Un opening somptueux qui a parfaitement capturé l’esprit du manga, un ending rafraîchissant qui tombe à pic après s’être fait doucher à la testostérone, mais entre les deux : c’est la soupe à la grimace. A la base, Toriko est une œuvre qui repose sur trois piliers. L’humour, la brutalité, l’exagération. Adapté pour être tout public, l’une de ces colonnes est retirée, et voilà que l’ensemble commence à se casser la gueule. Grand fan de la version papier, à mes yeux, l’anime oscille entre vaguement sympathique et carrément décevant.
Pour être pris au sérieux, le manga lui-même demande un temps d’adaptation. Le concept de l’œuvre après tout, est difficile à appréhender. Le monde de Toriko tourne autour de la boustifaille, notre protagoniste risque chaque jour sa vie dans des épisodes périlleux de chasse, pêche & cueillette, et il défait ses adversaires en usant de techniques mimiquant le couteau et la fourchette. Néanmoins, c’est en admirant une quête qui verse dans l’épique et le sanglant que l’on se prend d’affection pour Toriko. Les combats sont crus et violents, le protagoniste saigne et risque souvent la mutilation, sans que jamais sa ferveur et son esprit combattif ne faiblissent. Bien que pensant « Pfff, c’est ridicule » de voir un homme se faire mettre en pièces pour goûter à un bol de soupe millénaire, on ne peut s’empêcher d’être scotché par les affrontements sans pitié et empreints de détermination qu’il mène. Finalement, l’œuvre de base dépasse le côté grotesque de sa situation pour s’attacher notre respect.
Mais dans l’anime, tout-public et donc dépourvu de cette impression de violence et de dangerosité, impossible d’oublier l’aspect burlesque de l’histoire. Les coups du tranchant de la main de Toriko, capables de fendre en deux un alligator de six tonnes, ici, provoquent fumée et autres effets visuels de censure. De fait, les combats perdent très sensiblement de leur cachet. Vous n’y verrez probablement pas une seule goutte de sang. Les trous et coupures profondes sont transformés en jolis hématomes propres sur eux. Il convient après tout de plaire jusqu’aux plus jeunes.
De fait, l’anime joue davantage sur son côté comique. Les noms des techniques et des plats sont prononcés avec un évident surjeu, une emphase et dramatisation qui fait facilement sourire. La série progresse rapidement, on enchaîne les arcs du manga à toute berzingue, ce qui est une bonne chose, car entretient une certaine dynamicité. Visuellement, ce n’est pas toujours très régulier. Certains plans, notamment lors de combats, me paraissent carrément laids. C’est néanmoins plutôt ponctuel et ne m’aura sauté aux yeux qu’une ou deux fois. Musicalement parlant, mis à part ces opening et ending que je trouve très réussis, rien ne m’aura vraiment paru exceptionnel. Le doublage de certains ennemis est toutefois très crispant.
Dans l’apparent but de s’attirer l’audimat du jeune public masculin, l’anime rajoute une héroïne en la personne de Tina. Une journaliste gastronomique qui se débrouillera pour suivre Toriko dans toutes ses aventures, et souvent dans des tenues un peu moulantes mettant en avant ses arguments. Ceci étant posé, je n’arrive pas à trouver d’autre raison à sa présence. Il est vrai qu’à la base, le manga est singulièrement dépourvu de protagonistes féminins. L’histoire est légèrement trafiquée de ça et de là pour légitimer l'existence de ce personnage inédit, qui se révélera souvent superfétatoire.
Donc, si les passages « dégustations » de Toriko gagnent à être animés, les combats quant à eux perdent une bonne partie de leur intérêt, n’étant désormais guère plus impressionnants. Un sacré point noir pour un shônen, néanmoins, l’adaptation a probablement rempli une bonne partie de ses objectifs. Les plus jeunes peuvent visionner sans heurt, même si cela est un peu douloureux pour les adeptes du manga de ne plus y voir qu’une alternative à la onzième saison de Pokémon. Mention spéciale toutefois pour l’introduction, suivant chaque fois l’opening et présentant les ingrédients merveilleux du monde de Toriko. La voix du narrateur est délirante, et visuellement, c’est toujours très joli ou donne très faim.
Ce que j’essaie de vous transmettre avec cette critique, c’est que l’anime Toriko, sans être exceptionnel, n’est pas non plus un désastre complet. Les fans de la version papier auront certainement du mal à apprécier l’œuvre plus qu’à moitié, mais pour les autres et notamment les plus jeunes, elle se révélera divertissante.