Tour d’horizon du Festival d’Angoulême 2010
Second passage à Angoulême pour certains, découverte pour d’autres, le staff d’Anime-Kun était de nouveau présent au Festival International de la Bande Dessinée pour tenter de percevoir l’évolution des mangas dans cet évènement axé au départ sur les ouvrages franco-belges.
Première observation, les visiteurs du festival sont toujours aussi nombreux. Ce n’est donc pas sans une certaine gêne dans nos mouvements que nous avons flirté au gré de nos envies avec les diverses expositions, japonaises ou non, qui s’offraient à nous.
La première chose à faire pour préparer un bon festival d’Angoulême, la règle de base en quelque sorte : établir un emploi du temps des différentes expositions, conférences ou tables rondes à voir. Beaucoup d’entre elles se chevauchent et mieux vaut s’être préparé à l’avance un plan B si l’un des événements venait à être modifié. Nous en venons à notre deuxième point important : venir en avance, voire très en avance.
Et tout particulièrement à l’intérieur de l’espace Franquin, renommé cette année encore Manga Building pour l’occasion. Prenons l’exemple d’une certaine table ronde consacrée à One Piece se déroulant le samedi après-midi. N’ayant que trois « salles de spectacles » à disposition du public pour des colloques attrayant à la japanime, la table ronde sur One Piece eut lieu dans la plus petite d’entre elles, d’une capacité d’une soixantaine de personnes, et encore nous sommes gentils et mignons. Quel étonnement renversant de voir cette salle de conférences pleine à craquer plus d’une demi-heure avant son commencement…
One Piece qui, rappelons-le, était l’un des événements majeurs du Manga Building à travers une expo permanente sur toute la durée du festival. Expo qui auraient sans doute gagnée à plus développer l’univers de la série de Eiichiro ODA. En lieu de quoi on a eu le droit à une peluche géante, des Wii et des planches originales en pagaille. Je caricature, certes, néanmoins, la cible visée par cette expo semble bel et bien être les célèbres Gremlins et, en tant que fans un peu plus âgés, on reste sur notre faim.
D’ailleurs l’efficace sobriété des quelques planches de Vinland Saga qu’arboraient les murs du Manga Building mettait un peu coup à la simplicité un brin infantile de l' »exposition » One Piece.
Notre évolution dans cet espace confiné au climat tropical a été plus que laborieuse. Comme l’année précédente, la moyenne d’âge des visiteurs du Manga Building tournait autour des 13-14 ans, de quoi faire le tri pour la conférence sur le shôjo ou les performances graphiques de Makoto YUKIMURA, me direz-vous ? Que nenni, vous répondront les gens un peu plus âgés qui s’étaient déplacés pour l’occasion. Parce que oui, cette année, le Manga Building avait de quoi attirer le fan de manga plus mûr. Malgré les bonnes raisons aboutissant au ciblage d’une jeune clientèle, que les organisateurs du Manga Building avaient déjà pris la peine de venir expliquer l’an dernier, le contenu des conférences et leur déroulement témoignent d’un effort réel envers les passionnés que le staff salue à l’unisson.
Ceci étant dit et répété, venons-en à ce fameux contenu. Cette année se caractérise avant tout par la volonté de confronter la BD franco-belge au manga et ce à tous les niveaux. Ainsi, une conférence des plus intéressantes nous aura permis de découvrir comment les Français se débrouillent dans le domaine du manga, de l’animation et du jeu vidéo « à la japonaise ». La rencontre avec l’un des éditeurs du magazine Afternoon nous en aura appris plus sur le fonctionnement de la prépublication alternative au Japon. Il est d’ailleurs dommage de constater que cette conférence ait attiré peu d’auditeurs, qui ont préféré se ruer sur la conférence One Piece quelques heures plus tôt.
Autre conférence, autre genre, celle sur les origines du manga shôjo. S’il n’y avait vraiment rien à critiquer sur le fond, très bien renseigné, on aurait sans doute préféré une présentation un peu moins académique.
Dans le même ordre d’idée, la rencontre entre le scénariste Jean-David MORVAN (auteur du cycle Sillage et du manga Le Petit Monde, publié par la Shueisha au Japon) et Makoto YUKIMURA aura tenu ses promesses. On pourra aussi saluer le succès et la qualité de ces œuvres d’auteurs français présentées sur place, à mi-chemin entre manga et BD : les mangas Dofus et Dreamland de Reno Lemaire respectivement chez Ankama et Pika, la BD Zblucops chez Glénat ou les collaborations entre MORVAN et divers dessinateurs japonais dont Jirô TANIGUCHI.
