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Devilman Crybaby – Comme un fou, comme un soldat, comme une star de cinéma

Publié le 26/01/2018 par dans Anime - 5 commentaires

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Attention, cette série d’animation est logiquement déconseillée aux moins de 16 ans.

Certes, je ne me fais aucune illusion sur l’utilité de cette mise en garde mais ça n’a rien d’une remarque anodine : la représentation très graphique de la violence et surtout du sexe peut être pour le moins perturbante. Tant qu’on est aux préliminaires, je vous mets également en garde : je vais divulgâcher comme un cochon. Sur Anime-Kun, la section des nouvelles sorties se concentre généralement sur les premiers épisodes et essaye de ne pas révéler de surprises. Mais, produite par Netflix, Devilman Crybaby a suivi la doctrine de son diffuseur et a été distribuée en intégralité dès le premier jour. Aussi, je ne vois pas comment je pourrais parler de la série partiellement. Pour toutes les nouvelles et nouveaux qui débarquent, je me contenterai de dire que le premier mois d’abonnement à Netflix est gratuit et que si Devilman Crybaby n’est pas la meilleure œuvre de Masaaki YUASA (Ping Pong est au dessus du game) ça reste un titre représentatif de son style atypique qui vaut au moins le détour pour tous les curieux de l’animation japonaise.

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L’annonce d’une adaptation d’un manga phare de Go NAGAI par Masaaki YUASA avait à la fois tout d’une évidence et d’une crainte. Le réalisateur est connu pour sa patte et, s’il a surtout travaillé sur des adaptations, à chaque fois le résultat est une œuvre qui lui appartient complètement. Sa vision d’auteur est trop forte et il ne s’efface pas derrière l’œuvre originale. Cela accouche à chaque fois d’un travail unique mais l’adaptation n’est pas toujours la plus fidèle. Le style visuel de Devilman Crybaby, s’il a quelques échos avec celui de Go NAGAI, est quand même assez différent, sans compter une certaine modernisation du récit avec le rap ou les réseaux sociaux. Tout ces apports sont pertinents – j’y reviendrai – mais les puristes pourront y trouver à redire.

Un vrai défaut que je concède est une qualité variable de l’animation lors de brefs passages. Depuis qu’il a fondé Science Saru, YUASA a gagné en indépendance mais aussi certainement en pression. 2017 a été une année prolifique pour le studio avec deux films et donc la finalisation de Devilman Crybaby. Et si le réalisateur se dit dans la forme de sa vie, on peut quand même craindre un surmenage, surtout chez ses employés. Et même si on se fiche des conditions de travail chez eux, on voit que le travail commence à en pâtir.

Le troisième et dernier point qui m’a longtemps mis dans l’embarras c’est la surreprésentation du sexe et de la violence. Je ne suis pas un prude – enfin pas tant que ça je pense – mais il y en vraiment beaucoup. Pourtant ce n’est pas une accroche gratuite facile ; bien au contraire le rendu visuel et même sonore est presque dérangeant. Je m’en suis longtemps demandé le but jusqu’à ce que cela fasse tilt dans ma tête : Devilman Crybaby est une série qui parle d’amour, dans son sens le plus noble.

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Et là vous vous dites derrière vos écrans que le fanboy a pété une durite, le tilt c’était pas une épiphanie mais une rupture d’anévrisme. Et vous n’auriez pas forcément tort mais j’ai des arguments sur lesquels m’appuyer. Et c’est par le biais du sexe que j’ai compris cette thématique centrale : comme dans un porno, le sexe dans Devilman Crybaby est toujours strictement mécanique. Il assouvit une pulsion primaire mais ça s’arrête là. A l’inverse, de nombreuses formes d’amours platoniques inondent l’écran et structurent la série : l’amour familial, l’amour romantique, l’amour fraternel. Si le titre de la série a pu faire sourire bizarrement à son annonce, il a été choisi avec soin. Akira devient un héros parce qu’il aime les autres et pleurent pour eux. L’empathie est souvent moquée, ici c’est tout le contraire.

J’ai lu que le manga Devilman expose et fait exploser cette violence et ces scènes bacchanales dingues comme un exécutoire où le carcan de la société se brise pour nous laisser respirer. A mes yeux, Crybaby n’en fait pas du tout le même usage. La série pousse les potards jusqu’à 11 et nous le démontre par l’absurde : les scènes de nus toujours plus présentes, les images toujours plus violentes ne sont pas une forme de liberté, c’est une fuite, machinale et vide de sens. Le véritable génie de YUASA n’est pas dans ce qu’il montre que dans ce qu’il cache. Les images (et une bande-son au poil de Kensuke USHIO) nous marquent mais le message n’est pas là.

