Nous sommes au début de l’année 2000, je zappe les différentes chaînes d’animation pour gamin, j’arrive sur Cartoon Network, candide et encore sous l’euphorie générale d’avoir reçu ma seringue de Roger (vous savez ce gant de ménage utilisé comme marionnette, dit comme ça, ça fait un peu pitié et vous n’auriez pas tort), c’est alors que débute le premier épisode d’une toute nouvelle série.
Le générique, capable de faire criser un épileptique et dont l’unique phrase est « Big O » répétée environ 51 fois, me donne une envie irrésistible de voir la suite (c’est dire l’état mental dans lequel j’étais, stone). Mais ma candeur habituelle va rapidement laisser place à un certain étonnement, cette nouvelle série s’avère être bien différente de toutes celles qu’ils m’aient été données de voir. Pas de bestioles qui évoluent, pas de 3 petites filles qui fracassent la figure à un vilain singe et un yéti qui aime jouer du banjo, loin de là. Non rien de tout ça, du haut de mes 6 ans (et demi, c’est important pour la suite), je dois faire face à une ambiance noire, des affaires policières et un mystère très épais, autant de points qui résument assez bien l’aspect global de cet anime amer… euh Japonais ? Vous êtes sûrs ?
Rien que scénaristiquement, tous les lieux communs du parfait polar à l’américaine sont rassemblés et rarement un héros de série (ici Roger Smith, notez au passage le nom loin des connotations japonaises habituelles) n’aura autant ressemblé à notre célèbre Bruce Wayne (c’est d’ailleurs l’une des principales critiques qui a pu être faite à l’anime). Même aujourd’hui, après avoir revu entièrement la série, l’ambiance générale m’a paru simplement excellente. L’action prend place dans une mégalopole, Paradigm city (et non Gotham City !), également lieu de refuge pour tous les humains encore vivants suite à une catastrophe survenue 40 ans plus tôt.
Cependant, une interrogation des plus importantes subsiste, interrogation qui fera office de fil conducteur aux arcs toujours bien différents dans leur scénario, que s’est-il véritablement passé lors de cette catastrophe, mais aussi avant ? Car autant vous le dire de suite, l’une des bases de l’anime provient du fait que tous les habitants aient perdu leurs souvenirs de la vie qu’ils menaient par le passé, habitants qui pour la plupart ont passé le cap de la folie telle qu’on l’entend généralement.
C’est dans un tel contexte que Roger fait son apparition, ou plutôt lui et sa machine de guerre : le megadeus Big O (pour faire simple un mécha bien baraque et classieux si le chara-designer ne lui avait pas mis cette crête rouge façon coq affreuse sur le haut du crâne). Chaque arc présente donc une nouvelle affaire qui nous rapprochera un peu plus de la vérité, un découpage scénaristique très intéressant, voire même passionnant à suivre tant il laisse place à une montée en puissance de l’intrigue jusqu’aux révélations finales. Aussi si vous commencez à en avoir assez des histoires classiques et pas forcément efficaces des animes actuels, celle-ci pourrait peut être vous convenir, tout du moins vous intéresser (pour peu que le mécha ne soit pas pour vous source d’allergies et autres éruptions cutanées).
Un bon point donc qui se voit en plus de cela agrémenté d’une psychologie plus ou moins travaillée (mis à part le héros qui se contente d’avoir la classe en se baladant, même dans les égouts, en costar), avec une panoplie de personnages au background intéressant (le majordome, la cyborg qui a le droit à un arc simplement excellent). Comme cela a déjà été dit, c’est surtout sur la démence que joue la série (un homme qui mange des tomates parce que leur jus lui fait penser au sang, on est pas loin d’un Roi sans divertissement de Jean Giono), mais aussi sur un sentiment d’oppression constante. A première vue, cette critique commence très bien non ?
On en arrive au point de l’animation donc, et là, le poids de ses douze ans et la surabondance de méchas, font que le tout a (forcément) vieilli, mais pas si mal qu’on ne pourrait le croire. En Effet, les couleurs grisonnantes, la ville, sale et souillée par le crime, bref tout ce qu’on peut attendre de ces films noirs est là, bien retranscrit, on se plonge facilement dans l’univers présenté glauque à souhait. En même temps quoi de plus normal si je vous dis que le graphisme de The Big O est le fruit de la coopération de Keiichi Sato (MONSIEUR City Hunter, Karas…) et Kazuyoshi Katayama (le tout premier Appleseed, Le roi des Ronces), je sais, deux noms comme ceux là, ça fait saliver.
Le résultat reste tout de même loin des œuvres précitées, on est à la fin des années 90, rappelons-le, mais le tout se défend encore assez bien, tout du moins assez pour que le graphisme général ne soit pas un frein au visionnage de l’anime. Le chara-design, lui, n’est clairement pas ce qu’il se fait de mieux, quelque soit l’année de production. Il y’a un véritable manque d’inspiration tant cette impression déjà évoquée de repompe des Batman est importante. Le héros comme son majordome paraissent être de véritables clones, et même le grand « méchant », mix du Joker et de Double Face, en clair ils n’apportent rien à l’intérêt qu’on pourrait porter à la série. Reste quelques personnage sympathique (la fliquette qui m’a rappelé des animes comme Albator) et des méchas bien fichus pour la plupart.
Premier bilan mitigé ici donc. Enfin, pour ce qui est de tout ce qui relève de l’animation en particulier, c'est-à-dire tout ce qui relève des « combats », c’est très moyen. Les rixes sont mises en scène sans véritable prétention (ça fait un peu Power Rangers, en mieux tout de même sinon on frôlerait la catastrophe), rien de bien passionnant de prime abord mais la mise en scène est telle qu’on ne s’endort pas, c’est déjà ça de pris, et puis même s’ils jouent un rôle dans le scénario, ces derniers sont loin d’être la plaque centrale de l’anime. N’oublions pas qu’on a affaire à un polar avant un mécha. Un paragraphe plus ou moins en demi-teinte, comme la grande majorité des animes de cette époque, il subit le poids du temps, sans pour autant être moche (c’est pas un Monster Rancher ou un Pokemon non plus !).
On en arrive donc au dernier point de cette critique, l’ambiance sonore. Encore une fois, on a le droit à quelque chose d’assez particulier, mais de vraiment réussi dans son genre. La majeure partie de l’OST est un mélange de sonorités épiques, angoissantes, lancinantes mais surtout terriblement entraînantes, un ensemble de sentiments qui finalement caractérise à merveille l’idée que je me fais de ce genre d’anime. Les thèmes s’enchaînent avec une cohérence avérée, chaque piste correspond à une situation, un sentiment, une action et la retranscrit comme il se doit. Il y’a du bon boulot là-dessous et je vous invite d’ors et déjà à écouter une des pistes principales de l’anime : Stand a chance, qui regroupe finalement assez bien les sensations dont je parlais quelques lignes auparavant. Une franche réussite.
Vous l’aurez compris, cette série m’a emballé, aussi bien il y’a 10 ans qu’elle n’a su le faire très récemment, à l’occasion d’une envie soudaine de redécouvrir cet univers. Proposant une avancée rapide mais non survolée de la trame principale, l’ennui ne pointe que rarement le bout de son nez, encore un bon point ai-je envie de dire. Et toute cette accumulation d’arguments positifs font que le constat est sans appel. J’aime et le temps n’a pas su altérer l’intérêt que j’ai porté à The Big O. La note ne saurait être objective, comme toute cette critique au final qui dépasse largement les bords de la vision détachée de tout sentiment, mais autant ne pas me mentir à moi-même, The Big O, je t’attribue la belle note de :