En guise de présentation :
La
Gainax est l’un des studios qui a connu le plus de changements sur les cinq dernières années : fondée originellement par des amateurs absolus d’animation, le studio a connu dernièrement quelques aléas dans la gestion de l’exceptionnelle renommée que lui ont conférée très rapidement ses premières séries. La trilogie historique, et considérée comme indépassable par bien des gens, serait composée de
Gunbuster (1988),
Nadia et le secret de l’eau bleue (1990) et, naturellement,
Evangelion (1995). Encore aujourd’hui ces séries font l’objet d’un culte soigneusement entretenu par les fans mais aussi par le studio. Cette série de succès miraculeux n’a rien d’un hasard : les équipes techniques n’ont quasiment pas changé sur ces productions, avec notamment l’omniprésence d’
Hideaki Anno (réalisation) et de
Sadamoto (chara-design). Mais avec le temps de nouveaux besoins ont fait leur apparition : besoin salutaire de varier les équipes, soucis personnels poussant Anno à se retirer un long moment, volonté aussi de toucher un public encore plus large et de faire grossir le studio. 1998 marque la fin discrète d’un âge d’or, avec la sortie du brillant mais peu médiatisé
Entre elle et lui, dernière série mise en scène par Anno.
La crise des années 2000 :
A partir des années 2000 le studio a donc amorcé un changement radical. Le pari était risqué et il n’a pas été sans conséquences : on peut considérer cette période comme un moment de transition, où le pire a pu côtoyer le meilleur. Cette période a surtout fait partir un certain nombre de fans attachés à un fonctionnement plus artisanal, où les idées les plus folles pouvaient aboutir. En 2000,
FLCL sort en OAV, le sang des fans ne fait qu’un tour, les rumeurs vont bon train : que pourrait nous proposer la Gainax qui puisse encore placer la barre plus haute ? La réponse est mitigée :
FLCL parvient à ne pas décevoir, mais les changements se perçoivent : toujours aussi provocantes et brillantes sur le plan créatif, ces OAV fédèrent moins parce qu’elles misent tout sur le rythme, le montage et la mise en scène, proposant au spectateur un dessin animé expérimental où le scénario est volontairement moins travaillé que précédemment. De toute évidence,
FLCL, sous ses dehors expérimentaux, sert aussi de vitrine technique, et quelle vitrine ! C’est le début d’une ère nouvelle, au cours de laquelle le studio va parfois se perdre, parfois se trouver. C’est aussi la montée en puissance d’Imaishi, qui impose à
FLCL son sens du rythme et du montage virtuose frôlant souvent l’hystérie.
On peut tout de même dégager deux tendances : celle de la continuité avec des œuvres comme
FLCL et
Abenobashi Magical Street, et celle de l’évolution « radicale », où l’on peut inclure toute une pléthore de projets qui marquent un net recul en terme qualitatif. Or le problème est de taille. Le studio cherche à se diversifier sans perdre son âme, mais le résultat est là : les projets maisons, ceux qui marquent la continuité, sont peu nombreux parce qu’ils sont lentement développés et que le studio veut faire les choses correctement : de fait, on n’a pendant près de quatre ans que
FLCL et
Abenobashi (2002) pour assurer la relève : aucune grande série (de 24 ou 26 épisodes) pour combler le manque.
Abenobashi fait la synthèse de la nouvelle tendance du studio : celui-ci a toujours fait appel au fan service, il a même su créer un type de fan service particulièrement intéressant parce que, tout en étant particulièrement provocant pour l’époque (Noriko se dénude la poitrine dans
Gunbuster, dès 1988), il n’était pas uniquement là pour le plaisir de racoler. Cette tendance se dilue un peu dans
Abenobashi, qui, tout en proposant un scénario très solide et passionnant, propose un quota de fan service nettement moins maîtrisé et plus outrageux.
Malheureusement, face à ces productions de grande qualité, la Gainax aligne à une vitesse folle les titres purement commerciaux, souvent réalisés en partenariat avec d’autres studios : le fan service d’
Abenobashi est décuplé dans
Mahoromatic (2001), qui reste à ce jour probablement la meilleure production du studio en ce qui concerne les œuvres de commande : le studio avait été en effet démarché pour adapter le manga. D’autres séries de commande, parfois anecdotiques, sont produites au cours de cette période : il s’agit par exemple de
Melody of Oblivion (2004),
RE : Cutey Honey (2004) ou encore
Kono Minikuku Mo Utsukushii Sekai (alias
This ugly and Beautiful World – 2004). Décriées du point de vue de leur qualité scénaristique, elles ne parviennent malgré tout pas à entamer la crédibilité du studio, même si les interrogations vont bon train. Il faut dire que pendant tout ce temps les fans ont pour patienter des annonces faites au compte-goutte concernant la réalisation d’une série d’OAV anniversaire en hommage à
Gunbuster : La Gainax est aussi maîtresse en matière de publicité…
2004 – 2006 : la reprise en main.
