Il y a des œuvres comme ça, bien que vieilles, elles restent marquantes. Je finis par me méfier de la catégorisation des « classiques », vu qu’au fond, je pense que cela revient à l’appréciation de chacun. Toujours est-il que je pense que Memories est à voir. Je l’ai vu 16 ans après sa création et ces trois courts-métrages m’ont subjugués à en oublier leurs âges. De suite après avoir vu cette œuvre je suis restée bloqué sur les mots magnifique et poétique. Mais c’est bien plus que cela évidemment.
Memories rassemble trois court-métrages, on peut parler de chacun indépendamment vu qu’ils ont chacun leurs qualités, leurs défauts, leur style. Mais ils forment aussi un tout donc cela resterait réducteur de les prendre en compte de façon indépendante. Déjà, ces court-métrages ont en commun de donner vie à trois nouvelles d’Ôtomo Katsuhiro, le papa d’Akira, Steamboy ou de Métropolis entre autres. Ce qui n'est pas rien.
On ouvre le bal avec Magnetic Rose. Une entrée en matière des plus réussies je dois dire. On nous plonge dans un univers particulier pouvant être une œuvre à lui tout seul. Si on oublie la définition propre de l’expression « space opera » et qu’on prend cet anglicisme à la lettre, Magnetic Rose serait un space opera. À partir d’un script de Satoshi Kon (Perfect blue, Paprika..) et d’une musique de Yôko Kanno, on se retrouve parachuté dans l’espace à bord d’un vaisseau où une diva de l’opéra a vécu et où nos personnages seront malmenés mentalement comme sait le faire M. Satoshi Kon. Magnetic Rose réussi à mélanger des styles auxquels on n’aurait pas pensé de prime abord pour nous servir une œuvre marquante. Permettant à un contexte que l’on pourrait qualifier de cyberpunk de nous offrir une délicatesse et un charme insoupçonnés. Ce court métrage étonne et subjugue à la fois, la qualité artistique est au rendez-vous sans que la 3D y soit pour quelque chose. L’ensemble de ce court métrage est de qualité, même le format choisi permet d’aller à l’essentiel. Sans superflu, Magnetic Rose charme directement sur tous les points utilisés.
La deuxième partie nous emmène au pays du burlesque. Stink Bomb mélange encore les genres. Sur fond d’arme biologique dangereuse, l’humour est au centre de ce court métrage. La musique et l’ambiance déroutent le spectateur qui en oublie presque que l’on est dans le thème du film catastrophe. Les décors sont classiques, les réactions militaires sont classiques, alors même que le sujet traité est important. Seulement, l’humour qui est inséminé dans cette œuvre pousse à la vulgarisation et à l’oubli du danger évoqué dans cette histoire. Il faut dire aussi que le personnage central est niais, on a l’impression qu’il ne réfléchi même pas une seconde sur ce qu’il se passe autour de lui. Le chara-design, la mise en scène, la musique et l’animation sont sans aucun doute de qualité. L’histoire et la réflexion que cela entraîne sont plus qu’intéressantes, mais il y a un « mais ». La trame suit son cours sans défaillir du début à la fin, utilisant le caractère assez atypique du personnage mais son manque de charisme qui permet le développement du thème burlesque, fini par desservir quelque peu ce court-métrage.
On fini avec Cannon Fodder qui est d'un format encore plus court que ces deux prédécesseurs. Ici, le visuel pourra en rebuter plus d’un, c’est un parti pris quitte ou double. Il n’y a pas que le visuel qui change, l’ambiance aussi. Dans Cannon Fodder la musique est plus discrète, peut-être pour d'avantage se pencher sur le propos. Dans un style quelque peu steampunk, on se retrouve dans la dénonciation de la politique d’un pays en guerre. Entre l’éducation des enfants dans le symbole du combat sans réelle idée à défendre, la course à l’armement avec les femmes dans les usines et le « combat » à proprement parler qui se résume à faire que les hommes chargent des canons pour tirer sur le voisin. Le tout se finissant sur les écrans des ménages le soir, qui annoncent les dégâts causés à l’adversaire comme on annoncerait un score d’un match de sport. La critique étant doublement renforcée par les couleurs qui même lorsqu’elles sont vives laissent une trace grisâtre derrière elles et le parti pris du chara-design d’être assez sombre. L’animation est remarquable ici, tellement fluide qu’on l’oublie presque, pour que notre attention soit portée sur le thème que renforce l’identité visuelle.
Ces trois court-métrages sont différents mais constitue un ensemble magnifique. Chacun à sa façon nous parle de la beauté là où on ne la verrait pas au travers de thèmes assez différents, en poussant aussi le spectateur à la réflexion. Toute la technique mise en œuvre dans chacun d’eux ainsi que le choix de les réunir de cette façon, fait de Memories un film de qualité. Trois ambiances différentes, trois styles différents, trois équipes techniques différentes et pourtant leur réunion est une parfaite réussite. Memories est un succès poétique et artistique à mes yeux, tellement que son âge en devient une énorme qualité de plus. À voir.