Piano Forest est un film d’animation calme, même sobre, s’axant principalement sur le parcours de deux enfants diamétralement opposés, dans le monde de la musique classique, et bien entendu dans l’univers prisé des pianistes.
D’abord, il me semble important de préciser qu’il peut être assez simple de vulgariser la musique classique, ce qui ne manque jamais d’horripiler les puristes et finalement de réduire en miette l’intérêt du support la véhiculant.
Ici, le film en reste au grand nom et aux grandes œuvres, mais sans jamais atteindre l’esthétique de la musique, sans jamais lui donner une image dégradante, bien au contraire. Le premier et le plus massif des écueils est donc évité.
La réalisation met en exergue chaque passage où l’on joue du piano, les accompagnants de clairs de lune mystiques, exacerbant les réactions des personnages, donnant aux notes une profondeur insoupçonnée.
Sur le plan strictement musical, le film est une réussite. Les morceaux sont beaux, et le cadre qu’on leur donne parvient réellement à leur donner davantage de matière que lors d’une écoute brute. Par ailleurs, l’existence dans le scénario d’un «piano magique», que seuls de rares élus parviennent à utiliser, et de son emplacement, perdu au beau milieu d’une forêt verdoyante, parvient une fois de plus à fictivement décupler l’esthétique des œuvres présentées. Non pas qu’elles soient différentes de ce que l’on connait, justement; c’est là toute la force de ce long-métrage, et la preuve qu’il fonctionne.
L’histoire se concentre donc sur un jeune bourgeois baignant dans la culture musicale, et un jeune enfant des quartiers populaires, bien plus crû et anodin en apparence, mais qui se révèle être un brillant autodidacte, capable de composer d’une manière exceptionnelle sans jamais avoir été instruit. Derrière eux, en toile de fond se trouvent un ancien musicien de génie au destin brisé et une compétition nationale de jeunes talents pianistes.
Rien de bien original, ni même d’un tant soit peu surprenant, si ce n’est peut-être quelques allégories représentant l’immense pression des jeunes artistes, parfois drôles et décalées, d’autres fois bien plus sérieuses. Mais au final, malgré une tentative réelle d’approche psychologique et d’analyse de la musique, de son sens et de sa compréhension par les personnages, l’intérêt réside essentiellement dans la compilation de morceaux que nous offre le film.
Il est à noter aussi que Piano Forest se veut «didactique». Il ne prend jamais de haut le spectateur, lui déblatérant un langage technique, ou des connaissances précises; au contraire, c’est une introduction au monde du piano, où l’on a même la chance (car s’en est une!) d’avoir les noms des morceaux joués qui s’affichent, afin de faire des recherches par la suite si le cœur nous en dit.
Visuellement, rien d’original non plus. Les couleurs et les décors sont parfois très beaux, d’autres fois étrangement moins bons. Les personnages sont assez expressifs, sans jamais être trop travaillés. L’ensemble se veut simple et épuré, toujours sobre.
L’animation, elle, n’a pas à se sentir en reste, puisqu’elle est optimale malgré la thématique, incluant des séquences où les personnages jouent des morceaux complexes, impliquant une dextérité et une rapidité non négligeable.
Au final, une œuvre s’axant sur un tel sujet ne parvient qu’assez rarement à atteindre une forte charge émotionnelle. La musique, si elle est mal traitée, devient sans intérêt, et comme je l’ai dit, risque d’être vulgarisée. En revanche, si le traitement exacerbe sa valeur, lui offre un cadre optimal et de bons personnages, elle peut acquérir une force insoupçonnée.
Piano Forest, selon moi, par peur de la mièvrerie ou de l’overdose de sentiments simplistes, a opté pour un traitement sobre, mais efficace. Un film divertissant, qui passe vite, avec d’excellentes séquences mêlées à un conformisme tout de même assez décevant. Certes, l’ensemble aurait pu être bien pire, mais est-ce une raison suffisante pour oublier qu’il aurait aussi pu être encore meilleur?