Crisis Core, ou l'art de sublimer une licence malmenée pour le plus grand plaisir des fans. On le sait tous, le septième épisode de la saga principale a eu un effet et un essor retentissant à travers le vieux continent. La sauce est peut être redescendue avec l'arrivée des opus PS2 qui ont su également faire parler d'eux en bien comme en mal, mais l'engouement était toujours présent, là, dans notre coeur de gamer nostalgique.
Et voilà que Square annonce une batterie de dérivés (jeux, film, animes...) autour de cet univers. Si les premiers produits sortis laissaient véritablement penser à du pur pompage de fric comme on en fait plus, à grand coup de fan-service (FFVII Advent Children) ou de jeu à moitié fini (FFVII Dirge of Cerberus), l'inquiétude quant à ce Crisis Core était bien présente. Et vous savez quoi ? Elles étaient infondées.
Crisis Core, j'ai aimé, j'ai adoré même. Se hissant sans problème comme mon jeu préféré sur la première portable de Sony, j'ai du le finir entre 4 et 5 fois. Aujourd'hui il est temps d'en faire une critique sérieuse.
Tellement de points à aborder que je me perdrai presque sur leur ordre d'importance. Déjà il convient de lancer quelques avis sur le casting. Et là on a un large revirement à mon sens en comparaison des personnages de l'épisode initial. Ne serait-ce qu'au niveau de l'ambiance générale. FFVII, c'était un jeu qui, sous des dehors complexes, proposait des personnages un peu fanfarons, marrants même. Ici tout est torturé, indiscernable, et il n'est pas impossible de voir des changements de personnalités radicaux en plein milieu de l'aventure (vous me direz que Cloud nous avait déjà fait le coup, c'est vrai, mais là c'est plus prononcé encore).
Zack fait sans aucun doute partie de ces figures marquantes. A peine évoqué dans le premier jeu, le voilà héros de sa propre histoire. Au départ enjoué, toujours prêt pour un petit combat, les événements s'enchaînent, le marquent durement et l'aventure se finit avec une toute autre personne. Frappé aussi bien physiquement que mentalement par ses innombrables combats, il progresse dans un monde qu'il ne comprend plus, qui le rejette.
On découvre un Cloud jeune, qui fait ses premiers faits d'armes fort difficilement en tant que recrue. Peu sûr de lui, la fin de l'aventure que tout bon fan devinera à l'avance sera pour lui brutale et déclenchera le trauma qu'on lui connaît. Les Turks de manière générale sont toujours aussi mystérieux même si leur collaboration avec Zack permettra de mieux cerner leurs différentes personnalités. Cissnei, personnage inédit, est particulièrement attachante (et puis je veux savoir quel est ce fameux secret !).
Aerith, quasi-seule touche féminine de l'aventure, apporte cette légèreté, pureté même qui vient quelque peu éblouir cette triste peinture industrialisée réalisée par la Shinra. On y découvre sa passion pour les fleurs, et surtout on assiste à la naissance d'un amour impossible, tragique au sens littéraire.
Reste enfin le plus gros de l'affaire, le fameux trio Genesis/Angeal/Sephiroth. Deux personnages tous neufs d'un côté, un troisième totalement revisité de l'autre pour fomenter l'intrigue. Genesis qu'on craignait être un apport raté pour l'univers se révèle surprenant mais à mon goût trop torturé. Presque lanscinant sur les bords, il n'en est pas moins charismatique, classe et son évolution est-elle aussi intéressante à suivre. Angeal qu'on voit pourtant souvent dans la première partie du jeu est à mon sens celui dont on en apprend pas assez. Mentor de Zack, on voit d'où ce dernier a puisé sa personnalité mais il aurait gagné à dévoiler un peu de son background. Sephiroth, comme nombre d'autres protagonistes subit un changement conséquent de nature, on sait enfin d'où vient cette rancoeur, cette folie meurtrière qui aura donné naissance à ce septième épisode.
Voilà donc un sacré pavé sur le casting, mais un pavé nécessaire sans lequel mon mot sur l'histoire n'aurait pas eu de sens.
