Taniguchi par-ci, Taniguchi par-là, ce mangaka est la star hexoganale du manga, le seul auteur à "franchir les frontières" avec une aisance qui permet de ne pas désespérer de ce sous-genre qu'est le manga par rapport à la sainte BD franco-flamando-ibérico-auteuriste... qui effecitvement est très bonne au demeurant.
Alors, voyons voir ce Kaze no Shô : j'ouvre le manga imprimé sur du PQ par les mauvais soins de Panini Comics (même la jaquette est en papier mâchée, on comprend que l'éditeur ait eu honte de faire payer 15 euros pour ça, et qu'il ait inclus une lithographie cadeau qui décorera splendidement vos cabinets) et, sans surprise, je me heurte au trait impeccable de cet auteur, à ses personnages qui m'évoquent d'immondes amas de chair qui, selon la perspective, semblent parfois loucher au coeur de l'action. Taniguchi possède ce style qui lui est propre, les amateurs apprécieront la précision du trait et la pleine maîtrise de l'harmonie des planches.
Ce n'est toutfois pas peu dire que le dessin évoque grandement Otomo, mais un Otomo qui aurait fait manger 500 tonnes de chips à ses personnages avant de les dessiner en train de nager dans des cuves de Coca-cola.
En ce qui concerne l'histoire, elle n'est pas de Taniguchi, et propose un schéma extrêmement classique, avec une introduction qui personnellement ne m'a pas convaincu, en rigidifiant terriblement la narration : un vieux renard de la politique raconte à son auditoir les dessous de la vie politique au XVIIème siècle, démarche d'historien qui est une preuve de bonne foi du scénariste (féru d'histoire), mais qui n'électrisera pas les fanatiques de Naruto.
Et pourtant, dans ce parti pris de réalisme, certaines scènes, de combat notamment, paraissent à deux doigts de Ninja Scroll, notamment dans cette aptitude des personnages à faire des sauts de 3 mètres de haut (chez Naruto, c'est 15 mètres : Jubei est un petit joueur). Ce type de liberté pour les besoins de la mise en scène n'est pas criticable tel quel, mais cela détonne grandement avec la soif du détail et le désir d'ancrer (encrer) solidement le récit hors de toute affabulation.
La narration demeure quant à elle linéaire et sans surprise (affrontement, pseudo-défaite, entraînement acharné, pseudo-vistoire), à tel point que le fameux choc que je m'attendais à subir en lisant Taniguchi n'a pas eu lieu, et Kaze no Shô me paraît être un rendez-vous manqué avec le maître : pas assez de chaleur, et un trop grand désir d'impartialité quant à la narration a dévitalisé l'oeuvre. On a souvent l'impression que le dessinateur, admiratif face au scénariste, bride ses élans personnels.
Quoi qu'il en soit, c'est évidemment bien mieux que si Taniguchi nous avais pondu un sous Ninja Scroll (ce dont il serait probablement incapable)
Un manga qui se lit bien, qui n'ennuit pas, mais qui ne convertira pas les sceptiques.