L'empire romain est moralement instable. Passant son temps au Colisée à croiser le fer avec les guerriers, l'empereur Commode néglige peu à peu ses prérogatives au point de faire perdre à Rome toute notion d'honneur, droiture, bravoure, en d'autres termes la « Virtus ». Afin de redorer le blason de l'empire, Marcia, l'une de ses concubines, fait téléporter un groupe de prisonniers japonais de notre époque ; parmi eux, Takeru Narumiya, accessoirement le champion du monde de judo, l'homme détenant potentiellement cette fameuse vertu...
Inspiré donc de l'Histoire, l'auteur a jugé bon d'incorporer un voyage dans le temps comme prétexte à son récit. Ce parti pris lui permet a priori de modifier l'histoire d'origine et d'y apporter une plus-value plus ou moins efficace. Quand bien même l'on retrouve encore un prétexte banal où le héros se retrouve catapulté dans un univers inconnu pour devenir l'Élu et tout défoncer... ça sent le réchauffé.
Ceci étant dit, si le premier tome pose efficacement les bases de l'intrigue, les suivants ne sauvent pas la donne. À trop vouloir rendre son récit trop ambitieux, on est surpris par la direction de celui-ci. Le manga se casse la gueule en délaissant son intrigue d'origine pour raconter du superflu : une n-ième quête de rédemption du héros suite au meurtre de son père, et la tentative d’assassinat de l'empereur Commode orchestré par des sénateurs lambda. C'est complètement sorti de nulle part si bien qu'on s'en trouve déboussolé par le déroulement de l'histoire — le chara-design n'aidant pas. Autant dire que ce manga ne se concentre pas sur son thème principal, les gladiateurs.
« Le sang des gladiateurs » sous-titre certes le nom de l’œuvre, mais agit ici comme une publicité mensongère. En réalité la Rome antique et ses gladiateurs ne constituent qu'un décor, un arrière-plan, pour le manga. On aurait pu y raconter n'importe quoi tellement les intrigues ne tirent pas parti des spécificités du contexte. Jusque dans son aspect visuel qui présente des personnages aux proportions musculaires pas souvent respectées, des visages épurés, simples, guillerets contrastant ainsi à l'univers barbare de cette époque.
Dommage. Dommage d'avoir gâché ce potentiel pour une si courte série (cinq tomes) ; d'autant plus le côté pédagogique des différents arts martiaux apporté par la venue du judoka et de sa clique. L’œuvre aurait pu créer quelque chose d'intéressant s'il se focalisait davantage sur ses gladiateurs, sur la manière d'interfacer les prisonniers du futur avec les romains de l'époque : créer un véritable choc des cultures. Finalement, on en ressort avec plus de questions que de réponses sur un manga dépourvue d'identité propre. Et le sentiment d'avoir été trompé sur la marchandise.