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"Aux âmes bien nées...

» Critique du manga Kingdom par Duna le
25 Janvier 2019

... la valeur n'attend pas le nombre des années". Cette citation, mes professeurs du secondaire nous l'ont rabâchée telle un mantra du genre "namu amida butsu" parce qu'ils avaient l'ambition de faire de nous l'élite de la nation, ou un truc dans ce goût-là. Du genre faire de grandes écoles, tout ça. Bref.

Toujours est-il que cette expression est restée, à défaut de tout ce qu'ils ont temporairement réussi à faire entrer dans nos petites cervelles. Et elle s'applique parfaitement aux héros de cette épique saga chinoise. A contrario, cette dernière relèverait plutôt de l'inverse de cette maxime : "Aux mangas bien écrits, l'édition peut attendre bien des années".

Pourquoi, comment une telle merveille a pu rester dans l'ombre pendant toute une décennie ?

Tout d'abord, le studio Pierrot en a fait une adaptation fort médiocre. Vous me direz que Naruto a pourtant joui de son immense succès ; il fallait bien un shônen de cette trempe afin de résister aux multiples massacres perpétrés par ledit studio - épisodes hors-série relevant de la torture, animation et qualité du dessin souvent bâclés, heureusement relevés par une excellente bande-son.

Oui mais, ici la tranche d'âge visée n'est pas du tout la même. Il faut un public mature, autorisé à lire des planches dégoulinantes de fureur, de sueur et de sang - autant que dans Azumi, si tu te demandais d'où vient mon d'avatar du moment -, un public amateur d'histoire et de stratégie militaire, du genre à pouvoir passer des centaines d'heures à jouer à Crusader Kings sans sourciller ni cligner de l’œil, mais en prenant son pied.

Il y a quelques années (ouah, la ruminante, plus de cinq !), j'ai rédigé une critique sur Sôten Kôrô, qui se déroule également en Chine, mais bien après cette fin de période des Royaumes Combattants, aux deuxième et troisième siècles de l'ère chrétienne. Suivre la révolte des Turbans Jaunes et le général Cao Cao ont constitué un bon divertissement. Cher lectorat, nous en sommes ici à un tout autre niveau. J'attends avec impatience un studio aux reins aussi solides que...

que... ah, oui, j'oubliais. Il fallait enfin une maison d'édition qui ait les coronas - ou cojones -, de parier sur une série qui a déjà plus de cinquante tomes à son compteur. Il fallait la jeunesse et l'intrépidité de Meian pour répondre aux pétitions désespérée des amateurs et fous amoureux de Kingdom. Pari tenu, pari gagnant.

Je viens de sortir de la lecture du tome 8, les étoiles plein les yeux, les mains frémissantes d'excitation et les pieds et la tête encore ancrés dans ce Royaume fort fort lointain. Mon frère, mon âme-sœur Archange-Roy, tes efforts ont payé. Je suis devenue une fan hardcore, tout comme toi, peut-être pas encore autant. MERCI pour ton insistance.

Ce manga a bien des atouts. Sa beauté et sa précision graphique, un sens de la mise en case qui s'aiguise au fil des pages. Une galerie de personnages qui allie quantité et qualité : des caractères aussi bien trempés que leurs lames, de la badassitude comme on n'en voit que dans L'Habitant ou Le Vagabond. Oui, mesdames et surtout messieurs, j'ose la comparaison, et cette fois sans exagération s'appuyant sur une métaphore filant des voitures italiennes de luxe.

Mais l'Oudler Ultime, le 21 d'Atout de cette série, c'est bien son Histoire, h'avec h'un grand h'Hache. Magistralement, superbement, minutieusement contée. Les batailles, c'est suivre les plans d'Alexandre III de Macédoine dit le Grand, lui aussi et d'abord, en dix fois mieux. Les conspirations de palais, c'est Game of Thrones (ou mon ambiance au taff) en cent fois mieux. Les héros qui taillent leurs chemins dans la chair ennemie pour gravir les échelons et graver leur nom dans la Grande Histoire, c'est juste mille fois plus jouissif que... non, quand même pas ?

Bon, mon intransigeance ordinaire en prend un coup, mais voilà. Encore un 10/10. Sauf que c'est sous-noté.

[edit après lecture du tome 12] Wow. J'ai senti une claque visuelle monumentale dès la première page de ce tome. Yasuhisa Hara a eu l'excellente idée de prendre des cours auprès de Takehiko Inoue. Bon sang de bondyeux, des planches aussi sublimes que celles de Vagabond, version Kingdom ??? 3 chapitres qui m'ont fait hurler d'indignation (avec témoin auditif) devant tant de beauté. Jusqu'à ce que je voie ces... chevaux ? On se situe à un tout autre niveau : sens aigu de la "mise en case", avec maîtrise des différents plans, finesse de rendu des textures et des backgrounds (plus de moyens et donc d'assistants, de matos de qualité dont de belles trames ?)

Verdict :10/10
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A propos de l'auteur

Duna, inscrit depuis le 29/07/2011.
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