Bartender peut être considéré comme un OVNI dans le monde de la Japanimation. En effet, alors que la plupart des animes mettent régulièrement en scène des personnages ne buvant que dans le seul but de finir ivre (tout le monde se souvient de Misato dans Evangelion) ou pour discuter au sujet d’une situation particulière autour d’un verre, aucun des animes que j’ai pu voir jusqu’à présent n’avait mis le bar et les barmen au centre même du scénario, plutôt que de les reléguer au second rôle.
Ici, tout est pris à l’envers de ce qui est fait habituellement : les différents épisodes se concentrent uniquement sur les alcools et cocktails, en utilisant les différents clients et leurs histoire pour faciliter la mise en scène, mais en les maintenant tout de même à la périphérie de l’histoire.
Pour une fois, ce sont les barmen (et plus précisément le jeune tenancier de l’Eden Hall) qui sont au centre de l’attention du spectateur et font profiter aussi bien celui-ci que leur clientèle de leur talent et de leur art. Peu à peu, celle-ci commence cependant à s’immiscer dans leur entourage et commence à percer avec lui les mystères et secret des différents mélange confectionnés avec douceur et délicatesse. Ainsi, alors que le premier épisode commence avec le jeune homme seul et isolé, plus on avance dans l’anime, plus ses précédents clients (aux origines sociales variées) se font présents et osent donner leur point de vue sur les situations des nouvelles personnalités qui se présentent, toujours guidés par celui-ci, tel un chef d’orchestre dont les musiciens se font de plus en plus nombreux et aptes à jouer la partition qui leur est donnée.
Mais bien entendu, malgré « l’intrusion » de ces personnages dans l’univers feutré de l’alcool et des spiritueux, une limite infranchissable se dresse entre eux et le serveur. Naturellement, elle est d’abord matérialisée par l’imposant comptoir qui ne laisse apparaître que le haut de celui-ci, avec en fond un nombre conséquent de bouteilles aux origines variées. Mais ce n’est pas là que se trouve la différence entre le professionnel et l’amateur éclairé. Elle se situe plutôt sur l’histoire de chacun : curieusement, alors que Ryû reste le personnage central, on sait finalement peu de choses sur lui (son passé, ses aspirations, ses amours…), et sa clientèle est méticuleusement décortiquée et présentée à chaque nouvel épisode. Cela donne un caractère encore plus isolé et intouchable au jeune homme, tout en le confortant dans son rôle de barman. Comme il le rappelle régulièrement, son statut lui interdit de se mettre en avant pour ne se concentrer que sur les seuls clients, et la seule chose qu’il doit chercher à obtenir d’eux est la satisfaction de boire un verre correctement (mais le terme est ici trop faible) préparé.
Graphiquement, on est loin d’atteindre le niveau d’excellence d’autres animes, et cela se constate aussi dans l’animation et le doublage parfois mal synchronisé. Mais ce détail s’oublie très rapidement car l’essentiel est de recréer l’ambiance tamisée et chaleureuse d’un vrai bar de grand standing (pas le PMU du coin qui se limite à servir des bières avec des poivrots accoudés au comptoir et un serveur pas toujours aimable) mais néanmoins accessible par tous. De ce point de vue, c’est une franche réussite et pour peu qu’on visionne la série dans l’obscurité, on a rapidement l’illusion qu’en tendant simplement la main, on pourrait aisément saisir le verre contenant le cocktail préparé par le jeune maître. Le même constat est fait quant à l’ambiance sonore, qui bien que s’adaptant aux différentes situations se présentant avec les clients reste dans une gamme toujours très détendue mais envoûtante.
En conclusion, Bartender est un anime d’excellente facture, plus sur le fond que la forme. Son grand intérêt (et même son seul intérêt) est finalement de reproduire avec une grande précision et une forte intensité l’ambiance feutrée et intemporelle d’un bar, dans laquelle on peut échapper un instant au monde extérieur et à ses ennuis. Pour cela, un peu à la manière d’un cocktail, on mélange les différents éléments étudiés précédemment. Pris individuellement, ceux-ci peuvent paraître anodins voire repoussants, mais une fois mélangés, ils créent un goût unique qui éveillent les sens le temps d’une illusion. Regarder un épisode en soirée, c’est comme prendre un bon verre d’alcool après une journée difficile : ça repose et ça fait le plus grand bien, sans nécessairement finir ivre mort.