Critique de l'anime Sayonara Zetsubô Sensei

» par Inanitas le
23 Novembre 2010
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Je ne le répéterai jamais assez, à l'instar des séries FLCL ou Gankutsuou, Sayonara Zetsubou Sensei n'est pas un animé des plus conventionnels. Autant même vous prévenir, qui que vous soyez d'ailleurs, son visionnage ne vous laissera pas indifférent, vous projetant tantôt dans l'indolence, la saturation ou l'incompréhension, tantôt dans un océan d'intérêt et d'admiration, au fond duquel quelques créatures corrompues par l'association de Kouji Kumeta et de Shaft utiliseront leurs nageoires pour vous faire sombrer dans un rire incoercible... Aussi pour bien pouvoir apprécier ce divertissement édifiant, il est fortement recommandé d'avoir une connaissance de la culture japonaise, un œil critique sur les sociétés capitalistes, et même, pas mal de fantaisie et de perspicacité pour suivre les raisonnements et références parfois tordus de ce professeur atypique...

La première originalité, ou, selon votre perception, surenchère de cette série animée reste son esthétique : le design des personnages est beau, simple, et possède l'avantage de bien s'adapter aux caractères. Il suffit à son auteur de légèrement forcer son trait, ou en revanche d'ajouter quelques rides et des yeux en formes de losange, pour donner soit de la prestesse au professeur, soit tourner en dérision quelques figures de la société japonaise qui se sont glissés dans cet animé. Le support original ne souffre pas de son passage à la couleur, globalement bien gérée au cours de la série : l'ensemble est très coloré mais agréable, bien que mes yeux se soient sentis agressés par certains dégradés. La colorisation a néanmoins l'avantage de servir les nombreuses procédés utilisés par cette série, entre parodies d'estampes japonaises déjà présentes dans le manga, croquis d'audience avec figures solennelles des accusés, textures spéciales pour les vêtements, parfois les cheveux à la manière de Gankutsuou, images en prise de vue réelle, photographies, notamment de la tête de Maedax l'assistant de l'auteur; planches dichromatiques avec texte, inversion ou simple changement des couleurs, jeux d'ombres...

Cette collaboration avec le studio Shaft permettra d'ailleurs d'animer cela avec une grande fluidité, malheureusement pour le meilleur et le pire. Si certains passages, tels que le meurtre en noir et blanc du professeur, sont à mon sens tout bonnement excellents, d'autres relèvent de la torture visuelle, en vous obligeant parfois à appuyer sur pause ou à revenir en arrière tant le temps de passage à l'écran est dérisoire; ou vous agaceront tout simplement, en vous submergeant d'informations totalement inutiles... Ainsi les producteurs se sont amusés, dans quelques épisodes, à couper la trame principale toutes les 1mn30 à 5mn au profit d'une parodie d'affiche de film, d'une petite publicité, ou d'un plan de hikkikomori fan service, si ce n'est d'une petite culotte américaine. Dans certains épisodes, vous aurez aussi le droit à un tableau noir bourré de détails insipides et de références en tout genre qui changent tous les deux plans, ou encore, si je m'en rappelle bien, à un compteur situé au haut du tableau, qui une fois de plus s'amuse à évoluer (02,29,48...44... 40!) après un changement de plan puis une reprise... De quoi détourner l'attention du spectateur du rythme vraiment effréné des dialogues et, par extension, de la satire effectuée par le professeur Désespoir et ses élèves... De quoi somme toute vous faire rapidement saturer si vous prenez en plus en compte les planches aux couleurs vives qui viendront jalonner votre découverte de cette série. Fort heureusement, la bande son est globalement assez douce et agréable, avec un générique raccord et contestataire, sur le ton de la série. Je n'ai cependant toujours pas compris quel était son lien avec la seconde adaptation animé à base de bouddhisme, d'ovulation, et de lesbiennes lycéennes...

