Ping Pong The Animation – 2,7 grammes dans le sang

Masaaki Yuasa, c’est un guerrier. Un vrai survivant. Un créateur qui a fait son chemin dans le monde la japanime sans jamais s’adonner à la compromission. Après avoir pendant longtemps servi de caution auteuriste au studio Madhouse (Kemonozume, The Tatami Galaxy), Yuasa est parti sur les routes de la précarité tantôt pour faire la pub de Production IG sur les sites de crowfunding (Kick-Heart), tantôt pour faire la pige chez ses copains (Space Dandy). On attendait son vrai retour aux affaires avec curiosité ; et si l’annonce de Ping Pong a fait ressurgir de vieux réflexes (« une série sportive, beurk ! »), l’appel du Yuasa fut juste trop puissant.

Ping Pong ne vient pas de nulle part ; issu d’un manga de Taiyô Matsumoto, auteur de Amer Béton, son adaptation animée par Yuasa et diffusée dans la case Noitamina n’a rien eu d’illogique. Et bien qu’il ait échoué au studio Tatsunoko, Yuasa a ramené la bande d’habitués : Shinya Ohira, Eunyong Choi, Aymeric Kevin, Bahi JD, toute la team est là et le spectateur prêt à recevoir sa dose.

Comme son titre le laisse éventuellement paraître, Ping Pong a pour sujet le tennis de table, ce sport souvent associé à la détente entre amis dans le jardin et qui prend un tout autre visage une fois pratiqué sérieusement. Un visage à apparence asiatique, car le sport est dominé par l’Asie et en particulier la Chine. C’est d’ailleurs ainsi que débute la série ; Smile et Peco sont deux amis d’enfance qui par le passé ont eu quelques succès dans des tournois locaux. Aujourd’hui lycéens, ils se préparent à leur premier tournoi régional. Mais un chinois nommé Wenge, récemment débarqué sur l’Archipel, vient piétiner la compétition. Les deux garçons prennent brutalement conscience du niveau qu’il leur faut atteindre…

Amitié, rivalité, tensions, les éléments attendus du genre répondent présent. Mais c’est bien évidemment la manière avec laquelle tout ceci est raconté qui fait la différence. Chacun des personnages aura une manière différente de réagir à l’adversité ; si Smile va plonger à corps perdu dans le sport, Peco va au contraire s’en détacher, tandis qu’un autre personnage va carrément l’abandonner. Il se dégage parfois une certaine mélancolie dans leurs attitudes extrêmes, mais l’anime évite le drama inutile pour traiter les remous de l’adolescence avec tendresse. Cette façon de retranscrire l’énergie de la jeunesse en oscillant entre rires et nostalgie m’a fait penser à des mangas du type de Shônan Junai Gumi, voire même GTO par exemple. Mais plus encore que les subtilités d’écriture, c’est bien sûr le style de Yuasa qui ressort en premier.

Si l’on associe le plus souvent Yuasa à la rêverie absurde de Mind Game ou aux hallucinations psychotropes de Samurai Champloo, il n’est pourtant jamais meilleur que lorsqu’il décide de représenter la réalité. Son style si particulier n’a pas pour objet de représenter la vérité, mais il est le meilleur pour représenter la vie. Lorsque ses personnages s’animent, ils ont une vie, ils ont une présence à l’écran qui les rend plus réels que dans n’importe quel anime sport-tranche de vie formaté. On pourrait comparer par exemple avec le blockbuster fujo-sportif Free. Là où KyoAni considère ses personnages comme de la viande à doujins, Yuasa considère ses personnages comme des êtres humains. Smile, Peco, Wenge, Kazama et les autres sont des humains avec une personnalité, un caractère, une évolution, un passé, un présent et un futur. Le fait que le studio ait engagé des doubleurs chinois pour les dialogues avec Wenge, par simple souci de vraisemblance, est un détail qui prouve que Yuasa et son équipe sont des gens sérieux qui ne se foutent pas de la gueule du spectateur.

Pas grand-chose de plus à dire, Ping Pong est simplement une excellente série sportive. Entraînante, passionnante, drôle, et avant tout humaine. Les fans de Yuasa – et d’animation en général - sont déjà certainement dessus, et les autres peuvent aller se régaler de cette bouffée d’air frais.