Critique de l'anime Genji Monogatari Sennenki

» par Sanetomo69 le
20 Novembre 2013
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Reflet sublimé.

C’était inéluctable. L’animation japonaise ne pouvait se permettre de faire plus longtemps l’impasse sur le chef-d’œuvre de Dame Murasaki. Une nouvelle adaptation s’imposait. C’était une nécessité impérieuse, la même qui a conduit les artistes occidentaux à se colleter avec les poèmes homériques, pour les remodeler au gré de leur inspiration et du style de leur époque .

Comment, dès lors, expliquer un tel un excès de scrupules sinon par la crainte du sacrilège ? Les créateurs de Genji Monogatari Sennenki ont finalement surmonté cette appréhension et, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils n’ont pas à rougir : leur version est impeccable, à la hauteur du challenge.

Le roman :

Il est difficile d’aborder l’anime sans préalablement évoquer le modèle. Le Dit du Genji est considéré comme le premier roman psychologique de l’histoire de l’humanité. Composé au XIème siècle, il est d’un abord difficile : l’univers quasi autiste de la cour de Heian, hallucinée de protocole et de poésie, ivre de grades et de titres, peut stimuler l’imagination… comme la rebuter.

Mais l’intrigue jette aussi un pont avec la modernité : imaginez ce que donnerait aujourd’hui le tableau d’une fine équipe de machos, affairés, à l’heure de l’apéro, à deviser plus ou moins subtilement sur la complexité des relations entre hommes et femmes. L’alcool aidant, on passe en revue les attraits et les ennuis que peuvent respectivement apporter la femme de lettres, la femme de caractère, l’amante jalouse ou la jeune pousse encore malléable, que l’on pourra façonner à l’image de ses attentes… Le tout en présence du playboy du quartier qui se met illico en devoir de confronter la théorie à la pratique… Le cadre change, les mots diffèrent ; les comportements sont infiniment plus raffinés qu’ils ne le seraient de nos jours. Il reste qu’à ce titre, le chant 2 ne nous est pas totalement hermétique…

Le Genji est un fils de l’empereur qui ne peut prétendre à la succession. Doté de toutes les grâces, adulé par la Cour, il multiplie les aventures galantes. Mais le séducteur cèle une blessure que rien, pas même la ronde des plaisirs, ne parvient à cicatriser : la seule femme dont il soit profondément amoureux lui est interdite.

La boîte à outils :

Genji Monogatari Sennenki s’en tient à cette période de la vie du Prince, laissant de côté la seconde moitié du roman, consacrée à sa maturation politique. Ce Genji, revu par la sensibilité du XXIème siècle est plus romantique, parce que moins frivole, moins scandaleux, que celui du roman. Dès le premier épisode, son comportement compulsif est excusé par cette douleur d’un amour impossible.

Certains aspects spécifiques de l’univers de Heian sont préservés dans l’anime et peuvent déconcerter. Pas une seule fois, le nom des personnages ne sera prononcé. Les hommes seront désignés par leurs titres, lesquels peuvent varier au gré des promotions. Quant aux femmes, on les distinguera en fonction du lieu de leur résidence (la Dame du Clos aux Glycines, du Clos aux Paulownias, etc…), ou par leur degré de parenté avec l’empereur. Le Genji est connu comme « Monseigneur le Radieux ».

Autre clé de compréhension : la société de Heian est polygame et le mariage n’y est pas aussi rigoureusement formalisé qu’il peut l’être dans nos sociétés contemporaines. Mais une femme qui perd un époux perd aussi toute existence sociale. Dépourvue de soutien, son prestige s’évanouit et le cloître est souvent la seule alternative.

L’anime :

Genji Monogatari Sennenki projette une image fantasmée de la Cour de Heian, fidèle, en cela, à celle que nous en ont léguée les témoins les plus prolixes, c’est-à-dire les poètes de cour. On y évolue avec élégance, toutes terminaisons nerveuses connectées à ces signes de la nature qui coloreront l’humeur du moment ; si, dès le premier épisode, on reste insensible à l’envol, au ras d’un plan d’eau, d’un couple de grues, mieux vaut jeter l’éponge…

Car nous sommes là en présence d’un anime résolument contemplatif. Tout incite au songe : les paysages sont idéalisés, intensément poétisés ; Les humeurs s’expriment avec réserve et délicatesse, sur le ton de la confidence.

Le graphisme sait, avec tact, nous rappeler que l’anime n’est que l’écho assourdi d’une œuvre inégalable : les rencontres entre le Genji et ses conquêtes baignent parfois dans un flou qui paraît la réminiscence d’un rêve. Un kimono glisse sur les reins d’une courtisane et les couleurs semblent en jaillir, en corolle, en nuage, comme se diffuserait un lourd parfum.

Les traits des personnages sont ciselés, délicats, androgynes. Pour une fois, on osera dire : « efféminés », puisque c’est là un des traits de caractère que prêtent les historiens à la Cour de Heian.

La bande originale donne chair à la mélancolie qui imprègne les aventures du Prince. Le thème principal est lancinant ; il altère le souffle, s’exhale comme un soupir. Il instille le chagrin à la manière d’un poison délicat.

On n’en sera que plus révolté par cet épouvantable opening, tiré, par une inexplicable bévue, d’une des poubelles de la buvette, et qui vient bruyamment saccager le début de chaque épisode. Il y a des crocs de boucher qui se perdent.

Verdict :10/10
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A propos de l'auteur

Sanetomo69, inscrit depuis le 10/11/2013.
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