Critique de l'anime Texhnolyze

» par Vit Zayder le
24 Février 2009
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Je n'ai vu que deux œuvres dans lesquelles Yoshitoshi Abe a joué un rôle. J'ai apprécié Haibane Renmei et mon cerveau a disjoncté sur Serial Experiments Lain. Alors quand je me suis penché sur Texhnolyze, je m'attendais au meilleur comme au pire.

Pour arriver à décrire mon sentiment, je suis obligé de spoiler plus que d'habitude. Néanmoins ça ne devrait pas gâcher l'œuvre dans son ensemble.

Autant le dire tout de suite, Texhnolyze, c'est de l'expérimental. Le premier épisode est tellement recherché à tous les niveaux qu'il en devient prétentieux et déroutant. On peut facilement décrocher ou rejeter ce qui semble être un sous-Lain voire un sous-Gunnm.

De plus, le fait qu'il y ait plus de dialogues durant l'épisode 6 que durant l'ensemble des 5 premiers épisodes n'est pas franchement engageant. Et pourtant, on se fait happer par ce style, cette ambiance, cet univers. Bref, il faut s'accrocher. Derrière, se dévoile quelque chose qui tient selon moi du chef d'œuvre...

Avec le recul, cet univers fait beaucoup penser à Gunnm. La ville de Lux, pauvre, glauque et désincarnée, dans laquelle les gens se prêtent à tous les vices, est dominée par des gens vivant dans des hauteurs inconnues et inaccessibles selon une routine que personne ne semble remettre en question.

Et au milieu de tout ça, des gens possédant des membres bioniques, les Texhnolyzed, dont le fonctionnement est intimement lié à la raison d'être de la ville : le Raffia, une ressource disponible uniquement sous Lux. Et qu'à cela ne tienne, les perturbations seront d'abord amenées par le Desty Nova local lui aussi venu de la surface (le Zalem local), Kazuo Yoshii.

Ceci dit, les ressemblances s'arrêtent là. Autant Texhnolyze est à la fois plus glauque, et psychologiquement violent que Gunnm, autant il est beaucoup moins trash et cyber punk. Sans parler de l'absence de combats excellement chorégraphiés.

Malgré de grands changements dans cet univers au cours de la série, on constate que les auteurs ne se servent de tout cela que comme d'un argument visant à une analyse ou plutôt un essai sur la nature humaine.

En effet, les thèmes apparents que sont la lutte contre le destin, la fin du monde voire la dégénérescence des sociétés fermées sont tous voués à l'analyse des personnalités complexes qui sont mises en scène. Chacun des personnages importants de la série ont tous des personnalités aussi originales et jamais vues que totalement déviantes d'une manière ou d'une autre.

Que ce soit l'aseptisée Doc ou le stoïque Ichise, tous cachent une volonté de violence et/ou des dérives psychologiques profondes. A la manière de Paranoia Agent, l'impression que l'on a, c'est pourtant qu'ils ne sont que les incarnations exacerbées de sentiments que l'on a tous un jour ressentis sans se l'avouer.

Cela participe à cette impression globale de dégénérescence et de désespoir. Et malgré tout, on se rend compte que si tous tendent vers leurs vices et/ou la destruction de l'autre, ils sont initialement motivés par une envie de vivre démesurée.

Cette ambivalence vie/mort est l'ossature de Texhnolyze. Grossièrement résumée, la thèse des auteurs semble être qu'il faut détruire pour pouvoir vivre plus que survivre et cette pulsion amènera à se détruire soi-même. Bien que glauque, il n 'y a pas là de réel pessimisme ou misanthropie.

Au contraire, on loue l'individu et son envie de vivre et d'évoluer tout en constatant qu'en faisant cela, l'homme crée une société qui finira par le détruire en tant qu'espèce.

On retrouve aussi une analyse des différentes manières que l'homme à de s'associer pour assouvir ces pulsions de vie/mort. On trouve le gang des Racans fonctionnant comme des groupes de Hooligans, frappant pour vivre, la secte de l'Union ou l'organisation mafieuse des Organos.

On a là trois types de "groupements humains" servant cette théorie qui veut que l'homme se groupe pour assouvir ses pulsions de vie mais que ce même groupement l'amènera à détruire et à être détruit.

L'espoir n'est guère présent, pas plus que l'humour. On est oppressé du début à la fin par la violence physique et psychologique dépeinte et cette ambiance de fin du monde où les survivants de l'humanité semblent vouloir joyeusement s'entretuer de la manière la plus horrible possible.

Et cela implique une trame parfaitement rythmée. Si cela devient lent, c'est que cela sert l'intrigue. Sans oublier des révélations particulièrement bien placées et une conclusion magnifique mais pas imprévisible, servant de point d'orgue à la tragédie d'Ichise.

Le chara-design original et précis participe au réalisme ambiant. Les séquences d'action, très bien réalisées à tous les niveaux, rendent compte de la violence extrême dont est capable l'être humain. La précision chirurgicale des armes des Ombres est même dérangeante au plus haut point, cette manière de trouer purement et simplement la matière. Violent et propre.

Les plans fixes de décors magnifiques mais vides accroissent le sentiment d'oppression. Pour décrire la société particulière de la surface, les auteurs utiliseront même pour les décors des techniques et des couleurs habituellement utilisées pour provoquer les sentiments inverses de ce qu'ils nous procurent dans Texhnolyze.

On atteint dans les derniers épisodes le paroxysme de cet "anti-graphisme". Quand le Soleil et la nature deviennent l'apanage des Enfers...

Texhnolyze possède donc une animation et une "beauté" visuelle de très haut niveau pour un anime de 2003. Avec une mention particulière à Doc, qui est l'un des personnages féminins les plus magnifiquement réalistes qu'il m'ait été donné de voir dans un anime.

Quant à la bande son, c'est un chef d'oeuvre en soi. On côtoie les hauteurs et l'OST de Texhnolyze avec ses musiques tantôt jazzy, tantôt ambiance flippante, tantôt country tantôt électro technoïde assourdissante peut tutoyer les OST de Cowboy Bebop ou Samurai Champloo. A noter un opening magnifique.

Dans une variation de la théorie du bon sauvage de Rousseau, Texhnolyze soutient plutôt que si l'homme n'est pas forcément bon à l'origine, il recherche toujours la vie. Mais c'est lui qui se créera cette société qui le pervertira et le détruira.

Il y a certainement beaucoup d'autres choses à analyser dans cet anime. Je n'ai cité là que ce qui me semble être l'essence de Texhnolyze.

Servi par un visuel saisissant et une bande son extraordinaire, Texhnolyze est pour moi un chef d'oeuvre. Son seul point faible à mon sens : son imperméabilité, sans doute supérieure à Serial Experiments Lain bien que spirituellement plus accessible. Bref, puisqu'on peut facilement détester, je tempère ma note. 9,5 au lieu de 10...donc 10. Ce sera la touche d'optimisme en offrande à cette série !

Verdict :10/10
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A propos de l'auteur

Vit Zayder, inscrit depuis le 20/01/2009.
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