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Takehiko Inoue le génie !

» Critique du manga Slam Dunk par Shizao le
22 Janvier 2015
Slam Dunk - Screenshot #1

Après avoir lu Vagabond, je m'attaque donc à Slam Dunk, en tant que fan de basket et de l'auteur j'en attendais beaucoup, tant au niveau du réalisme que des dessins ou du développement des personnages, eh bien j'ai été servi.

Hanamichi Sakuragi est un cancre ordinaire à première vue, il attire l'attention de par ses cheveux teints en rouge et son attitude de voyou, Sakuragi est également amoureux d'Haruko Akagi, en seconde comme lui et celle-ci lui recommande d'entrer au club de basket-ball... Après tout Sakuragi a le profil, 1m88, 83 kilos pour un garçon qui vient tout juste d'entrer au lycée, c'est exceptionnel. Mais ça n'est pas du tout le raisonnement de Sakuragi qui n'y voit là qu'un bon moyen de se rapprocher d'Haruko et s'exécute. Commence alors un apprentissage de ce qu'est vraiment ce sport et les efforts qu'il implique pour pouvoir réussir, la méthode est sans doute classique mais place un bon point de départ qui peut convenir aux débutants comme aux initiés, car l'auteur nous transmet littéralement sa passion pour le basket et cela va bien au-delà de planches spectaculaires : règles, références, personnalités des protagonistes, déroulement des matchs... Ce manga transpire le basket. Si le héros débarque au club pour des raisons douteuses, il comprendra bien vite au contact des autres personnages le bonheur que peut procurer un panier marqué, une défense solide, l'effort, l'esprit de compétition et évidemment l'esprit d'équipe.

Slam Dunk - Screenshot #2Shohoku n'est pas une équipe ordinaire, remplie de têtes brûlées, le but est de gagner chaque match pour participer dans un premier temps au tournoi départemental, avant éventuellement de participer au tournoi national. Sakuragi se retrouve donc dans une équipe qui ne sait pas trop où elle en est et qui a des objectifs fous par rapport à son niveau mais une chose est sûre, elle ne manque pas de talent. A commencer par Kaede Rukawa, une véritable star qui vient également d'entrer au lycée Shohoku, aussi froid et prétentieux qu'il est talentueux, voila déjà un vrai rival pour Sakuragi, puisque justement Haruko est amoureuse de lui. Suivent ensuite Ryota Miyagi, un petit meneur de jeu avec un caractère semblable à Sakuragi qui est fou amoureux de la manager Ayako et Hisashi Mitsui, un talent déchu en quête de rédemption, enfin le capitaine n'est autre que le grand-frère d'Haruko, Takenori Akagi dit "le gorille". Le tout entrainé par le mystérieux Mitsuoyoshi Anzai, un vieil homme très calme mais surtout très intelligent.

L'équipe présentée ci-dessus représente les codes classiques du nekketsu comme on peut en voir beaucoup aujourd'hui : le héros bruyant, maladroit et déterminé, le rival plus sombre et moins bavard mais tout aussi voir plus prétentieux, l'envie de se mesurer l'un à l'autre et à n'importe quel autre joueur ou équipe fort(e). Avec les fameux personnages secondaires à côté, chacun son style, chacun sa personnalité, ses problèmes, ses sentiments et ses objectifs. En somme une bande bien développée. Inoue est dans le juste milieu : on sait qui sont les personnages principaux, mais on sait aussi que les autres ne sont pas des plots qui sont là pour valoriser Sakuragi et Rukawa.

Slam Dunk - Screenshot #3La grande force du manga, c'est la passion palpable de l'auteur à travers les planches. Inoue m'a littéralement donné envie de me retrouver avec un ballon devant un panier dès que je lisais un tome. Que ça soit les actions ou les personnages, les explications sont toujours bien placées, un scénario à rebondissements, même si j'étais quasiment sûr de connaitre le dénouement d'un match, le contenu est tellement précis, tellement imprévisible, que je ne pensais plus à la fin du match mais plutôt à l'instant présent, chaque poste est détaillé, le cinq majeur de Shohoku est bien développé, au même titre qu'en dehors du parquet, à chacun ses qualités et ses défauts. Mais pas que, les équipes adverses sont crédibles, mieux que ça, elles sont impressionnantes et des joueurs comme Sendo, Maki ou Sawakita suscitent l'admiration. On comprend que l'auteur est un vrai passionné de basket-ball grâce aux dialogues également, Takehiko Inoue a parfaitement saisi l'ambiance d'un match du point de vue d'un joueur : au basket, on peut très vite passer d'un sentiment à un autre, on a rarement le même état d'esprit tout au long d'un match, les périodes de doute peuvent être plus fatales que dans d'autres sports, à la seconde où l'on doute en basket, on a déjà encaissé plusieurs paniers mais surtout, le basket est un sport qui convient parfaitement à un scénario bourré de rebondissements et ça Inoue l'a compris, au basket-ball, que ça soit dans un manga ou dans la réalité, remonter un écart de vingt points n'a rien d'impossible selon le temps qu'il reste, les remontées fantastiques, les intimidations, le rythme du match, tout peut changer en un court instant, le mental conditionne le jeu de manière assez incroyable parfois, au point de se demander si c'est vraiment réel. Même chose pour les aspects techniques, de la même façon dont l'auteur a réussi à créer une ambiance similaire à de vrais matchs là aussi c'est très réaliste : que ça soit le tir, les rebonds, la défense, la gestion du rythme d'un match par le meneur de jeu ou l'entraineur, tout y passe. Ici il n'est pas question d'un sport où marquer plus de points que l'adversaire est une assurance de gagner ou même une assurance de spectacle, un rebond prit très haut, une défense de fer, tout cela sont des éléments qui provoquent une tension unique et qui nous plonge dans un match, là encore, Inoue l'a compris et c'est sa façon de dessiner et de scénariser les matchs, il sait apporter cette fameuse tension qui rend le basket-ball spectaculaire et passionnant.