La simple violence physique des démons n’est pas vraiment condamnée. C’est là encore dans leur nature tout comme dans celle de Devilman, l’alter ego d’Akira. A l’inverse, la série souligne la cruauté des démons qui jouent avec la nourriture mais surtout celle des humains envers leurs semblables. Comme une touche de désespoir, la série nous montre que nous nous faisons souffrir les uns les autres parfois sans en avoir l’intention. La célébrité de Miki éclipse ses camarades et Miko en veut à son amie de lui avoir volé jusqu’à son nom. Elle l’admire mais elle la jalouse et ne sait plus trop où est sa place. Elle se trompe de cible mais ne s’en rend compte que trop tard. Le regard des autres bien trop souvent nous définit. L’anonymat des réseaux sociaux amplifient la bêtise d’une foule et le pouvoir de la télévision rend trop facile la manipulation des masses.

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Manipulation ? J’ignore si YUASA et Science Saru ont voulu mettre un taquet à la pensée unique et la post-vérité mais elle démontre qu’une explication simpliste bien binaire l’emporte face à la sonorité unique de ceux qui veulent en parler plus profondément et surtout écouter. C’en est presque une lapalissade mais les mensonges faciles éteignent les feux de la différence. La masse n’écoute pas mais elle peut se fissurer quand les individus se réaffirment. C’est là que la brève inclusion des rappeurs est brillante. Format oblige, l’allusion est bien plus discrète que dans un Eureka Seven mais Devilman Crybaby partage cette vibrante filiation : la culture alternative sera notre dernier refuge malgré ses dissidences internes et ses moyens dérisoires, même si elle est condamnée à l’échec. Je ne peux pas m’empêcher d’y voir le petit studio indépendant qui prêche pour sa paroisse mais à l’heure des superproductions calibrées jusqu’à l’ennui, ce petit rappel ne fait pas de mal.

J’éviterai de trop rentrer en détail sur la symbolique religieuse car un agnostique comme moi racontera vite n’importe quoi mais alors que le christianisme est souvent réduit à un élément étrange (dans la culture japonaise) et cool, il faut bien dire qu’ici cette croyance est très bien retranscrite jusqu’à ces représentants auto-désignés et radicalisés. Car au milieu de tout ce chaos, tout ce bordel on peut le dire, le pivot de la série est la relation entre Akira et Ryo. Bien longtemps, le spectateur ne comprend pas les motivations de l’autre personnage principal.

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Nous soupçonnons que Ryo cache une partie de son jeu et suffisamment de miettes sont semées pour qu’au bout d’un moment, on ne se demande pas si une partie du jeu n’est pas également cachée à Ryo… Ce qui tombe bien car la compréhension de l’autre est aussi un axe de la série. Rendu à ce point, on jugera ridicule que je ne parle plus en détail du pot aux roses et surtout de cette conclusion aussi bien apocalyptique qu’anticlimatique qui hantera longtemps les spectateurs mais ça tient surtout que je ne suis pas sûr d’en faire déjà la bonne interprétation.

Pour l’instant j’aurai envie d’en remettre une couche sur l’amour comme clé de voute de « Chouineur ». Mais le mot « amour » lui-même est rarement utilisé dans la série et la dernière scène illustre toute l’impuissance des mots pour retranscrire nos émotions. Cette incapacité à communiquer, ce manque de vocabulaire nous frustre, nous fait croire que le sexe ou la violence sont de meilleurs moyens, à tort là aussi.

Je vous présente mes excuses, cet article est décousu. De façon pratique cela tient certainement à ce que ça fait bien trop longtemps que je ne me suis pas attaqué à une page blanche et que recommencer avec du YUASA n’est pas forcément la meilleure des idées. Et en même temps, je n’arrive pas à me demander si ce jet foutraque n’est pas le meilleur des hommages à Devilman Crybaby.

Devilman Crybaby est disponible en streaming sur Netflix.

Afloplouf

5 commentaires

Bien joué. C’était certes décousu mais tout de même très efficace.

Texte certes foutraque mais on sent que ça a été fait avec les tripes, ça correspond bien au sujet.

Le passage au sujet de la culture alternative est intéressant, c’est une interprétation de la série que je n’ai vue nulle part jusqu’à présent.

C’est étrange de voir dans cette série une émergence de la culture alternative alors qu’elle est financée par Netflix et Aniplex, qu’elle correspond exactement au modèle Netflix, que ce dernier s’est certainement juste payé la série pour vendre son service et que Yuasa se situe bien plus dans la culture noble que la contre-culture. Tout ce que tu dis concerne Devilman, mais est-ce que ça concerne le Devilman Crybaby ? Ce qui sauve cette série c’est que ça reste une oeuvre là où Devilman est un shônen violent et débile. Sort de ton milieu de connaisseur et Yuasa c’est juste une figure d’autorité comme une autre. Ca en fait pas vraiment un représentant d’une culture populaire, c’est difficile de le comparer au rap.

Pourtant c’est facile, à partir du moment ou tu t’en dis intuitivement « Ah ! C’est quand autre chose que tout ces trucs nazes ! » c’est pas la culture alternative, c’est la culture dominante.

Ton article peut paraître fou fou mais, comme tu le dis, il est dans le thème.
Et on voit surtout que tu as fortement apprécié la série, c’est aussi ce qui importe !

Dommage qu’il manque l’interprétation biblique, qui fonde bien une bonne moitié de l’intérêt de la série. L’article n’en reste pas moins intéressant, merci pour ce billet.

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