Fort heureusement pour moi, la véritable force de Sayonara Zetsubou Sensei ne réside pas uniquement dans son esthétique ou son animation, mais surtout dans sa culture et ses idées. A commencer par ses personnages, caricaturés à l'extrême, au profit d'une satirique comique à la sauce Les Simpson. Toutefois, si le nom de Homer Simpson n'évoque rien d'autre que le personnage en lui même, et peut être toutes les personnes et personnalités du même nom que vous connaissez, celui d'Itoshiki Nozomu, pour un locuteur de langue japonaise, donne déjà quelques indications... Jouant avec les lectures chinoise et japonaise des kanji et leur organisation spatiale, 糸色 望 (Itoshiki Nozomu) peut facilement devenir, en fusionnant 糸 (ito) et 色 (shiki) en un seul kanji, 絶望, (zetsubou), à savoir le désespoir. De la même manière, la sœur de Nozomu, Rin (倫) indique aussi très bien sa fonction par son nom, à savoir le fan service, étant donné que son identité joue avec l'expression très connotée sexuellement 絶倫 (zetsurin), qui signifie incomparable, au lit bien évidemment. Encore un exemple? Une jeune fille sans particularités, porte le nom de Nami Hito (並人), soit un jeu de mots avec l'adjectif 人並 (hitonami), soit ordinaire! Vous l'aurez donc compris, cette série met en scène une kyrielle de personnages caricaturés, des jeunes filles notamment (allez savoir pourquoi...), dont le caractère est souvent indiqué par leur nom. Ces fleurs en devenir, de la fan de yaoi fétichiste des oreilles, à la jeune fille timorée aux messages empoisonnés, en passant par la perfectionniste meurtrière, accompagnent notre professeur désespéré, adepte du style Zetsubou Shita! en cinq temps, dans son rythme de pensée rapide et incidemment tordu, passant ainsi d'une remarque faite à ses élèves sur leurs vies quotidienne à une satire des sociétés capitalistes; avant d'entamer une chute violente dans un comique de grossissement ou de contraste et de nous balancer une dizaine d'exemples sous l'un des fonds dichromatiques dont je vous parlais tout à l'heure. Bien sur nombreuses références tant japonaises qu'étrangères, sur les mangas, les animés, les jeux, les émissions, la littérature, la publicité, le cinéma, le base-ball, la politique, les personnalités japonaises, et j'en oublie sans doute, viendront résonner dans vos esprits et vos cœurs une fois explicités par l'animé. Vous aurez donc le plaisir de croiser au cours de votre périple édifiant vers l'épisode 12... une citation de Stendhal, un cahier de suicide appelé Death Note, l'émission de variétés HAMASHO, une héroïne de drama Damens, une parodie de Mission Impossible, une autre vision du conte Le joueur de Flute de Hamelin, la fusion de Tsunetsuki et de Nozomu façon Dragon ball Z, le programme Unlucky Channel, un récit titré Hashire Eros, des références à la Révolution Française, une parodie de Godzilla dessinée par un enfant en bas age; le tout sous fond de diatribe des sociétés capitalistes, de réflexions parfois absurdes sur multiples aspects de la vie quotidienne, d'exposition de problèmes propres à la société japonaise comme l'immigration illégale, les violences domestiques, le harcèlement moral, ou la difficulté à s'intégrer dans la vie active; et d'évènements banals dans la vie d'un étudiant japonais tels que la rentrée des classes à la saison des cerisiers, la sortie à Kyoto ou Okinawa, les bains publics ou sources chaudes, les vacances d'été et son indémodable Comiket, le festival culturel, l'arrivée d'un élève transféré de l'étranger, le fan service dans les animés...

Fort de la simplicité et la beauté de son trait, sa richesse culturelle, son comique parfois irrésistible et sa satire, Sayonara Zetsubou Sensei saura vous divertir mais aussi vous instruire, si vous avez le courage de compléter votre visionnage par quelques recherches. Néanmoins, sans doute à cause de son format assez court et de la réalisation assez expérimentale proposée par Shinbo et son équipe, le rythme est extrêmement irrégulier et foisonne parfois un nombre incalculable de détails inutiles, au détriment d'une critique trop fugace, contrastant ainsi avec un fan service bien trop récurrent, à l'inverse même de la matière première qui le nous propose occasionnellement en fin de chapitre... Fort heureusement la deuxième saison est un peu plus équilibrée, créative, et efficace, montrant ainsi que les producteurs, à défaut de toujours critiquer les autres, savent aussi remettre en question leur travail.

J'attribue donc un joli 7.5/10 à cette perle graphique de l'animation japonaise aux erreurs de jeunesse fort heureusement rattrapées dans la deuxième saison.

Verdict :8/10
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A propos de l'auteur

Inanitas, inscrit depuis le 23/11/2010.
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