A peine une année en arrière, rares sont les personnes qui auraient pu imaginer que le studio Ghibli serait un jour associé à des termes tels que série ou coproduction. Pis encore, que l'ensemble serait réalisé en images de synthèse sous les directives de Gorō Miyazaki, a.k.a le réalisateur le plus détesté de l'enseigne aux longues moustaches. Pourtant, ce patchwork cauchemardesque a bel et bien vu le jour sous le nom de Sanzoku no Musume Rōnya, et le moins que l'on puisse dire est que le résultat a de quoi étonner.
L'histoire (adaptée du roman suédois éponyme d'Astrid Lindgren) prend place dans une forêt tout ce qu'il y a de plus classique, si ce n'est qu'elle abrite en son sein harpies, trolls, gnomes et autres animaux locaux. Outre ces quelques habitants des plus singuliers, vivent aussi avec une harmonie toute relative plusieurs bandes de brigands que le shérif du coin entend bien chasser voire pendre si l'occasion venait à se présenter. Malgré cette flopée de personnages bariolés, la série s'intéresse en particulier à celui de Ronya ; fille de Mattis qui se trouve être le brigand autoproclamé "le plus dangereux des environs" mais dont on passe plus de temps à railler qu'à craindre.
Ainsi, la majeure partie des épisodes suit cette jeune fille en exposant ses diverses relations intimes ou conflictuelles d'avec le monde qui l'entoure.
En l'occurrence, chaque petite réflexion qu'un personnage se fait peut faire l'objet d'une attention toute particulière qui bien souvent d'ailleurs apparaît comme l'idée prédominante d'un épisode ; comme par exemple se balader dans la forêt pour la première fois, attendre au sens propre du terme que l'hiver se termine, faire de nouvelles rencontres inattendues ou bien affronter la mort. Car Sanzoku no Musume Rōnya, malgré ses airs allègres se veut être réaliste et tente de coller au plus près de ce que sont les relations humaines, quitte à ce qu'elles prennent la forme d'un pugilat un peu grotesque.
Gorō Miyazaki admet lui-même que l'une des raisons de cette adaptation était de mettre en évidence le respect mutuel que devraient avoir les parents envers leurs enfants, et vice versa.
A certains égards, on pourrait peut-être penser à une version édulcorée et plus optimiste des Enfants terribles de Jean Cocteau. Sauf que la transition ne se fait pas de l'adolescence à l'âge adulte mais se concentre plutôt sur la perte de crédulité de la jeune Ronya. De ce point de vue-là, la série s'en sort honorablement et n'est étonnamment jamais véritablement monotone, quoiqu'un peu lente sur la fin.
Du reste, aussi intéressante soit-elle, l'adaptation de cette histoire n'est pas à imputer à Ghibli comme certaines scènes peuvent nous le rappeler.
Autant que je m'en souvienne, Sanzoku no Musume Rōnya est sans doute la première œuvre associée au studio mettant en scène une famille patriarcale malgré des personnages féminins au fort caractère. Notamment celui de Lovis - la mère de l'héroïne - qui rappelle certains personnages de Miyazaki.
Ce qui en revanche fait table rase de l'œuvre du porteur de tablier le plus connu du Japon, est que la série est majoritairement conçue en images de synthèse. Notamment les personnages et les décors intérieurs qui sont à la charge de Polygon Pictures, dont on doit la très récente série Knights of Sidonia, elle aussi assez peu friande du dessin traditionnel. Chose surprenante, la 3D (dont l'abus de langage est volontaire) est assez réussie sur les plans serrés et surtout concernant ceux en intérieurs. Là où le bât blesse en revanche, c'est lorsque arrivent les scènes nécessitants des décors plus vastes que certaines choses ne fonctionnent pas voire agacent.
Beaucoup d'émotions sont également assez mal retranscrites, rappelant les introductions maladroites du jeu vidéo du début des années 2000 ; intéressantes mais guère convaincantes.
Certaines scènes tendent à tomber dans l'exagération et deviennent par la même occasion ridicules, comme par exemple le fait d'apercevoir un personnage remonter ses manches pourtant déjà très courtes afin de souligner sa détermination. Ça ne marche tout simplement pas.
Cependant l'ordinateur permet aussi de faire certaines choses plus rapidement, et dans le cadre d'une série télévisée une telle direction artistique fait tout à fait sens. La majorité des actions sont nettement plus fluides, les visages moins statiques ou bien, à titre d'exemple, une scène se déroulant sous l'eau qui s'avère être plutôt percutante. D'une manière générale, alors que la représentation brute des émotions laisse à désirer, l'univers dépeint paraît plus vivant et éveillé que bon nombre de séries actuelles.
Sans doute que visionner Sanzoku no Musume Rōnya sera de prime abord un véritable défi pour certains, mais une fois le Rubicon franchi, on s'étonne à trouver un tel procédé purement technique acceptable et pourquoi pas agréable malgré d'évidents défauts. Dans tous les cas, à elle seule l'histoire mérite que l'on s'y intéresse.