« L’observation ne consiste pas seulement à regarder, mais à regarder attentivement. Elle ne consiste pas seulement à écouter, mais à écouter attentivement. Parce que sinon, on est morts. »
– Diamond is Unbreakable, épisode 23
Que se passerait-il si les habitants de votre quartier ou de votre village, les gens que vous croisez tous les jours en allant au travail ou à l’école, si tous ces gens auxquels vous ne prêtez aucune attention mais que vous côtoyez quotidiennement, étaient soudainement dotés de superpouvoirs capables de ruiner votre existence et celle de vos proches ? Et que se passerait-il si vous-même étiez du jour au lendemain pourvu d’un tel pouvoir ? L’utiliseriez-vous pour le faire le bien, ou pour répandre le chaos ?
Ces questions forment la base du manga Diamond is Unbreakable de Hirohiko Araki, qu’il a écrit il y a presque vingt-cinq ans dans les colonnes du magazine Weekly Shônen Jump, et qui a aujourd’hui droit à une adaptation animée par le studio David Production. Mieux vaut tard que jamais, surtout lorsque l’on a affaire à un des meilleurs shônen de tous les temps.
Diamond is Unbreakable se déroule en 1999 dans la ville portuaire de Morioh, une localité fictive quoique inspirée de la ville natale de Araki dans la préfecture de Sendai à l’est du Japon. C’est là que vit Josuke Higashikata, qui cache un secret sous son air de lycéen à la coiffure ringarde ; il possède un pouvoir appelé Stand, qui l’accompagne depuis sa naissance. Il va faire la rencontre de Jotaro Kujo, un membre de sa famille qui possède un pouvoir similaire et lui apprend qu’il en existe d’autres comme lui à travers le monde. Au même moment, une série d’évènements étranges vient troubler la quiétude de Morioh ; des utilisateurs de Stands apparaissent les uns après les autres dans la ville, dotés de pouvoirs de plus en plus dangereux et farfelus. Pour Josuke et ses amis, le quotidien devient une aventure complètement dingue…
La grande qualité de Diamond is Unbreakable, qui le place à part du reste des séries du genre c’est d’avoir mis de côté l’aspect épique du récit pour recentrer l’action et les enjeux à un niveau local, voire individuel. Les héros ne se battent pas pour sauver le monde ou autre connerie, ils se battent pour sauver leur cul : le moindre type qu’ils croisent dans la rue en allant chercher le pain peut se révéler être doté d’un superpouvoir capable de les réduire en poussière et qu’ils ne peuvent vaincre qu’avec leurs propres pouvoirs. Le récit marche sur le principe que tout peut arriver à Morioh, qu’il s’agisse d’une invasion de rats mutants, de rencontrer des fantômes photographes, de jouer aux dés avec des extraterrestres ou de lutter contre la volonté possessive d’un pylône électrique (???).
Mais le plus génial, c’est que Araki ne s’est pas contenté de jeter n’importe quoi dans son histoire et de voir si ça marche ; chaque rencontre entre Stands est l’occasion d’un combat qui se déroule d’abord dans la tête avant de se régler avec les muscles. Certains Stands sont tellement farfelus, tellement excentriques que les combats deviennent des espèces de joutes verbales où les belligérants doivent trouver la faille de leur adversaire avant d’être eux-mêmes vaincus, le tout avec force tension et retournements de situations qui rendent excitantes et hilarantes les moindres situations, y compris jouer à pierre-feuille-ciseaux dans la rue ou déguster un plat de pâtes à la sauce puttanesca.
Au-delà de cet amoncellement ininterrompu de surprises, la série dessine une vraie histoire autour d’un antagoniste qui se révèle peu à peu. Alfred Hitchcock disait qu’une bonne histoire était d’abord constituée par un bon méchant, et à ce titre Araki a tapé dans le mille. Yoshikage Kira est un tueur en série qui sévit à Morioh depuis longtemps qui profite de son Stand pour pousser le crime toujours plus loin. Loin d’être un psychopathe fou et exubérant comme les aiment les dessins animés japonais, Kira est un manipulateur remarquablement doué et intelligent, dont le processus mental et les méthodes sont dûment exposées par la série ; ce qui lui donne une épaisseur et un charisme qui culminent jusqu’à un arc final dingue qui vous laissera bouche bée devant votre écran jusqu’à la dernière minute.
Alors bien sûr tout n’est pas parfait, d’autant que l’adaptation respecte à la lettre le manga sans y apporter la moindre correction même vingt-cinq ans après. Araki a écrit son récit à une époque où le public était moins exigeant sur la cohérence des shônens, ce qui explique que des personnages soient délaissés voire oubliés en cours de route alors que leurs pouvoirs devraient les rendre craqués, où que certaines sous-intrigues soient laissées sans résolution. Il y a clairement une part d’improvisation à certains moments (genre la partie de dés avec les extraterrestres, c’est juste pas possible de penser à un truc pareil) mais l’exécution est si brillante, Araki pourrait raconter n’importe quoi que ça marcherait parfaitement.
L’autre truc qui marche parfaitement c’est la réalisation de David production, qui propose une direction artistique somptueuse, colorée, stylisée à l’extrême, qui rend justice à la créativité de M. Araki et à ses designs si particuliers. Même si l’animation n’est pas constamment au meilleur niveau possible (et elle l’est cependant souvent), le bilan technique est excellent de constance et d’inventivité, au point de placer Diamond is Unbreakable parmi les meilleures directions artistiques de ces dernières années sans aucun problème. Et je ne parle pas des doublages hilarants et de la musique qui va vous rester dans la tête un bon moment (le premier opening putain, j’en peux plus).
Que dire d’autre au sujet de Diamond is Unbreakable si ce n’est qu’il s’agit de la meilleure série de shônen à avoir été diffusée depuis la fin de Hunter x Hunter ? C’est proprement incroyable qu’un manga vieux de vingt-cinq ans soit encore aujourd’hui un des trucs les plus inventifs, créatifs et surprenants du genre, et il d’autant plus rare qu’un studio se soit cassé à ce point le cul au niveau de la direction artistique et de la mise en scène pour fournir un produit complètement indispensable. Une véritable pépite, ou plutôt devrais-je dire, un Diamant Fou.