbement bien trouvé de la part du mangaka. Je pense que ce Soleil symbolise la connaissance à l'état pur. Il est tout haut dans le ciel et fait miroiter les hommes dans leur désir de s'y rapprocher. Gros problème n°1: le Soleil est gardé par les plus riches donc la connaissance qu'il représente n'est donné qu' à ceux-là (comme dans le temps avec le clergé et la noblesse, quoi !). De là, on trouve une lutte des classes et une inégalité sociale avec le problème de la privatisation (les Tegami Bachi ne livrent qu'à ceux qui ont de l'argent pour les employer (tiens, on croirait presque les problèmes avec la Poste en ce moment)) et des privilèges (le Soleil artificiel qui n'éclaire que la capitale). Gros problème n°2: les plus riches jouent à l'apprenti-sorcier avec le Soleil en se faisant passer pour Dieu pour créer l'âme parfaite. Comme ce sont de gros imbéciles, ils brûlent l'âme de ceux qui jouent les cobayes. En quelque sorte, on en vient alors au mythe d'Icare où l'Homme qui s'approche trop de la connaissance chutera ou en tout cas en deviendra malheureux (comme dit le proverbe "Heureux, le simple d'esprit"). Dans Tegami Bachi puisqu'il est essentiellement question des sentiments et des émotions, ces hommes perdent leur véritable âme. D'ailleurs pour en venir aux émotions, le concept est bien trouvé puisqu'elles sont le propre de l'homme et on trouve cette frénésie dévorante de s'en gaver chez les gaichuu comme s'ils veulent eux-même devenir humain.
Enfin, il y a des thèmes récurrents que l'on retrouve dans d'autres shonen comme le problème de la justice: Ce que je fais est-ce juste ? Pourtant, je fais ce que le gouvernement, la loi me demande ? Donc, est-ce que le gouvernement a instauré une injustice légale ? Dois-je continuer en ce sens ?
Je pense qu'il peut encore y avoir d'autres thèmes dans Tegami bachi, enfin si je ne me monte pas le bourrichon trop loin. En tout cas, c'est pour tout ces thèmes que j'adore Tegami bacho
Bon, avec tout ça, je vais me regarder des petits anime. XD
Bon courage à ceux qui liront mon pavé et désolé si ce n'est peut-être pas très claire.
Mon opinion rejoint le tiens, un univers intéressant au début qui n'est par la suite que trop peu exploité, et un protagoniste insupportable (entre autre)...
Très bonne critique en tout cas, pleine d'humour et de légèreté ! (Je viens de vérifier la date, oui je suis un peu en retard...)
Donc je ne peux pas comparer. Mais je pense que la "version papier" est moins lente et niaise.
Mais j'avais plus l'impression dans le manga que l'histoire tournait sur la retrouvaille avec Gauche (vu que Lag le cherche partout en trouvant des "indices" et en accomplissant des quêtes annexes juste pour donner un peu d'action) plus que le fait de retrouver sa mère, est-ce que ça serait moins marqué dans l'anime?..
Et puis c'est vrai qu'il y a toute une philisophie sur l'inégalité des classes sociales un peu comme de la politique et c'est vrai qu'en y repensant j'hésitais un peu dans quel côté me mettre, mais vu que ce que sont majoritairement les shônen (pas comme une catégorie je rappelle, si je ne veux pas me faire tuer... XD), on se mettra automatiquement du côté de Lag, le crybaby par excellence...
Et btw, oui, Lag est juste insupportable !! XD