Manben – L’Artbook de Naoki URASAWA – Cesse de scribouiller et travaille !
M’est-il vraiment nécessaire de vous présenter de Naoki URASAWA ? On va dire que les jeux vidéo représentent la réalité et que je suis entouré de 90% d’amnésique. Mangaka de 50 printemps, Naoki URASAWA est un auteur hétéroclite. Il s’est essayé au sport (Yawara, Happy) ou à l’action (Pineapple Army) mais il est surtout connu chez nous pour son thriller Monster et les œuvres de science fiction 20th Century Boys et Pluto. Certains de ses mangas ont même connu des adaptations que ce soit en série d’animation ou en films à prise de vue réelle.
L’auteur s’est bâti une solide réputation pour ses scénarios travaillés, son chara-design mature et des décors recherchés. Il n’est donc pas étonnant de voir débarquer un artbook du monsieur même si on se félicite de la rapidité de son arrivée sur nos rivages. Paru il y a un peu moins de deux ans sur l’archipel, Panini Manga, l’éditeur français de 20th Century Boys et Happy nous le propose ce mois-ci dans une traduction d’Alice LACROIX.
Manben est un terme chinois qui désigne l’idéal du dessinateur, celui « de se consacrer corps et âme à l’étude de l’art du dessin afin d’atteindre le sommet de son art et de faire partie du vaste et quasiment inaccessible monde de l’image. » Cette utopie s’oppose cependant aux mamans qui ne voient pas forcément d’un très bon œil leurs enfants passer leur temps à dessiner. D’où le sous-tire de cet artbook, celui de l’article. Cette introduction tranchée, assez drôle, donne le ton : Manben est un coup de projecteur sérieux et intéressant sur le travail du mangaka qui n’hésite cependant pas à se moquer de lui-même et de ses propres travaux.
La première impression qu’on retire en recevant le précieux entre nos mains est celle d’un ouvrage de qualité, un peu plus grand qu’au format A4, assez sobre, avec les sinogrammes du titre en vernis sélectif : le bouquin fait son poids. Les pages sont en papier glacé donc presque indéchirable (évitez peut-être de le laisser à la portée du petit frère de 4 ans), avec des encrages nets sans bavures et des couleurs éclatantes. Tout au plus regrettera-t-on que la reliure n’ait pas eu encore plus de soin mais c’est vraiment pour chercher la petite bête. L’intérieur a de quoi ravir les yeux, la part belle est faite aux illustrations pleine page voire double page. Comme je suis un inculte complet en matière de dessins je vais essayer de ne pas me ridiculiser et seulement citer les notes : il y a des acryliques (les plus nombreux), des aquarelles, des pastels, des dessins au marqueurs, aux crayons de couleur, à la mine de plomb ou à la plume tubulaire voire à la tablette graphique, des trames et de l’aérographe.
L’ouvrage est répartie en plusieurs sections assez classiques. La partie sur les personnages masculins et les seconds rôles est paradoxalement la moins intéressante puisqu’elle est surtout articulée autour des bandes de Tenma et de Kenji qui sont bien connues de par chez nous. La mangaka nous apprend quand même qu’il ne sait pas dessiner les personnages forts, qu’il leur préfère les seconds rôles ce qui explique a posteriori des choses sur Monster et 20th Century Boys. On apprécie quand même une planche glissée de Pineapple Army désormais quasi introuvable chez nous ou le grand-père de Yawara toujours orphelin d’une édition française. La partie sur les personnages féminins est elle aussi en retrait. Elle est juste l’occasion pour Naoki URASAWA de se désoler de son manque de talent pour dessiner des femmes sexy. Il semble avoir des références ceci dit…
La partie sur les décors est bien trop courte, je reste déçu du manque de panoramas extraits de Monster où l’auteur avait fait un gros travail de préparation. De même la partie sur les enfants ne satisfera pas votre soif. La partie sur les machine en revanche est bien détaillée. Contre toute attente, la partie étonnante sur les animaux est bienvenue. Outre qu’elle préfigure un peu Billy Bat, elle est l’occasion de découvrir un aspect que nous ne connaissions pas sur le mangaka. Et son talent pour ces trublions facétieux. La partie qui intéressera bien sûr le plus les fans sera celle sur les gribouillages, incluant des œuvres de jeunesse pour le coup inédites. Non seulement elle apaise notre curiosité, mais elle permet aussi de découvrir les dominances du trait de Naoki Urasawa et par contraste voir ce sur quoi il a travaillé depuis. C’est aussi l’occasion pour l’auteur de dévoiler ces rêves de gosse, certaines de ces influences (Hergé, Mœbius, Stanley Kubrick) et quelques délires personnels comme une planche sur le fameux épisode du Devil Blues.
Manben contient également quelques photos de l’atelier de Naoki URASAWA et donc de son matériel somme toute assez simple à première vue (une fois encore, j’y connais rien). Quelques trop rares anecdotes s’y glissent ça et là. Comme par exemple que Monster avait été refusé à l’époque par son magazine de prébublication de l’époque car les polars étaient jugés trop impopulaires. Si je devais regretter quelque chose dans cet artbook, c’est le manque d’une interview de l’auteur. Certes, il dialogue avec le lecteur à travers les dessins mais on aurait souhaité en savoir plus sur sa façon de construire ses histoires, ses storyboards, ces regrets et au contraire ce dont il est fier.
Ces quelques reproches ne sont cependant que l’expression d’une exigence aiguisée par les bonnes surprises de l’artbook. Indispensable pour les fans de l’auteur, on attend déjà le volume deux. Cet ouvrage de qualité se trouvera très facilement une place de choix dans votre bibliothèque. Vos étagères se sentent démunies, vous n’entendez pas leurs pleurs ?
NB : Pour les puristes, les images qui illustrent cet article sont des photos dont j’ai joué avec le contraste, le gamma et la luminosité pour essayer de reproduire l’éclat des couleurs originelles. Quoique je fasse mes photos étaient trop sombres (n’est pas photographe qui veut) et ne rendait pas au honneur au rendu de l’artbook. En contrepartie, je perds un peu en fidélité même si j’ai essayé d’éviter la saturation. Toutes mes excuses aux fans. Mais ces derniers auront déjà acheté ce recueil de planches et pourront m’assommer avec. Et vu son poids, ça va faire mal.
Titre : Manben
Auteur : Naoki URASAWA
Editeur japonais : Shogakugan
Editeur français : Panini Manga
Nombre de pages : 205
Dimensions (cm) : 22,5 x 30,5
Paru en juillet 2010 (septembre 2008 au Japon)
Prix : 25 €
ISBN : 978-2809413830
4 commentaires
Je ne suis pas un fan d'Urasawa car je n'aime pas ses personnages, question de goûts, même si cela ne m'empêche pas d'admirer le bonhomme.
Tu m'as vraiment intéressé avec ton article: j'adore dessiner et j'aime beaucoup les artbooks.
Dommage que tant de classe ait un prix aussi élevé...
Je tâcherais d'y jeter un coup d'oeil à la fnac!
Je savais pas qu'un tel artbook était sorti, et étant fan de ce mangaka, j'ai failli passer à côté de quelque chose!