Golden Fist of Apocalypse, le spectacle déjanté de Bill, Gobi et Fabien Mense du Catfish Studio, déjà responsables du même Zblucops et de Lucha Libre chez les Humanoïdes Associés, aura au moins le mérite de l’originalité, malmenant les codes du manga et du comic pour offrir un résultat délicieusement décalé et parodique bien qu’un brin trop branchouille au goût de certains. Le manga serait-il appelé à devenir hype ?
Avec le temps, le Manga Building pourrait bien se mettre à révéler des mangas plus profonds que les succès commerciaux shônen du moment. Un pas a été franchi avec Makoto YUKIMURA et Vinland Saga. Le manga s’est même permis de s’évader hors du building pour s’installer sans retenu dans le hall du bâtiment Castro, renommé pour l’occasion Pôle Jeunesse, avec une exposition intitulée « Même pas peur des mangas! ». Une sorte de didacticiel pour parents inquiets tendant à leur prouver que les mangas, c’est pas que du sang et du sexe.
On notera d’ailleurs que le succès du manga chez les jeunes est même parvenu aux oreilles de l’Eglise qui publie la Bible en Manga chez BLF Europe présenté à l’intérieur de la cathédrale. Bonne ou mauvaise nouvelle ? A vous de juger…Cette même cathédrale d’Angoulême accueillait une très intéressante exposition sur les liens entre arts graphiques français et japonais au cours de l’histoire.
Verdict : oui le manga monte en puissance à Angoulême. Le Manga Building offre des contenus dont la qualité continue à grandir. Mais on regrettera la limitation des infrastructures de l’espace Franquin ou plutôt les problèmes de gestion de ces espaces. D’autre part, même si les choses changent, ce sont toujours les mêmes succès commerciaux qui sont mis en avant. Sauf que cette année, la sélection d’Angoulême et le professionnalisme des intervenants du Manga Building aura encore permis de découvrir de petites perles. On espère que cela va continuer. Et pourquoi pas un Festival International du Manga ?
Sinon, pour vous aider à vous repérer dans le dossier Angoulême 2010, voilà un petit sommaire de ce que le staff a jugé bon de mettre en avant, qui sera mis à jour au fur et à mesure des publications :
Palmarès Angoulême 2010 : côté mangas, c’est mort pour cette année
Retour sur le palmarès des prix du festival et notamment sur les mangas présents dans la sélection officielle.
Makoto Yukimura : un Viking au Manga Building
Compte-rendu de l’une des performances graphiques « pédagogiques » du mangaka auteur de Planetes et Vinland Saga qui était l’invité officiel du Manga Building.
Mangaka et responsable éditorial : le parfait couple SM?
Quelle est vraiment la relation entre un mangaka et son éditeur ? Au magazine Afternoon, les choses semblent se passer de façon… originale !
BD, jeux vidéo et animation : où en sont les Français?
Retour sur ces artistes français qui s’essaient à la BD, aux jeux vidéos et à l’animation « à la japonaise ». Effet de mode ou réel héritage culturel ?
Manga business et neuvième art : Je t’aime! Moi non Plus!
Présentation de la rencontre entre Makoto YUKIMURA et Jean-David MORVAN, l’auteur de la série Sillage et du manga le Petit Monde. Les deux artistes reviennent sur ce qui différencie la BD et le manga, deux formats qui ont beaucoup à apprendre l’un de l’autre.
Article rédigé par AngelMJ, El Nounourso, Sacrilège et Vit Zayder
3 commentaires
Quand à l'idée d'un festival international du manga, je pense que ça arrivera un jour ou l'autre. Après tout, La France est le 2ème marché mondial après le Japon. Et le manga se démocratise de plus en plus (la Bible en manga...qu'en pense Ségo ?^^)
L'exposition éducative devrait tourner sur le territoire. J'ai vu des clichés de quelques panneaux et c'est la meilleure introduction aux mangas pour les novices qui soit. Si on pouvait la diffuser, beaucoup d'idées reçues seraient enfin balayées.