Fractale c'est de ces animés qui tirent sur la corde de la patience et du bon sens, épisode après épisode. Quand tu penses que c'est fini y'en a encore, et le encore en question c'est caca. Je sais c'est la grande classe, et après l'humour pipi caca je commencerai à lâcher de grandes tirades cyniques et saturées en hyperboles... J'y peut rien, c'est juste que Fractale est un cas d'école.
le système Fractale, "un dieu crée par l'homme" a à bien des égards poussé la société vers l'avant. Plus de famine , de guerre, ou de chômage, seulement des gens qui se prélassent au soleil à longueur de journée. Viens se greffer à ce monde une interface de réalité augmentée, qui rend possible création d' avatars et autres fantaisies qui sont accessibles à tous ceux possédant un implant, ce dernier les reliant au système Fractale. Le tout est supervisé par un ordre religieux pacifiste, et tout va bien dans le meilleur des mondes. Sauf que non, puisque Lost Millenium, un groupe de résistants armés, rejette fermement ce système et ce qu'il apporte, à savoir le contrôle des masses et la mort de l’interaction sociale. On suit alors le parcours du jeune Clain, un garçon un peu paumé, qui ne sait pas trop que penser du monde, et puis vous vous en doutez, il tombe sur les rebelles et là , Eureka (7) .
Bon, commençons par le gros morceau.
Une des tares majeures de Fractale est la gestion du conflit. On sent une constante volonté de ne pas sombrer dans le manichéisme primaire, qui se solde la plupart du temps par un échec. Les trois auteurs aux commandes donnent l'impression d'être dépassés par leur propos, et d'avoir crée un système qu'il sont dans l'incapacité de critiquer, ils ont alors recours à des pirouettes. Les failles du système fractale sont au mieux téléphonées et artificielles, au pire insultantes pour l'intelligence du spectateur. L'animé tombe souvent dans la caricature, à l'image du prêtre pédophile, qui est une tentative assez triste de discréditer le fonctionnement du système, quand bien même la relation de cause à effet est quasi inexistante. Il est assez clair que l'animé prend position, il le fait de manière détournée, et ne se donne jamais réellement les moyens de fournir un argument viable. Au lieu de critiquer en profondeur le système dans sa forme, Fractale se contente de greffer au scénario une sous intrigue sans intérêt, paresseuse et putassière, qui permet au spectateur de remettre moralement en question le dit système sur des bases fallacieuses qui n'ont rien à avoir avec la nature du système en lui même , et ce sans avoir à se mouiller intellectuellement, ou bien idéologiquement parlant. Par définition, l'auteur est le seul a connaitre les limites de son propre univers, et il peut s'il le veut, tout créer et jouer de son de son statut pour justifier l'injustifiable.
Le traitement des rebelles est similaire, leurs actions plus que répréhensibles étant "légitimées" par d'interminables excursions dans leur intimité et leur vie en communauté, et donc un pur vide en terme d'argumentation. Le réel enjeu du conflit est à peine esquissé, puis qu' apparemment tout ce qu'il faut pour s'assurer de la bonne foi d'un type armé d'un fusil, c'est de savoir qu'il mange en famille le soir. Ces derniers ont clairement la plume de l'auteur de leurs coté, donc adieu tout semblant d'impartialité, et toute volonté de faire réfléchir. Les héros de notre animé seront ces guignols assoiffés de guerre, à la prétention sans bornes, qui savent mieux que tout le monde ce qu'un "véritable être humain" doit être. La volonté de l'animé étant très clairement de faire adhérer le spectateur à la cause rebelle, toute la démarche pseudo subversive derriere la prétendue lutte d'opinion s'effondre lamentablement. Quand on ne sait pas écrire une opposition crédible entre deux idéologies , autant assumer et balancer la recette bateau et manichéenne de l’opprimé qui prend les armes contre un systéme despotique à l'extreme , à défaut de faire dans l'originalité, au moins ça encouragera l'empathie.
On subit tout au long de Fractale, un discours critique envers la société moderne, qui revendique haut et forts les bonnes vieilles valeurs, le temps jadis ou les relations sociales avaient un sens, ou tout ne se faisait pas par avatar interposés. Intéressant, encore faut il présenter d'autres arguments que "bah c'est purement subjectif, mais je veux que tout le monde fasse pareil que moi". Il y'a bien ici et là, quelques saillies visant à équilibrer le propos, malheureusement presque toutes sont sans conséquences.
