Shingeki no Kyojin - le colosse aux pieds d'argile

» Critique de l'anime L'Attaque des Titans (TV 1) par Deluxe Fan le
30 Décembre 2013

Après l’échec de Guilty Crown, qui reste sans doute la série que j’ai le plus détestée depuis que je suis dans le fandom d’animes – et je ne parle pas simplement de déception, je parle bien de haine -, je ne portais pas vraiment Tetsurô Araki dans mon cœur. Certes il avait réalisé le fameux Death Note, que j’ai aimé comme tout le monde, mais il tenait pour moi le rôle du gars qui enchaîne les blockbusters et qui attire l’attention sur lui alors que d’autres font mieux à côté.

Revenu aux affaires avec une adaptation de shônen, Araki a eu l’honneur d’inaugurer le studio Wit, annexe au (plus si) prestigieux Production IG. Shingeki no Kyojin a roulé sur la concurrence en 2013 mais le mérite-t-il ?

Le point principal que j’ai apprécié dans SnK est que même en adaptant un shônen mainstream, le réalisateur a donné une vraie direction artistique à la série. La DA c’est ce qu’il y a de plus important dans un anime pour moi, plus encore que l’histoire, car elle va donner une identité à la série. C’est cette identité qui va permettre à la série d’être reconnue d’un simple coup d’œil sur un screenshot, un gif ou un extrait. La DA c’est le cœur du travail de recherche et de créativité des artistes, et c’est ce dont manque pas mal de productions animées qui ont tendance à se plagier et à se confondre.

Anyway, la DA de SnK a fait comme choix de coller au trait rugueux et épais du mangaka Hajime Isayama, et de conserver des effets propres à la bande dessinée comme les trames sur les visages ou les lignes de vitesse. Cette orientation « manga animé » part d’une vraie intention stylistique et se retrouve jusqu’au premier opening où l’on voit ce qui ressemble à des cases de manga. De la même manière ont ressent une cohérence au niveau des couleurs choisies pour composer les décors et les designs avec de l’ocre, du blanc et du vert. Des couleurs plutôt chaudes qui correspondent bien à l’atmosphère bouillante de la série.
Au niveau de l’animation on a reproché l’utilisation abusive des plans fixes, avec un simple effet crayonné cheap pour économiser l’animation. Sauf que là encore, volontairement ou non, ces plans participent à la DA typée « manga animé » en insérant dans la série des images que l’on pourrait croire tirées d’une BD. Allez donc voir la première série télé Berserk de 1997, vous allez adorer les plans fixes.
Autrement, l’animation fait du très bon travail et on sent que les animateurs se sont fait plaisir avec les manœuvres aériennes et l’animation des titans qui sont toujours jouissives à regarder s’animer.

Voilà pour les qualités.

L’histoire globale de cette série est une grande fumisterie. Dès le départ il est acquis que l’intrigue va avoir pour enjeu la reconquête du Mur et la cave du papa. Sauf que ces plots basiques ne sont même pas résolus au bout des vingt-cinq épisodes. Il faudra attendre l’épisode 16 pour que l’on s’y consacre pleinement mais il y aura évidemment une embrouille qui retardera la résolution, tant et si bien que la série se termine en revenant à la case départ. Rien ou presque n’a changé entre le premier et le vingt-cinquième épisode : le Mur est toujours envahi, le secret des Titans n’est toujours pas révélé. La seule avancée de la série concerne deux personnages dont on ne peut pas parler sans spoiler et qui apportent un mystère supplémentaire, mais là encore on termine la série sur des questions et non sur des réponses. Qu’a-t-on accompli ? Mis à part un arc de trois épisodes consacré à des travaux de maçonnerie, les personnages ont échoué dans toutes leurs entreprises.

En entrant dans le détail le constat est là aussi mitigé. Les épisodes individuellement manquent de rythme, et la tension qui arrive à s’installer par les (nombreux) cliffhangers est systématiquement amoindrie par des longueurs insupportables. Ceux qui suivaient la série en mode hebdomadaire ne s’en sont peut-être pas rendus compte, mais en regardant l’ensemble d’un seul coup on ressent pleinement les baisses fréquentes d’intensité, probablement dues à la contrainte de respecter le chapitrage du manga tout en se pliant au découpage en épisodes de 25 minutes.

Selon mes statistiques maison, un épisode de SnK se compose à 10% de génériques, 20% de récapitulatifs/flashbacks, 40% de blabla et autres discours, pour enfin 20% de scènes d’action où il se passe quelque chose. Le rapport s’améliore en fin de série mais pour la soi-disant nouvelle référence du shônen d’action c’est un peu moyen. Et j’entends déjà ceux me dire que c’est normal que les personnages discutent car ils élaborent des stratégies ololol c’est trop intelligent : ce n’est pas vrai. La stratégie ne concerne que deux personnages, Arwin et Erwin, et doit occuper au mieux quinze minutes dans toute la série. Le reste du temps on a des personnages qui s’apitoient sur leur sort, d’autres qui débitent des discours héroïques qui auraient plus d’impact s’ils n’étaient pas répétés tous les deux épisodes et enfin les éternels commentateurs qui expliquent au spectateur ce qu’il est en train de regarder.

La musique de la série est maladroite et boursouflée. Il n’y a pratiquement pas une scène qui ne soit pas accompagnée de musique et celle-ci n’a style ni cohérence : on a les compositions symphoniques de circonstances, les chorus, de la dubstep, et des insert songs à la Number One. Certains thèmes précis arrivent à se faire remarquer mais ils sont noyés dans cette cacophonie. Il ne suffit pas que la musique soit impressionnante pour impressionner, il faut qu’elle corresponde à ce qui est dit à l’image et qu’elle réponde elle aussi à une direction artistique. En l’occurrence le compositeur a repris le même genre de sons que pour Guilty Crown, alors que les deux œuvres n’ont rien à voir ne serait-ce qu’en termes de setting.
Celui qui explose vraiment est Revo, le talentueux compositeur des openings de la série, qui est également à l'origine de la très efficace bande-son du jeu Bravely Default. En voilà un dont on va entendre parler.

Finalement, SnK m’a fait une impression similaire que Fate/Zero, lui aussi très hypé sur ce site : c’est beau mais c’est vain. Il y a plein de bons moments, on essaie de construire quelque chose mais ça parle beaucoup pour ne mener nulle part. Toutefois SnK reste évidemment meilleur que Fate/Zero, et dispose de vraies qualités indiscutables comme sa DA, son world-building et ses personnages, et les nombreux moments de bravoure de son animation qui profite d’une intégration de la 3D ambitieuse et réussie. Dommage donc que l’intérêt du scénario ne repose que sur ce qu’il promet et non ce qu’il dit précisément.
En définitive la faille fatale de SnK et d’être dépendant d’un manga pas terminé, dont l’auteur lui-même ne sait pas quoi faire, tout en étant pressé par des producteurs avides cherchant à capitaliser sur le succès à court terme. Les voyants sont au vert pour la suite, mais au rouge pour ce qui est de réaliser le potentiel de l’univers. Ainsi Shingeki no Kyojin est l’anime le plus hollywoodien du Japon, pour le meilleur et pour le pire.

Verdict :7/10
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A propos de l'auteur

Deluxe Fan, inscrit depuis le 20/08/2010.
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