Europe, 1940.
Autant dire que ça sent le roussi : le fier Empire de Germania s’est mis en tête d’aller voir chez ses voisins si les saucisses n’y seraient pas meilleures. En conséquence, la République de Thermidor et le Royaume de Britannia, que les velléités expansionnistes de Germania n’amusent que moyennement, ont décidé de lui déclarer conjointement la guerre… Résumons rapidement l’affaire en disant qu’après de brefs (mais ô combien vaillants) combats, la République de Thermidor se dit que la violence ne résout rien et le Royaume de Britannia effectue ce que le jargon militaire nomme pudiquement un « repli stratégique ».
Bref, en deux temps trois mouvements (et de la Blitzkrieg en veux-tu en voilà) toute l’Europe est occupée par les germaniens… Toute ? Non ! Car un petit pays peuplé d’irréductibles (ici ajoutez « héros » ou « emmerdeurs » selon le camp que vous avez choisi) résiste encore et toujours à l’envahisseur. Ce petit pays, c’est Eylstadt, nation fictive imaginée pour les besoins de la série (comme s’il n’y avait pas suffisamment de petites nations insignifiantes en Europe) et où vont évoluer l’essentiel de nos protagonistes.
Sorcières, mitrailleuses et opéra
Vous l’avez compris (enfin j’espère), l’anime place son intrigue dans une Europe alternative du XXème siècle où la Seconde Guerre bat son plein, et avec elle son lot de joyeusetés… Les nations, de même que certaines figures historiques, ont été renommées, mais pour le reste c’est tout pareil. Ou presque. Car alors qu’Eylstadt s’apprête elle aussi à tomber face aux légions germaniennes, se manifeste une charmante jeune fille qui envoie littéralement valdinguer toute une division de panzers (et ça, c’est un peu moins charmant). Izetta, car c’est son nom, est une sorcière, et elle n’a pas l’intention de laisser tomber son pays, ni la princesse qui le dirige et à laquelle elle voue une affection indéfectible. Affection qui donnera d’ailleurs lieu tout au long de l’anime à des scènes d’un intérêt tout relatif, mais que ne manquera sans doute pas d’apprécier un public jeune, masculin, et un peu mal dans sa peau... La princesse, qui répond au doux nom de Ortfiné Fredericka von Eylstadt (ça s’invente pas, hein ?) et la sorcière Izetta, dont on apprend qu’elles sont amies d’enfance, vont alors s’associer pour bouter Germania hors d’Eylstadt.
Dans l’ensemble, la mécanique roule plutôt bien. On déplore certes des personnages au caractère un peu convenu, sur le mode « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil » si cher aux shônens japonais, mais l’affaire reste globalement intéressante. On nourrit notamment quelques espoirs du côté de Germania où un antagoniste intéressant semble émerger (le genre froid, cynique et calculateur comme on les aime) et on s’amuse des bastons entre la Wehrmacht et la sorcière qui, chevauchant un fusil anti-char (parce que les balais volants, c’est ringard), semble jouer au Quidditch avec des tanks et des avions en guise de Souafle et de Cognards. Soit dit en passant, l’honnêteté m’oblige ici à vous signaler que ceux qui ont commencé à lire parce qu’il y a le mot « Quidditch » dans le titre peuvent s’arrêter ici : c’était juste un argument marketing.
Du côté de la musique, ça se défend aussi, l’anime ayant fait le choix de se reposer en partie sur un répertoire de musique classique/romantique allant de La Flûte Enchantée de Mozart aux célèbres valses de Strauss (c’est fou comme ça vous donne tout de suite un petit côté Europe centrale). Il me semble également avoir décelé du Wagner, et comme disait Woody Allen : « Quand j’entends du Wagner, ça me donne envie d’envahir la Pologne ». Pour l’originalité, on repassera, mais personnellement, je ne crache pas sur les valeurs sûres.
Le diable se cache dans les détails
Et c’est là que ça coince ! Parce que côté détails, ça se réduit à peau de chagrin. Sur les figures historiques par exemple, c’est gentil de faire apparaître un alter ego fictif du général de Gaulle, mais lui donner pour toute réplique des remarques idiotes ou des affirmations péremptoires, c’est un tantinet vexant (chauvin, moi ? Allons donc !). On se console un peu en notant que ce pauvre Churchill ne s’en tire pas beaucoup mieux puisque son représentant animesque se limite au rôle de fumeur de cigares.
Mais le vrai problème, c’est la fin de l’anime. On a surtout l’impression qu’arrivée au 10ème épisode, l’équipe du studio s’est aperçue qu’il ne lui en restait plus que deux pour conclure. Conséquence, ça panique, ça précipite et ça donne une fin bâclée. On s’arrange comme on peut pour boucler l’histoire avec un scénar douteux, donner aux personnages encore en vie une voie de sortie acceptable (oui parce que ça meurt un peu en cours de route) et suggérer au spectateur qu’une seconde saison finira peut-être le job.
Abyssus abyssum invocat
Comme le laisse entendre cette locution latine (#QuandJeParleLatinJeMeSensIntelligent), je ne vois pas pourquoi je gratifierais cette critique d’une conclusion digne de ce nom puisque l’anime ne m’en a pas fait l’honneur. Mais je ne suis pas rancunier, donc je vais faire un effort. Ne vous y trompez pas : malgré la mauvaise foi mal dissimulée de l’auteur de cette critique, le bilan de cet anime est globalement correct. Quels que soient ses défauts, Shûmatsu no Izetta a quand même le mérite d’être divertissant et c’est déjà pas si mal. Les neuf/dix premiers épisodes parviennent à nous tenir en haleine et, si l’on excepte l’aspect bisounours et simpliste inhérent au genre, on a de quoi passer un moment agréable. L’œuvre s’appréciera sans doute particulièrement après une dure journée de travail, à cette heure vespérale où on n’a plus envie de se prendre la tête.
6.5/10