Scénario pour les nuls: Soit t'écris une histoire ou tu prends pas parti, et si tu veux prendre parti et convaincre ton public, essaye au moins de faire en sorte que ce soit un peu crédible, et que tes arguments contre tout un systéme aillent plus loin que : Je veux cultiver mes tomates tout seul/ce prêtre aime la compagnie des jeunes enfants/ je vais renverser un système en place depuis 1000 ans sans alternative viable en tête, provoquer un chaos généralisé et après on verra. Faut aussi éviter de dire que les méchants font des lavages de cerveaux pour tenir le peuple en laisse, et déclarer l'épisode d’après qu'ils laissent les rebelles armés filer comme des papillons et libres comme l'air par ce que tuer c'est mal...faites en un jeu à boire.
Rien de mieux pour porter un scénario bancal, que toute une tripotée de protagonistes aussi vides qu'insupportables. Clain, le personnage principal, souffre probablement de démence. Il change d'avis sans raison particulière, il se met à récurer les chiottes des rebelles 10 minutes après la avoir traités de meurtriers, avant de les traiter de nouveau de meurtriers, pour enfin finir par prendre un fusil et essayer de tirer sur des vieilles dames. Sunda, le leader de la faction rebelle Granitz. Un héros qui veut voir l'église brûler , et qui n'hésite pas à diverses reprises à tirer sur des vieilles dames, par ce que révolution contre le systéme, et qui est basiquement un kamina vache maigres, avec du sang d'adhérant NRA. Phyrne est le love interest du héros, elle a une fâcheuse tendance à courir dans tous les sens, et sa personnalité se résume à un cheveux sur la langue. Enfin, Nessa est la loli millénaire qui passe son temps à rire sans raison et échoue lamentablement à être adorable. Une belle bande de vainqueurs. On ajoute à cela des interactions artificielles au possible et une fâcheuse tendance à enchaîner les scènes inutiles qui n'apportent absolument rien aux personnages , et on obtient des bouts de plexiglas qui essayent de nous faire croire sur 11 épisodes qu'ils ont des émotions.
"Emotions" qui est un mot clé dans le cas de Fractale. On a une constante impression de regarder un ersatz de film Ghibli, une succession de scènes qui se pensent "magiques et hors du temps", parce qu’une tripotée de personnages se mettent à danser sans raison. J'ai beaucoup de mal à y voir une quelconque spontanéité, tant l'impact émotionnel fut inexistant sur moi , trop occupé à insulter les personnages et assimiler la quantité bien trop importantes de données que l'animé me jetait constamment au visage. Fractale réussit à trouver un certain équilibre lorsqu’il s'émancipe du fil rouge, et qu'il se focalise sur une seule histoire à la fois. C'est dans ces épisodes indépendants qu'on se surprend à réfléchir, c'est le juste milieu qui aurait put donner une crédibilité à l'animé, on y trouve même un début de personnalité ( je pense notamment à l'épisode de l’antenne radio, ou encore celui de Xanadu).
Le dernier point que je voulais aborder est celui de la présentation visuelle et sonore. J’adhère pas forcément au character design, qui a des airs de rotoscopie par moments, mais je dois avouer que c'est globalement bien maîtrisé. Les scènes d'actions sont étonnement dynamiques et bien animées , et la toile de fond est toujours très jolie. Un soin tout particulier a été apporté aux décors, et même la 3d est pas dégueulasse à regarder. L'ost est plutôt bonne, elle m'a un peu rappelé celle de Last Exile par moments, et il y'a deux trois pistes que j'ai l'intention de revisiter. Il y'a bien une rupture de ton de temps en temps ( Xanadu, encore lui) , mais cela permet au moins à l'animé d'experimenter, et de trouver un semblant d'originalité dans le pot pourri d'influences qui le composent.
Fractale est une déception, une déception en seulement 11 épisodes, mais que j'ai quand même eu du mal à finir. On est pris en otage par le scénario, contraints de suivre des protagonistes inintéressants au possible, et au combat risible , tant les enjeux et le raisonnement autour sont peu crédibles, et parfois à la limite du compréhensible. Le systéme Fractale reste une esquisse dont on ignore beaucoup trop de choses, et l'animé échoue à en dresser un portrait concret. Diabolisant le systéme en place sans ne jamais proposer d'alternative viable, tout en essayant de se poser comme un récit impartial, Fractale base ses enjeux et la lutte de ses personnages sur un propos intimiste et biaisé, saupoudré d'un semblant de discernement pour pas passer pour un vieux con. Jamais le spectateur n'est invité à réfléchir, il est là pour observer et subir pendant que les personnages échouent à le faire adhérer à leur cause.
Allez plutôt regarder Psycho pass.