Ce film m’avait coupé le souffle en mai 2007, au moment de sa discrète sortie cinéma près de chez moi. Cette fois j’ai redécouvert Amer Béton en DVD, ce qui m’a incité à rédiger une petite critique. Le choc n’a pas été aussi puissant mais les immenses qualités de ce long-métrage m’ont de nouveau sauté aux yeux.
D’abord, c’est beau. Furieusement beau. Treasure Town flatte immanquablement la rétine avec ses façades chamarrées, ses monuments piochant allègrement dans diverses cultures étrangères, son trafic ininterrompu… Et tout fourmille de détails souvent très inventifs visuellement. La séquence de survol du quartier au début du film est fabuleuse. Chose amusante : ce mariage de couleurs criardes contraste complètement avec la noirceur intérieure de la ville, véritable nid de yakuzas et de bandes organisées. Seul le chara-design osé peut décevoir, mais personnellement j’ai beaucoup aimé son côté caricatural très original. Presque à la fin du film, la délirante scène du cauchemar de Kuro est un vrai petit chef-d’œuvre à elle toute seule et un sommet de glauquitude.
Je pense aussi qu’il faut souligner la grande qualité de la bande-son, réalisée par le duo anglais Plaid. Une électro instrumentale planante et poétique, voilà exactement ce qu’il fallait pour habiller convenablement la très belle histoire contée dans Amer Béton. Le doublage des différents personnages est lui aussi de grande classe, je pense notamment à l’attachant Shiro, complètement lunaire et insaisissable. Le destin et les rêves des deux orphelins m’ont aussi beaucoup touché. Quant aux bad-guys, ils sont peut-être un peu trop archétypaux (je ne parle même pas des trois ridicules colosses à la botte du Serpent) mais la personnalité des deux autres principaux yakuzas – le vieux maître nostalgique et son jeune élève tiraillé entre sa fidélité et la sécurité de sa famille – est exploitée avec un certain talent.
Le scénario est assez simple : un vieux quartier menacé par la construction d’un parc d’attraction géant (!) mais il n’est qu’un prétexte pour opposer un flot de personnages aux motivations diverses : Kuro / Shiro, les yakuzas, le Serpent, les flics, etc. La narration est efficace, alternant d’impressionnantes scènes d’action (plein de courses-poursuites au programme) avec des moments d’une rare poésie. Je le répète : une réalisation exemplaire et un design très inventif couronnent le tout et font de ce film une petite perle à mettre entre toutes les mains.