A l’école, le big boss de l’histoire de la révolution Française, c’était moi. Les dates, je les connaissais sur les bouts des doigts. Les principaux acteurs de cet événement historique, je les connaissais par cœur. Les 20/20, ils étaient pour moi. Mais ça n’était pas parce que j’étais bon à l’école et que j’apprenais mes leçons : c’était juste que je lisais Lady Oscar en manga à la même période. Mon récent visionnage de l’anime et le peu de shôjo présent sur le blog m’ont donc poussé aujourd’hui à vous parler de ce monument de la Japanimation.
Les origines
La version papier de Lady Oscar voit le jour en 1972. Il faudra attendre 7 longues années avant que l’œuvre ne soit transposée à l’écran et rencontre le succès qu’on lui connaît. Brefouille, à l’exception des histoires avec la nièce d’Oscar, le manga et l’animé se suivent de près. Ils ont tout deux pour cadre la fin du 18 ème siècle et par conséquent, la révolution française. Un cadre, il faut l’avouer, idéal pour un shôjo car propice au romantisme et à la tragédie.
Ce qui a probablement aidé à la popularisation de LRDV, au-delà du personnage d’Oscar, c’est aussi le dépaysement que propose la mangaka : les japonais découvrent une nouvelle culture, une nouvelle histoire : celle de la France, de Versailles et de ses bals costumés.
Plus qu’un simple divertissement, LRDV s’apparente presque à un documentaire qui propose une relecture assez proche de la réalité. « Assez proche », car il faut tout de même un minimum de fantaisie et conserver un côté attrayant au titre. Le voleur masqué et l’exagération du côté exalté de Saint-Just en sont de parfaits exemples. On s’étonnera aussi de l’étonnante facilité avec laquelle Jeanne parvient à manipuler son entourage… La chronologie étant respectée à la lettre, nous fermerons les yeux sur ces écarts scénaristiques... Mais juste pour cette fois hein !
LRDV concilie donc habilement l’histoire de la France tout en étant muni d’un ton épique qui convient très bien au déroulement des évènements. Le récit couvre un pan conséquent de cette période en commençant par l’arrivée de l’Autrichienne en France (1770) jusqu’à son passage à la guillotine en 1793. La mort du personnage principal a sûrement conférée à la série son statut de culte, à l’instar du mythique Ashita No Joe.
Oscar François de Jarjayes
Oui, l’animation a pris un sacré coup de vieux. Oui, les protagonistes sont stéréotypés. Oui, il y a de la lumière partout quand les personnages parlent, même dans leurs yeux. Oui, la bande-son est blindée d’OST qui retransmettent à merveille l’ambiance des bals de Versailles.
Oui, oui, trois fois oui, c’est ainsi qu’a été conçu l’animé de Lady Oscar et on y peut plus rien, même si je vous l’accorde, c’est ultra kitsch. Mais la série jouit encore aujourd'hui d'une indéniable popularité : il semble que tels les bons vins, elle devient un meilleur cru avec le temps qui passe. La faute au personnage central de l'histoire probablement, Oscar.
Bien qu'elle n'éclipse pas totalement les acteurs principaux de la révolution française, elle leur ravit cependant leur popularité alors qu'elle n'a, dans les faits, jamais existé. Oscar est une pure invention inspirée de François Augustin Regnier de Jarjayes, de même que son acolyte André et sa nourrice.
Une héroïne intrigante
Ce personnage s'avère être le plus intéressant, alors qu'ironiquement il est l'un des seuls qui soit fictif. Il va constater de ses propres yeux la déchéance et la misère dans laquelle la France plonge. Il sera confronté à la pauvreté du peuple et se prendra pendant un certain temps le revers de la médaille à la place de la bourgeoisie qui vit dans l'opulence de Versailles. Oscar évolue donc dans un contexte social difficile, sa classe de noble lui attirant l'animosité des prolétaires qu'elle souhaite pourtant aider, sans trop savoir comment.
Comme si cela ne suffisait pas à son malheur, elle va s'éprendre de l'amant de Marie-Antoinette. Le principal souci d'Oscar au sujet de cet amour, ça n'est pas tant que Fersen et Marie-Antoinette soient épris l'un de l'autre ; c'est plutôt qu'elle a été élevée comme un homme, afin de servir les intérêts de sa majesté et qu’à cet effet, elle se doit de garder pour elle cet amour qui lui brûle les ailes.