A partir de 2004, la Gainax entre dans sa période de reconstruction. Consciente de certaines difficultés rencontrées auprès des anciens fans, elle décide de jouer la carte de la sécurité ; pour autant, cela ne signifie pas que le studio se moque de ses admirateurs, au contraire.
Gunbuster 2 est mis en chantier pour des raisons diverses : souci de revenir aux origines, volonté de renouer avec la qualité, et désir de rassurer les fans, cette série d’OAV a tout pour mettre le spectateur en confiance : le projet est mené à petite vitesse, mais qui va lentement va sûrement, et surtout, la lenteur de la production laisse à penser que le dessin animé sera exceptionnel. Et puis, n’oublions pas que le studio n’a pas droit à l’erreur pour ces OAV anniversaire. Les OAV sont disponibles intégralement en 2006 : le résultat est à la hauteur de
FLCL, autre série d’OAV que l’on doit aussi au réalisateur Kazuya Tsurumaki. Le scénario n’est pas révolutionnaire, il se borne à multiplier les clins d’œil géniaux et à reprendre le même schéma que
Gunbuster 1, mais la mise en scène est là pour remettre le studio en selle : encore une fois, Imaishi fait parler de lui grâce à une animation époustouflante et une mise en scène immédiatement reconnaissable.
Preuve que le studio ne s’est tout de même pas encore tout à fait remis sur pied, il produit en 2005 une autre œuvre de commande,
He’s my Master, série harem qui vise directement les fans de
Mahoromatic. Cela dit, c’est la seule série produite à cette période : le studio est en pleine reconquête, et des projets sont sur le point d’aboutir.
2007 : Hiroyuki Imaishi, le sacre du coureur de fond.
L’année suivante, la Gainax ne se disperse plus ; Le projet au long cours
Tengen Toppa Gurren Lagann est diffusé. Le studio est sûr de lui, on le sent : le battage médiatique est énorme, les goodies pleuvent. C’est aussi le sacre d’Imaishi, qui devient pour l’occasion réalisateur, et non plus animateur. Le résultat se ressent : scénario inédit, création maison alliant les qualités de
FLCL et
Gunbuster 2,
Tengen Toppa fait la synthèse des 20 dernières années de la Gainax, le tout avec une intelligence rare. Entre auto-citation et volonté d’explorer à nouveau toutes les possibilités de l’animation, cette série se pose enfin comme le pôle incontournable qui manquait tant à
Evangelion : enfin, une série longue (27 épisodes) et brillante est venue prendre la relève, en venant compléter et inverser les propositions faites par
Evangelion. Imaishi, pour son passage à la réalisation, a réussi un coup de maître, synthèse délirante de toutes les directions prises par le studio, même les moins porteuses du point de vue artistique (fan service outrancier par exemple) :
Tengen Toppa est un dessin animé de l’excès, qui tire de son trop-plein toute une politique de la création artistique selon la Gainax. Kazuya Tsurumaki, quant à lui, n’a pas disparu de la circulation, bien au contraire : il s’est vu confié la réalisation des 4 films voués à réanimer
Evangelion… Entre exploitation d’un patrimoine sacré et créativité, la Gainax est un studio qui aura particulièrement bien su louvoyer.
Tout est encore possible pour la Gainax
Arrivé au terme de cet état des lieux, on peut remarquer la vitalité de ce studio, qui connaît des hauts et des bas, mais qui possède une capacité inégalée à mobiliser son génie créatif quand les circonstances l’exigent. Virtuosité artistique va de paire avec génie commercial, car, malgré quelques couacs, force est de reconnaître que le studio a su parfaitement exploiter ses vieilles licences sans avoir l’air d’un nécrophage : Gunbuster, Evangelion, autant de perles que le studio entretient avec un soin extrême, tout en étant toujours capable d’innover avec des séries telles que Tengen Toppa ou FLCL.
De quoi demain sera fait pour la Gainax ? Après un tel retour en grâce, toutes les interrogations sont de nouveau possibles.
4 commentaires
Du coup, j'ai pas envie de poster une bêtise. Je dirais juste qu'entre les Ailes d'Honnéamise, Nadia, Evangelion et Kare Kano, Gainax est pas loin d'être mon studio préféré. En tout cas, et même si je n'ai pas aimé TTGL, c'est le seul dont je reste attentif à toutes les dernières sorties...
En tout cas, TTGL n'était pas semble-t-il un chant du cygne pour le studio qui avec un Shikabane Hime, certes perfectible et inégal, a su ne pas retomber dans la fange de ses vieux démons et les bons échos que j'entends sur Hanamaru sembleraient confirmer ce maintien (malgré mes GROS doutes quand j'étais tombé sur le synopsys)
C'est sûrement dû au fait qu'à l'époque où a été posté cet article, on ne pouvait pas encore mettre de commentaires dans le webzine. Très rares sont ceux à être allés voir les articles déjàs postés à l'arrivée de la V6 pour poster des commentaires dessus.
"Mais c'est terrible ça !"... "Mais que fait la police ?" XD