Car l'histoire, c'est de très loin tout l'intérêt de l'oeuvre présentement critiquée. La fin de l'aventure, comme je le disais précédemment, on la connaît. Ou bien vous n'avez pas fait FFVII avant Crisis Core ce qui est certainement une erreur tant cela pourrait enlever en intérêt au titre. Crisis Core se veut comme le jeu réponse à FFVII, celui qui élucide toutes les interrogations persistantes. Pourquoi Sephiroth en veut-il au monde entier ? Comment Cloud en est venue à devenir si sombre ? Quelle importance a eu Zack pour Aerith au point qu'elle l'évoque comme son premier amour ? D'ailleurs, qui était ce Zack, que lui est-il arrivé ? Cet opus est également un moyen de faire le lien avec d'autres travaux de la compilation (surtout Advent Children où l'on y trouvera nombre de références).
Bref enfin des explications, et clairement les scénaristes se sont pas foutus de nous. Torturé, prenant, émotionnel, touchant, peut être déprimant, Crisis Core est certes difficile à vivre mais il n'est ni plus ni moins qu'une métaphore de la vie. On apprend des personnes qu'on admire, on grandit, on vit des expériences qui nous façonnent, on découvre l'amour, on est trahi... Autant de points abordés dans un récit condensé qui a à mon avis tout ce qu'il faudrait pour figurer en tant qu'épisode de la saga principale.
L'intrigue première n'est jamais lassante, les révélations se succèdent sans temps mort et la coupure intervenant vers le milieu est l'occasion d'assister à récit tout autre. Et ce changement est en tout point maîtrisé, pas de stéréotype à l'horizon, des comportements humains et une course à la vie qui débute pour notre soldat. La dernière heure et demi de jeu a pour moi été d'une dureté presque sans précédent, du genre inoubliable.
Et pourtant, lorsque le petit "The End" s'affiche sur votre écran avec en fond sonore de la J-POP fort bien interprétée et une reprise superbe des thèmes majeurs de FFVII, la larme à l'oeil vous vous dites que ce jeu valait le coup d'être fait. Quand en plus on ajoute tous les petits à côté comme ce début de romance et le travail opéré sur les relations, on aboutit à du tout bon.
Et pour rythmer et illustrer un récit de cet ampleur, quoi de mieux qu'une extase sonore et visuelle. Graphiquement, y a du très bon, un peu de moins bon mais ça relève bien souvent du chipotage. A l’époque de sa sortie on parlait déjà d’un travail qui en imposait, proche d’un rendu PS2. Ces dires étaient justifiés, c’est bien la première fois que je prenais une telle baffe technique sur un écran de cette taille.
In-game, si l’on regrettera des environnements souvent un peu morts, on y relèvera cependant un travail fourni et détaillé. L’animation est excellente, les différentes techniques pouvant être enclenchées sont un spectacle visuel de chaque instant, même aujourd’hui. Les cinématiques faites avec le moteur du jeu sont elles aussi fort réussies, peut-être un peu baveuses mais encore une fois ça relève du détail, et il faut avouer qu’on saisit clairement chaque expression faciale, chaque mimique des protagonistes. En revanche que dire de ces cinématiques CG que l’on sait d’avance bluffantes mais qui n’ont de cesse de nous décrocher la mâchoire ? Square-Enix est un studio connu pour ce genre de petites prouesses mais l’effet est toujours le même, pour mon plus grand plaisir. Que ce soit la cinématique proposant un certain combat épique ou celle de fin durant plus de 10 minutes (quand même), on est à une qualité atteinte tellement supérieure à celle proposée par la concurrence qu’on ne peut que s’incliner.
Quant au son, et bien… L’OST d’une manière générale est excellente. On a bien des thèmes un poil en dessous, moins marquants ou un en particulier tellement utilisé que l'on s’en lasse rapidement. Mais c’est bien peu face à certains thèmes tous neufs (Night of Seclusion, Price of Freedom) ou la reprise géniale d’autres (Aerith theme, Fullfilled Desire) qui ont su m’enchanter. De même le doublage est simplement parfait. La VO comme la VA d’ailleurs, avec dans les deux cas des doubleurs convaincants, certainement pas embauchés au coin d’une rue, qui s’imprègnent de leur personnage, le vivent et lui donnent vie. Un travail abattu conséquent donc pour toujours plus de plaisir.
