Construire une œuvre cohérente et attractive d’une vingtaine de minutes n’a rien d’évident. Yasuhiro Yoshiura a néanmoins relevé le défi en s’attelant à la réalisation de Pale Cocoon, un projet ambitieux qui, s’il prend place dans un futur lointain et glacial, fait pourtant écho à une actualité brûlante. En effet, cette OAV produite par le studio Rikka nous offre la vision d’un avenir où l’humanité a fui la surface d’une Terre devenue invivable. Enterrés dans des villes dont les étages s’enfoncent toujours plus bas, les hommes ont même fini par oublier les causes de la catastrophe.
Avant de se lancer dans l’aventure Pale Cocoon, Yasuhiro Yoshiura s’était déjà fait remarquer en 2002 avec une autre œuvre de science-fiction, Mizu no Kotoba. Cet étonnant petit film de neuf minutes utilisait déjà avec brio les images de synthèse en jouant sur la mobilité de la caméra et sur l’utilisation ingénieuse de la vue subjective. Des qualités que l’on retrouvera dans Pale Cocoon quatre ans plus tard. Après un détour du côté de deux festivals européens de cinéma - le Future Film Festival de Bologne et le Festival International du Film Fantastique de Bruxelles - la bobine avait finalement bénéficié d’une sortie DVD en 2008 chez Dybex.
Dans Pale Cocoon, les hommes habitent désormais sous terre, à une profondeur indéterminée. Ura est l’un d’entre eux. Il travaille aux archives où il exhume des documents informatiques, des fragments d’images ou de vidéos. Cela fait longtemps que les bureaux voisins du sien sont vides mais qu’importe, il aime son job. Des bribes du passé de l’humanité lui passent sans cesse entre les mains, ce même passé que les gens ont fini par oublier. Lui veut s’en rappeler. Toutes ces étendues de verdure et de ciel bleu, cette faune et cette flore… il veut s’en souvenir. Mais ce qu’il souhaite le plus, c’est de découvrir ce qui est arrivé à la Terre, ce qui a poussé l’humanité à s’enterrer en troquant les rayons du soleil contre la froideur blafarde des néons.
Son amie Riko ne partage pas sa soif de vérité. Quel intérêt de se remémorer la stupidité de l’homme, celle qui l’a poussé à détruire sa propre planète ? Un autre collègue d’Ura va jusqu’à espérer que toutes ces archives soient fausses. Finalement, un évènement particulier va bouleverser le quotidien de notre archiviste collectionneur de souvenirs : la découverte d’un extrait vidéo où une femme apporte enfin une réponse à ses questions. Nous n’en dirons pas plus mais sachez que la conclusion de l’OAV frappe vraiment très fort. Bien plus qu’un simple twist visant à surprendre le spectateur, l’épilogue est d’une beauté stupéfiante.
La belle musique de Pale Cocoon aurait sans doute gagné à être plus discrète pour amplifier l’ambiance déshumanisée et claustrophobique qui s’installe dès les premières minutes. Toutefois, les choix de couleurs très judicieux - gris, verts, marrons – suffisent à pallier ce petit défaut. Seules les images d’archives apportent une alternative à ces teintes métalliques et glacées. Signalons d‘ailleurs le soin extrême apporté à la modélisation des écrans tactiles d’ordinateurs. Quelques décors s’avèrent également très réussis : c’est le cas du fameux escalier soutenu par des plates-formes grillagées où Riko a pris l’habitude de s’allonger. Reste le character-design épuré et tout en courbes qui ne plaira sans doute pas à tout le monde mais qui a le mérite d’être original et personnel.
Les multiples zones d’ombre de l’histoire donnent finalement du charme à cette petite OAV auréolée de mystère. A moins d’être allergique aux images de synthèse et de ne pas supporter les animes qui prennent un peu leur temps, Pale Cocoon constitue une belle expérience que tout amateur curieux de science-fiction se doit de découvrir.