Black Rock Shooter TV : Confessions intimes
Suscitant aussi bien l’enthousiasme des uns que la perplexité des autres, Black Rock Shooter fait les beaux jours de l’otakusphère depuis deux bonnes années. Cette franchise inaugure en effet un modèle nouveau : ce ne sont plus les studios d’animation, les producteurs et éditeurs qui font le buzz avec leurs créations ; ce sont les otakus eux-mêmes qui se constituent en fanbase autour d’une icône, que les studios n’ont plus qu’à docilement exploiter. Cette icône, c’est Black Rock Shooter, au départ une simple illustration, puis une chanson, puis des mangas, puis un OAV, puis enfin une série télé. La licence a-t-elle pris le temps de mûrir pour proposer un divertissement viable, ou reste-t-on dans du produit mercantile pour fanboy ? Verdict.
Chara-design
Ce n’est pas sur ce point que l’on prendra BRS TV à défaut. Le dessinateur Huke n’a plus rien à prouver, son style est maintenant reconnaissable je ne relève aucune faute de goût. Toutefois, et on aura l’occasion d’y revenir, le cell-shading à outrance ne rend pas justice à son travail. 7/10
Décors
Tout comme dans l’OAV, le contraste entre le monde réel et le monde parallèle est bien rendu et le studio s’est lâché pour produire des environnements originaux et variés. Cela dit, j’avais beaucoup apprécié les décors de l’OAV qui utilisaient des tons sombres et qui maintenaient une certaine unité. Ici, c’est le bordel… Un détail me direz-vous. 7/10
Animation
On arrive au cœur du sujet. Il faut d’abord savoir que la campagne marketing de BRS TV a fait valoir que le metteur en scène des combats n’est autre que Hiroyuki Imaishi. Oui, vous avez bien lu, le réalisateur des excellents Gurren Lagann et Panty & Stocking. Et là encore le transfuge de Gainax a eu carte blanche et nous fournit des combats démentiels en terme de dynamisme. Malheureusement, le studio Ordet a fait le choix stupide de tout miser sur la 3D pour les combats et les décors. Je suis par principe réfractaire à l’usage de 3D en japanime, car je trouve que ça tue ce qui fait la spécificité et l’intérêt de l’animation japonaise. Il faut avouer que ce n’est pas aussi mal intégré que dans certains autres animes actuels (suivez mon regard), mais ça laisse un goût désagréable dans la bouche. M. Imaishi, vous me décevez. 7/10
Musique et doublage
Kana Hanazawa reprend le rôle de Mato / Black Rock Shooter et livre une performance très correcte, à l’image du reste du casting. Niveau musical, je serais plus dur, car j’ai systématiquement passé les génériques et la BGM ne m’a pas du tout touché. Question de goût. 5/10
Univers
L’OAV s’était fait pourrir par la critique à cause de son background superficiel. Pour ma part, je préfère un background mince pour une histoire efficace que l’inverse. Cela dit, dans le cadre d’une série de huit épisodes, on était en droit d’attendre quelque chose de plus fourni. C’est effectivement le cas, mais je me suis vite rendu compte que j’en avais pas grand-chose à foutre ; la franchise BRS repose uniquement sur ses personnages. 5/10
Histoire
Vous vous souvenez de Mari Okada ? Celle qui a fait semblant d’écrire le script de Fractale, Gosick et compagnie ? Vous serez sans doute heureux de la retrouver dans BRS TV. Nan, je rigole ! Le scénario de BRS TV est potable dans les trois premiers épisodes, mais dès qu’il s’agit de raconter autre chose que ce que l’OAV avait déjà esquissé, l’ensemble se casse la gueule. Pour commencer, les crêpages de chignons entre collégiennes, c’est pas spécialement mon centre d’intérêt en japanime ; mais dans BRS TV, c’est traité de manière si grandiloquente et avec tellement de pathos que l’on en a vite mal au ventre.
C’est à mon sens le principal problème de cette série : c’est trop serious buisness. Enfin, on parle de meufs en slip qui se battent avec des mitraillettes ! Pourquoi y rajouter de la psychologie de bazar et des dialogues digne du skyblog d’une adolescente dépressive ? 4/10
Mise en scène
L’autre point qui avait fait débat concernant l’OAV, c’était sa narration non-linéaire. La série corrige ce problème (en était-ce vraiment un d’ailleurs ?), et fait de meilleures transitions entre les scènes de tranche de vie et les combats. Cela dit, là où les premiers épisodes m’ont paru très correctement exécutés, les derniers s’en sortent beaucoup moins bien et parler de désordre est un doux euphémisme. Pour le reste, les scènes de combats font l’effort de rester lisibles malgré la surenchère d’effets spéciaux. On regrettera par contre le fait que les personnages racontent leur vie durant les affrontements, notamment vers la fin. 6/10
Personnages
Hormis la protagoniste Mato qui reste fidèle à son rôle (de tête à claques), les personnages sont trop changeants pour être pleinement crédibles. Je prends à témoin Yomi qui change de personnalité deux, trois, quatre fois au cours de la série. Au bout d’un moment on perd le fil et on ne sait plus vraiment pourquoi tel personne agit de telle façon. Les pétages de plombs à répétition n’en deviennent que plus outranciers. Hé ! Les filles ! Vous connaissez cet organe qui se trouve en bas du nez et en haut du menton ? Ça s’appelle une bouche ! Ça sert à communiquer avec les gens ! Sérieux, si les personnages se parlaient au lieu de se braquer, le scénario aurait duré deux épisodes. 4/10
Casting / production
J’en ai glissé un mot plus haut ; une bonne partie de l’attrait de BRS TV vient de la communication autour du nom de Hiroyuki Imaishi. Mais il est évident que le talent du bonhomme a été utilisé à contre-emploi : Gurren Lagann et P&S sont des animes plein de panache et d’autodérision, ce que n’est pas du tout BRS. Je passe sur la contradiction de voir un tel anime otaku-centré dans la case NoitaminA, a priori conçue pour promouvoir des animes plus grand public. 5/10
Originalité et intérêt
Black Rock Shooter n’apporte pas grand-chose à l’histoire de l’animation japonaise. Le phénomène est intéressant à commenter, mais le produit en lui-même est extrêmement superficiel. Black Rock Shooter se situe finalement entre deux eaux, avec des fanboys à contenter - c’est pas pour rien que l’opening est la chanson originale de Vocaloid - et un nouveau public à conquérir. Sauf que celui-là a déjà vu mieux dans ce registre il n’y a pas si longtemps (Madoka, par exemple), et se laissera difficilement convaincre. Surtout s’il a déjà tenté l’OAV sorti deux ans auparavant. 4/10
Un rapide calcul digne des équations les plus complexes nous donne un résultat de 5,4/10. C’est donc moins bon que l’OAV. La raison vient du fait que l’effet de surprise ne joue plus, mais surtout que le fait de transposer BRS à la télévision met en exergue les limites de cette franchise. Espérons donc que les studios ne persisteront pas avec ce produit et passent à autre chose. Rapidement.
Les plus
- les trois premiers épisodes
- chara-design et direction artistique recherchés
- le style Imaishi
Les moins
- Pourquoi de la 3D ?
- Dialogues invasifs et intolérablement niais
- Les réactions idiotes des personnages
- Quelqu'un a compris la fin ?