Oshii n'est pas un "moraliste", et Patlabor ne vise pas à avertir le genre humain d'une éventuelle déroute à cause des machines... Le réalisateur a dépassé ce stade, il tient déjà la machine pour acquise, et c'est plutôt aux liens homme-machine qu'il s'intéresse en général, sans chercher à faire dans la morale.
Même le philosophique, si lourd dans GITS Innocence, est ici abordé de façon discrète, sans citation ni développement confus.
A mon sens, tout le film repose sur une ambiance qui oscille entre urgentisme et contemplatif : il y a une situation à désamorcer d'urgence, mais le chef Goto prend le temps de s'interroger, de mener son enquête, et, de ce fait, de se mettre dans la peau d'un homme qui s'est suicidé après avoir programmé cette fin du monde technologique. Le noeud de l'intrigue est passionnant : quelle est la dernière pensée qui vient lorsqu'on se suicide ?
L'intérêt majeur du film n'a en fait rien à voir avec les robots, c'est des hommes qu'il s'agit : quels itinéraires ils choisissent, pourquoi ils font telle chose, pourquoi ils tentent d'empêcher telle autre. Si Goto a un rôle si important dans le film, et pas dans la série, c'est parce qu'il est le plus âgé de l'équipe, celui qui a le plus vécu, et qui a vu le plus de choses. Rien ne l'étonne plus, aussi son enquête n'a-t-elle plus rien de policier, puisque l'accusé est mort et que l'on sait qu'il est responsable. C'est une enquête personnelle, un moyen pour lui d'aller un peu plus loin dans les méandres de l'âme humaine. C'est pour cela que toute l'équipe est satellisée jusqu'à la fin du film, pour la séquence d'action.
Quant à la musique de Kawai, que dire si ce n'est qu'elle est somptueuse, et qu'elle retranscrit parfaitement cette ambiance à la fois mélancolique, inquiète et pourtant résignée, qui fait le propre de la personnalité de Goto.
L'un des chefs-d'oeuvre de l'animation japonaise, qui ne plaira pas nécessairement, effectivement, aux amateurs du très bon Full Metal Panic.