Slam Dunk - Screenshot #4Revenons sur Sakuragi, qui doit donc apprendre tout cela pour pouvoir justement percer dans l'équipe et se faire sa place, dans un premier temps il est question d'impressionner Haruko évidemment, mais la passion qu'Inoue cherche à transmettre aux lecteurs, il la transmet à son personnage, Sakuragi découvre les plus beaux comme les plus durs aspects de ce sport, qui est particulièrement épuisant puisqu'au basket, tout le monde attaque et tout le monde défend, ce qui implique de multiplier les allers-retours, d'être suffisamment lucide en défense comme en attaque mais surtout de savoir maitriser les petits détails qui font gagner un match. Comme dit plus haut, ça n'est pas forcément marquer qui permet de gagner un match de basket, mais plutôt les détails qui se voient moins et Sakuragi est à l'image de ce qui fait la différence sur le parquet, il est spectaculaire certes, mais il est toujours présent pour faire un vrai travail de l'ombre qui met sur orbite ses coéquipiers. Le basket est un sport riche, chacun en a sa conception et c'est bien pour ça que les matchs sont intéressants, les équipes ont leur façon de jouer, des joueurs avec des qualités différentes qui offrent une diversité qui met à l'épreuve pas seulement la capacité d'adaptation de Sakuragi mais de toute l'équipe de Shohoku, de quoi fournir à l'auteur de belles occasions de nous faire profiter de ses connaissances en matière de stratégies : jouer de façon rapide et spontanée, faire circuler le ballon calmement et trouver le bon angle d'attaque, essayer de marquer depuis l'intérieur ou l'extérieur, libérer tel joueur pour qu'il puisse marquer, défendre à plusieurs sur un joueur, marquage individuel ou en zone... Vous l'aurez compris, les possibilités sont grandes et les 31 tomes ne sont pas de trop pour concilier les aspects mental et technique évoqués plus haut pour obtenir un contenu complet sur le basket-ball que ça soit en théorie (stratégies, discours...) ou en pratique (le terrain, tout simplement). Une discipline exprimée par des mots simples et des gestes complexes, un paradoxe qui s'applique à plusieurs personnages à première vue têtes en l'air mais qui se révèlent être très malins sur le parquet, l'orgueil joue beaucoup également, car il conditionne la capacité à se transcender dans les moments les plus difficiles et peut être à double tranchant : soit les critiques ou les provocations se transforment en motivation, soit elles sortent un ou plusieurs joueurs du match. Autre paradoxe, et Sakuragi en est le digne représentant, les joueurs de l'ombre ont leur part de lumière, Slam Dunk n'est pas un rassemblement de joueurs flashy, on nous fait bien comprendre que sans un travail discret fait en amont, pas de dunk, pas de panier à trois points ou de contre.

Slam Dunk - Screenshot #5Ce basket intense ne se joue pas sans de relations sociales solides et sur cet aspect il y a de quoi être satisfait également, l'auteur a su varié la façon dont les personnages s'expriment entre eux et nous n'avons pas affaire à des robots qui se motivent mutuellement pour un objectif commun, il y a du "trash talk" (provocation en basket) sûr ou en dehors du terrain, contre l'adversaire ou entre coéquipiers, de la rivalité, un peu de romance, des gestes inattendus mais surtout des passages comiques qui rendent les joueurs attachants, particulièrement ceux de Shohoku et donne un fond à la forme (le basket). Après tout il ne faut pas oublier qu'il s'agit de lycéens, ils ont donc leurs propres problèmes en tant qu'adolescents : les cours, les bagarres, les potes, les filles... Un véritable quotidien se créé et fait figure de temps mort bienvenu entre quelques matchs de basket disputés et passionnants. De quoi apporter de l'équilibre à des personnages qui finissent par vivre pour la balle orange et dont le basket devient le point culminant de leur vie à force de vivre des épreuves difficiles et magnifiques sur le parquet.

Passons maintenant à un autre point très important du manga : les dessins. Au niveau du charadesign, beaucoup de personnages sont typés asiatiques et ça n'est pas souvent le cas dans les mangas, ce qui approfondi cette impression de réalisme déjà aperçue avec le développement du basket-ball ou des relations sociales. D'autres ont un charadesign particuliers qui collent bien à leur surnom (Akagi le gorille par exemple) mais surtout les planches d'actions sont incroyablement réalistes, ne nous y trompons pas, Slam Dunk est forcément surréaliste pour du basket lycéen au Japon, on sent toute l'influence de la NBA chez Takehiko Inoue, lui le fan des Los Angeles Lakers (le maillot de Shohoku étant clairement inspiré de celui des Chicago Bulls par exemple). Cependant en terme de basket de haut niveau, les planches collent bien à l'idée que l'on s'en fait, les mouvements du ballon, ceux des joueurs, les traits plus appuyés sur les actions particulièrement spectaculaires, les expressions des joueurs ou des spectateurs, tout est maitrisé. L'auteur n'a pas seulement écrit ses connaissances et sa passion, il les a dessinées, donnant ainsi une forme adaptée au fond et c'est bien pour ça qu'au même titre qu'Hanamichi Sakuragi qui se vante d'être un génie, moi je crie au génie de Takehiko Inoue.

Verdict :9/10
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A propos de l'auteur

Shizao, inscrit depuis le 28/12/2014.
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