Vient le système de combat, alliant facilité d’accès et idées fort sympathiques. Facilité d’accès dans un premier temps, on a ici affaire à un action-RPG plutôt classique en apparence. A chaque bouton son action, tout en sachant que l'on peut assigner à un bouton plusieurs actions que l’on switche via les gâchettes. Jamais de temps mort pendant des rixes bien nerveuses qui, dès que l’on touche aux quêtes annexes, ne pardonnent pas une quelconque erreur de jeu de jambes, de choix stratégiques. Ces pouvoirs, les matérias, sont ma foi très divers, on y retrouve les grandes bases des FF : magie blanche, noire, corps à corps, buffs…
Ajoutons un système de création de matéria très intéressant pour tous les collectionneurs. J’ai moi-même mis un certain temps avant de finalement obtenir toutes les matérias disponibles dans le jeu (qu’est-ce que la satisfaction personnelle ne nous ferait pas faire ?). A ce système un brin simple et qui vient rappeler un certain Kingdom Hearts s’ajoute une « roulette » qui ne s’arrête jamais. Des portraits, des numéros, des combinaisons qui conduisent parfois à des invocations, parfois à des effets temporaires, parfois à un level-up car c’est comme ça que fonctionne Crisis Core. Si en l’apparence on pourrait considérer qu’un élément majeur de tout bon RPG est ici totalement aléatoire, il faut tout de même savoir que le level-up n’est pas régi par la chance mais par des calculs bien plus complexes que certains acharnés ont détaillé sur le net.
Néanmoins cet ajout sympathique car réel coup de pouce dans certains moments, finit malheureusement par s’avérer pas si utile que ça. La raison venant en partie des matérias utilisées qui avec le temps se retrouveront bien plus puissantes que les invocations par exemple. Un gameplay nerveux, efficace, qui manquait peut être d’un peu plus de nouveautés. A noter que la roulette sera l’occasion d’ajouter encore un peu plus en émotion à la fin du jeu, cette roulette représentant les personnes chères à Zack qu’il a rencontrées au fil de sa vie…
Là où le bat blesse finalement, c’est peut-être bien au niveau de la durée vie. Car si les perfectionnistes y trouveront leur compte, ceux qui font le jeu avant tout pour l’intrigue crieront rapidement au scandale. Comptez aux alentours de 25h pour boucler l’histoire, sans trop se presser. C’est peu et le réalisateur a cherché à gonfler ce peu d’heures via une foultitude de missions annexes. L’intention est bonne, la mise en pratique bien moins. Ces fameuses quêtes annexes consistent en la traversée de niveaux faits de 3 ou 4 tableaux entièrement vides avec à la fin un monstre à abattre. Très décevant pour du Final Fantasy (quand on pense à tout ce qu'il y avait à faire dans le monde du VII en parallèle...), même si, je le rappelle, l’histoire n’avait pas besoin de plus. Condensée certes, mais sans longueur, c’est bien là le principal.
Voilà ma petite pierre, mon petit pavé personnel que personne ne lira sur un jeu qui m'a vendu du rêve. Anecdotique pour certains, décrié par d'autre, je ferai sans aucun doute très longtemps partie des fans comblés. Je n'ai pas connu FFVII en 97, légèrement plus tard, mais cette suite je l'attendais comme un fan de la première heure. Scrutant la moindre news, son annonce en Europe avait été à mes yeux un miracle qui se réalisait. Les tests de spécialistes du RPG s'enchaînaient et l'encensaient. Une fois en main, c'était la délivrance. Et quelle délivrance ! Intense, beau, parfois eargasmique, complet, ce jeu a tout pour plaire, et ce même si l'on a pas eu l'occasion de toucher à l'initial (vous passeriez tout de même à côté de quelque chose). Oui le jeu est court, oui son gameplay manque d'originalité, mais une telle expérience vidéoludique, ça ne se vit pas souvent.
"Hey... Would you say I became a hero ?"
Zack