Voici une œuvre dont il est difficile pour moi d'en faire une critique. Une œuvre complexe et aboutie, une horrifique poésie, un subtil récit éthique. Une boite, qui cache une boite, qui cache les abysses.
L’histoire s'étale dans le temps, pendant l'ère Shōwa, entre croyance shinto, souvenirs de guerre et quotidien d'après-guerre.
Les couleurs sont fondues, on a parfois droit à du sépia, parfois à des couleurs vives. Ce choix des couleurs, tout comme le choix du rythme narratif permet au spectateur de se rappeler dans quelle boite le récit l'a enfermé. Car entre les délires d'un écrivain traumatisé, les interrogations d'un détective mis à pied, l' hasardeuse enquête d'un journaliste, les réflexions d'un Onmyōji réticent à l'idée de se confronter à la noirceur humaine, les points de vue se multiplient, les informations affluent et embrument l'esprit.
On suit alors les fils de chacun des récits, démêlant lentement les nœuds, observant le destin des véritables protagonistes se dérouler sous nos yeux. Rusé sera celui qui aura trouvé le fin mot de l'histoire au onzième épisode. Le scénario, donc, est bien ficelé, porte le spectateur là où tout commence et où tout finit : la boite.
Cette boite est la métaphore de la folie, de plusieurs folies. Elle représente à elle seule nos peurs, nos désirs, nos faiblesses, notre imaginaire psychotique. A la fois le contenant et le contenu. A la fois le vivant et la machine.
Ici commence une fine réflexion sur le maintient de la vie, l'éthique médicale et scientifique, le désir d'immortalité. Sujet d'actualité s'il en est, à l'heure où on discute encore d'acharnement thérapeutique, de vie maintenue artificiellement. L'animé ne débat pas de ce sujet là, non.
Il montre seulement la détresse des gens face à cet instant d'entre-deux où ils se demandent s'ils peuvent encore espérer. Il montre aussi la détresse face à la perception de la faiblesse et de l'imperfection de ceux qu'on aime dans la maladie et la mort. Il montre enfin les psychoses et traumatismes qui s'installent quand cette perception est devenue insoutenable : le basculement vers l'acte assassin, le basculement vers la folie, l'emprise du monstre caché dans la boite.
Car, quand la boite s'ouvre, ce qu'il en sort n'est pas très beau à voir et à entendre. On pourrait regretter le coup de théâtre final, le procédé narratif qui tombe dans la facilité mais en y réfléchissant un peu plus, il ne pouvait en être autrement. Il fallait bien que les monstres soient nourris par les abysses de la noirceur humaine. L'origine du récit ne pouvait pas être un sentiment pur et lumineux.
On sort donc de visionnage de cet animé avec toutes les réponses aux énigmes qu'il avait posées. On reste songeur quant aux problématiques à peine soulevées qui s'effacent de tout façon devant le récit de vies brisées et recollées. La boite est refermée.