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» Critique de l'anime Suzume no Tojimari par kFay le
19 Juin 2023

Suzume c'est un film de Makoto Shinkai et donc c'est extraordinaire. À tout instant chatoyant, vivant, touchant, magnifique, ça raconte une aventure effrenée en même temps qu'une relation d'amour naissante et presque impossible. Je le recommande chaudement.

Et Suzume c'est aussi, pour moi, l'occasion d'un bilan sur la filmographie de Shinkai. Parce que je ne sais pas bien où il va maintenant, et je n'arrive pas à savoir s'il est en train de perdre sa finesse, si c'est moi qui ne suit pas, ou s'il est simplement sorti d'une dépression, bon courage d'ailleurs. Je m'explique.

Shinkai c'est le réalisateur de la nostalgie, comme un sentiment final et beau en lui-même. La nostalgie des levers de soleil pendant l'été, le souvenir d'une personne perdue ou d'un amour oublié. L'anémoia paroxystique. C'est aussi le réalisateur de l'éloignement, de la solitude, des relations impossibles (à moins que). Deux personnages qui pourraient s'aimer sont séparés par l'espace, par le temps, par la mort, par le statut, par la vie et tout ce qu'elle peut contenir de vieux rêves embarrassants. Je m'asseois devant un de ses films pour être bouleversée, transportée dans l'espoir que ça ne finisse pas trop tristement. Ce n'est pas garanti.

Enfin, les temps changent. Il y a eu Kimi no na ha, et puis Toki no ko, et puis maintenant Suzume, et vraiment ce n'est plus l'époque de Byôsoku 5cm. On a gagné en lumière, en drame, en magnificience. Shinkai garde son aiguillon, il parvient encore à me menacer de tout foutre en l'air au milieu du film, mais je commence à avoir du mal à y croire. Je continue à trouver les films extraordinaires - et Toki no ko a été un sommet pour moi, j'ai jamais autant vidé mes yeux que devant ce film - mais je trouve que Suzume est le début d'un piétinement. Je crois.

Il y a pourtant du nouveau. C'est sans doute son film qui donne la plus belle part à l'aventure, rivalisant peut-être avec Hoshi wo ou kodomo mais qui le faisait avec bien plus de lenteur et de pesanteur, là où Suzume est enlevé, pas frénétique mais pas posé non plus. Il y a quelques questions familiales qui s'invitent, une relation mère-fille et une autre père-fils qui donnent au couple central un côté moins isolé que dans d'autres. Il y a des personnages incompris, bien sûr, mais ça va. Ils avancent, ils ne restent plus enfermés dans leurs questions. Et puis il y a ce Japon oublié, le délaissement d'anciennes ruines urbaines qui donne de chouettes scènes d'urbex en plus de ses thématiques-clé au film. Et quantité d'autres thèmes brassés avec dans un mélange équilibré et efficace. Shinkai garde une structure fixe depuis trois films (l'histoire amoureuse entrelacée avec une grande catastrophe qu'il faut éviter) et continue de tisser de nouveaux thèmes dedans.

Pour un paquet de raison, j'ai trouvé Suzume un peu plus faible que les précédentes productions du réalisateur. Il y a ce couple central où l'un des personnages est littéralement une chaise, ce qui n'aide pas tout à fait. Il y a ce rythme qui ne permet pas autant de prendre le temps de connaître les personnages, même si certaines scènes de respiration sont exceptionnelles (le bar !). Il y a le grand enjeu de l'histoire, cette histoire de Ver et la menace qui plane, qui est simplement too big to fail, et qui fait entrer le film en plein dans une fantasy très explicite, qui a peiné à me convaincre. Et, j'ai un peu de tristesse à le dire, il y a ce vague sentiment de déjà-vu qui ne m'avait pas encore atteint à l'époque de Tenki no ko et qui cette fois n'a pas voulu partir.

Je n'ai pas sous la main d'autre réalisateur aussi fantastique que Shinkai pour me donner son cocktail d'émotions à lui, ce mélange où les drames ne se jouent pas qu'entre le rire et les larmes mais aussi dans une palette plus diffuse, mélancolique et incertaine. De ces émotions qu'on n'arrive pas vraiment à nommer mais qui font qu'on pointe du doigt un cerisier sous la neige, une lettre d'amour cruellement emportée par une bourrasque, ou un poële à bois réconfortant dans une gare glaciale en s'exclamant "Ça !".

Mais voilà, Shinkai est passé à autre chose, et moi j'attends toujours en gare ? Ironie de reprocher à un réalisateur nostalgique d'aller trop de l'avant. Le sublime est toujours là, il me manque juste le mordant. Il y a tellement de beauté et de couleur dans Suzume qu'il y aurait à le dénigrer quelque chose d'incroyablement ingrat.

Peut-être suis-je simplement dans l'attente du prochain tournant, de la prochaine direction où ira sa filmographie. À la prochaine, Makoto.

Verdict :8/10
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A propos de l'auteur

kFay, inscrit depuis le 18/06/2023.
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