Patlabor 2 possède exactement le même rythme et le même esprit que le premier. Oshii y privilégie encore une fois l'humain, et laisse de côté l'aspect anticipation et les robots géants. Drame à échelle humaine, ce film reprend cette idée de confrontation psychologique entre deux personnages, le général donc, et Gotoh, le chef de la section des Labors. Les amateurs de Noa Izumi et de ses compagnons en seront pour leurs frais, car Oshii possède une idée très personnelle de cette série.
Tout est donc centré sur Gotoh et son antagoniste, comme dans Patlabor 1: le spectateur suit le fil de leurs pensées, et le rythme imposé, extrêmement lent, met magnifiquement en valeur cet aspect qui choque chez Oshii, jugé souvent trop "contemplatif", tout en y approfondissant cette dimension de drame intérieur, de tragédie personnelle qui humanise les protagonistes de façon exceptionnelle. L'intrigue est très complexe, à l'image de ces personnages usés, n'ayant plus rien à attendre de surprenant, condamnés à jouer une partie de cache-cache qui, en dépit de ses implications colossales, demeurera anodine. Le général se trouve enfermé dans un simulacre, dans un acte de rébellion qui en fin de compte se trouve dépourvu de toute valeur, tandis que Gotoh, imperturbable, à la fois usé et curieux, traque sans passion ce dissident avec qui il partage beaucoup plus de choses que ce qui est simplement dit. Mais Oshi se contente de montrer, sans jamais alourdir le film de ses commentaires, donnant à Patlabor 2 un aspect mutique et fantômatique.
Il y a toujours cette espèce de retenue dans les films d'Oshii de cette période, que l'on impute aussi au "contemplatif", alors même que cette mise en scène, passant par la musique très lente et majestueuse de Kawai, n'a pas ici pour vocation première la contemplation. Les deux films de Patlabor se situent en quelque sorte après le moment de contemplation, après le suicide de l'ingénieur dans le film 1, et après la tragédie du général dans le 2. Cet aspect contemplatif n'est que l'écho nostalgique d'une douleur déjà vécue longtemps auparavant, et qui s'est désormais transformée en une volonté à la fois ferme et désabusée : rien de contemplatif en fin de compte, mais une représentation splendide de l'âme humaine, lorsqu'elle se trouve incapable de dépasser un traumatisme et se trouve comme figée dans son engourdissement, d'une délicatesse inédite dans le monde de l'animation japonaise.
Il faut voir cette séquence "contemplative", où l'état de siège étant déclaré, les militaires envahissent la ville et instaurent le couvre-feu : le mise en scène met alors en valeur cette suspension du temps, ce moment d'incompréhension où l'extraordinaire pénètre dans notre vie de tous les jours. Comble de cette étrangeté, il se met à neiger, comme si les événements les plus incroyables n'avaient malgré tout aucune prise sur la réalité : cette séquence est l'une des plus belles de l'histoire de l'animation. Le temps semble s'arrêter, militaires et civiles lèvent la tête ; l'image des tanks enneigés au milieu des avenues désertes est une images où poésie, ironie et étrangeté se fondent à la perfection, un authentique moment de réelle inspiration, où les interrogations se trouvent suspendues dans ce moment de surprise pourtant très banal.
Patlabor 1 et 2 sont de purs chefs-d'oeuvre du dessin animé, des morceaux d'exception qui dépassent de très loin leur simple condition d'objets de divertissement, et qui devraient être étudiés pour ce qu'ils sont : des oeuvres majeures de l'histoire du cinéma.