La saga Gundam a beau constituer un véritable trésor national au Japon, les récentes itérations de la licence sur le petit écran n’ont pas fait l’unanimité ces dernières années. La seconde saison de Gundam 00 a dégoûté même les fans vétérans, et Gundam AGE a échoué dans sa tentative de réunir un nouveau public. En désespoir de cause, Sunrise finira par vendre sa franchise aux fabricants de jouets ; dernière étape d’une lente déchéance…
C’est du moins ce qu’on pourrait dire en se contentant des apparences ; car si Gundam n’a plus l’aura qu’elle pouvait prétendre avoir il y a dix ou vingt ans, Sunrise compte toujours récompenser ceux qui lui sont restés fidèles. Ainsi, la qualité moyenne des récentes séries télé résultaient du contrecoup des efforts du studio sur son véritable projet, celui destiné aux vrais fans de Gundam : les OAV d’Unicorn.
Car Unicorn se pose en épilogue tardif de l’Universal Century, le « canon » de Gundam initié il y a plus de trente-cinq ans. Un canon auquel Sunrise ne touche pas impunément qui mérite des égards particuliers. C’est pour cela que, on va commencer par là, Unicorn jouit d’une qualité de production proprement exceptionnelle, que ce soit pour du Gundam ou pour de l’anime de robots en général. Au moins la moitié des studios du Japon ont contribué à la production de l'animation. Les engins sont la plupart du temps animés à la main, comme il se doit, et les effets spéciaux type lasers et explosions fournissent la dose de plaisir visuel que l’on est en droit d’attendre d’un format OAV. Plus étonnant, l’animation des personnages a bénéficié d’un traitement de faveur : leur chara-design old-school tout comme leurs attitudes ont clairement pour but de donner un effet de sérieux à la série. La cinématographie en général est un cran au-dessus du standard TV, même si on notera cet étrange gimmick consistant à faire tournoyer la caméra lors des plans de coupe, comme si le monteur avait trop forcé sur la bibine durant la post-production.
C’est au niveau de l’histoire que les choses vont se compliquer car, à moins d’être un irrécupérable fanboy qui mouille son slip à la moindre évocation de Néo-Zeon ou de la Comète Rouge, le propos général de Unicorn vous laissera globalement incrédule. Situé quelque part entre l’hommage, la continuation et le commentaire, le récit reprend l’inénarrable affrontement entre la Fédération et les Zeon, en y ajoutant les subtilités de rigueur : Newtypes, Cyber-Newtypes, Psycho-Frames, etc. Autant dire que sans une connaissance approfondie des tenants et des aboutissants de l’UC, les intrigues vous passeront à plusieurs unités astronomiques au-dessus de la tête.
Une fois débroussaillé tout cet aspect méta, le scénario proprement dit repose sur un McGuffin assez intriguant puisque la Boîte de Laplace, tel est son nom, aurait le pouvoir de renverser définitivement le cours de la guerre. La carte au trésor de ce One Piece spatial se trouve dans un Mobile Suit customisé, le Gundam Unicorn, qui sera bien évidemment trouvé par hasard par le personnage principal alors que sa colonie se fait attaquer par les activistes de Zeon. Ça ne vous rappelle rien ? Les connaisseurs saisiront les nombreux clins d’œil, les autres essaieront de démêler le nœud de combines politiques, d’intrigues familiales et de complots militaires qui entoureront la quête de l’Unicorn.
L’anime raconte donc pas mal de choses mais l’écriture s’avère assez désagréable, bavarde et lourde, dans le plus pur style Tomino. Le personnage de Banagher Links, qui passe tout l’anime à se balader d’un camp à l’autre en nous gratifiant de ses crises d’ado torturé, se révèle particulièrement insupportable et frôle presque l’auto-caricature. Le reste du cast s’en sort bien mieux, même s’il faudra attendre tard dans l’anime pour que le script leur accorde des dialogues un tant soit peu aboutis (la première moitié de l’épisode 6, par exemple).
La résolution de l’intrigue, tout comme la conclusion de l’histoire, seront satisfaisantes bien que sans grande surprise, à l’image de ces OAV trop occupés à révérer leur modèle qu’à chercher à le transcender. Suffisant semble-t-il pour le fandom japonais qui récompensera les OAV d’Unicorn de chiffres de vente considérables. Pas sûr d’ailleurs que tous ces spectateurs d’Unicorn aient été de chevronnés connaisseurs de la saga Gundam ; auquel cas ils seront sans doute passés à côté du véritable sujet, mais auront au moins vu un des animes de robots les mieux foutus de ces dernières années. 7,5