Depuis l'enfance, on lui a appris à refréner sa féminité pour devenir forte, pour devenir un soldat. L'éducation que lui fournira son père donnera au final naissance à un être androgyne torturé, dont le coeur vacille entre son devoir de soldat et ses sentiments de femme. De même, elle se posera des questions sur le devenir de la France et l'égalité des richesses alors que son dévouement et sa classe social voudraient qu'elle se limite seulement à servir la royauté.
Ce qu’il y aura de plus dramatique dans ce shôjo, c’est que le grand amour de l'héroïne était là, sous ses yeux, mais qu’elle ne s’en était jamais rendu compte : André. Ses sentiments pour la jeune femme se confirment dès le départ, mais la belle n’aura hélas d’yeux que pour ce clinquant de Suèdois qu’est Fersen. Il attendra donc dans l’ombre que son amie finisse par se rendre compte de son amour.
Même s’il espérait un garçon, il est peu probable que le père le plus exaspéré décide d’éduquer sa fille en homme, qu’importe ses devoirs envers la famille royale… Mais en même temps, sans ce grain de folie, nous n’aurions jamais eu droit à ce protagoniste aux multiples facettes, Merci Ryoko Ikeda d’avoir bu un coup de trop !
Yuri, vous avez dit Yuri ?
Oscar apparaît la plupart du temps en uniforme, tout le monde à Versailles pensant d’elle qu’elle est un homme. Cette ambigüité physique du personnage permet à Ryoko Ikeda d’instaurer dans son manga les prémisses du genre Yuri. Oscar en viendra à s’occuper d’une jeune pauvresse, Rosalie, qui éprouvera pour elle des sentiments amoureux.
Si oscar reste hétérosexuel, le récit a le mérite de mettre en avant un sujet à l’époque encore trop peu exploité. Bien que très platonique, cette « relation » influença de très nombreuses et nombreux mangakas dans les années qui suivirent, tout comme ce fut le cas quelques années auparavant avec « Pincesse Saphir » de Tezuka qui a probablement marqué l'auteur de LARDV.
Shingō Araki
Shingo Araki, dont le travail a été popularisé en 1986 avec Saint Seiya, n'est pas étranger aux personnages androgynes. Il a effectivement fait ses premiers pas avec Princesse Saphir, qui est (je cite wikipédia) « considéré comme le manga fondateur du genre shōjo, destiné aux filles, ainsi que le premier à introduire les thèmes de l'androgénie et du travestissement ».Ce chara-designer reste fidèle au trait de la mangaka bien qu'il préfère lui donner un peu plus de rondeur au départ, notamment pour l'adolescence des personnages dans « La rose de Versailles ». Les visages se font plus fins avec les années qui défilent dans l'animé.
Il conservera cet aspect de son dessin dans les futurs projets pour lesquels il participera : Hokuto No Ken, Cat's Eyes, Albator 84, ect...
Réalisation
Concernant la réalisation, bien qu'elle soit pour l'époque exemplaire, elle n'est pas exempte de petits défauts. Tout d'abord, on s'étonnera des réactions très japonaises de personnages censés être français de pures souches ; il fallait s'y attendre, mais rien de bien méchant au point de le signaler ici. Ensuite, la réutilisation de certains plans, notamment pendant la révolution : revoir les mêmes figurants passer dans la même ruelle, ça saute tout de suite aux yeux... En dehors de ces défauts, la mise en scène est remarquable: l'opening donne immédiatement le ton, avec une Oscar dénudé entourée de ronces, métaphore représentative de sa fragilité de femme et de son fort tempérament à la fois. Dezaki Osamu et Nagahama Tadao ont donc fourni un boulot admirable sur cette adaptation de l'un des plus grands shôjo de tous les temps.
Adieu, Oscar !
Malgré une animation plus toute fraîche et quelques défauts dans la réalisation, « La rose de Versailles reste encore un must see sympathique de nos jours. C’est une plongée tragique dansles affres les plus sombres de l’histoire de la France et c’est plus efficace qu’un cours d’histoire. Jetez-vous dessus !