Fruits Basket
S’il est difficile de concevoir une série avec un scénario en béton, une ambiance pesante et une intrigue à nous couper le souffle, il est tout aussi délicat de créer une histoire légère et rafraichissante qui ne fasse pas dans le larmoyant gratuit, avec une trame simpliste et des personnages clichés.
Le challenge de Fruits Basket était de taille : offrir au monde du shôjo une œuvre majeure, annonciatrice d’une nouvelle ère. Bienvenue, chers lecteurs, dans l’univers si délicat de Natsuki Takaya.
Natsuki Takaya
Portrait
Natsuki Takaya est née le 7 juillet 1973, à Shizuoka, au sud de Tokyo.
Passionnée par l’univers du manga, et plus précisément par celui du shôjo, ses proches remarqueront son talent pour le dessin dès l’enfance, à l’école primaire. La petite fille est alors déjà prometteuse, mais n’imagine pas être un jour la conceptrice d’une série qui remportera un succès sans précédent.
Ce n’est qu’en 1991 que la mangaka débutera réellement sa carrière, en publiant de courtes histoires dans le magazine Hana to Yume. Dès 1994, elle démarrera sa première série, intitulée Geneimuso.
Cinq années s’écoulent, et en 1999, Natsuki Takaya se lance dans l’œuvre de sa vie, à savoir Fruits Basket. Le succès est absolument phénoménal, elle fera même les meilleures ventes shôjo de Hakuhensha, sa maison d’édition.
Comme pour toutes les séries à succès, l’adaptation en anime était inévitable. C’est dès 2001 que la série de 26 épisodes commencera, concrétisant ainsi un succès qui n’était plus à prouver. C’est d’ailleurs durant cette même année que Natsuki Takaya reçu le Prix Kodansha (récompense prestigieuse, Urasawa la reçue pour 20th Century Boys cette même année) dans la catégorie shôjo pour Fruits Basket.
Bien que l’anime s’arrête rapidement, le manga est toujours en cours de parution et les ventes sont toujours aussi bonnes.
Interview
Il va sans dire que le succès de Fruits Basket est parvenu sans grande difficulté à traverser mers et continents. Preuve de ce succès, le 10 août 2006 apparaissait sur le site officiel de Time magazine (http://www.time.com/time/business/article/0,8599,1225166,00.html) une interview de la brillante mangaka. Je vous propose ci-dessous la traduction de l’entretien avec la nouvelle reine du shôjo.
Time : Qu’est ce qui vous a poussé à faire des mangas ?
Natsuki Takaya (NT) : Rien de spécial. Etant enfant, avec tous les mangas qui m’entouraient et que je lisais, je me suis naturellement dit, « hey, j’aimerais dessiner des mangas – j’aimerais être une auteur de mangas ! »
Time : Avez-vous déjà dessiné des « dojinshis » (mangas que l’on publie soi-même) ou travaillé en tant que mangaka assistant ?
NT : Avant et après mes débuts, j’ai de temps en temps aidé d’autres artistes, mais je n’ai jamais exclusivement été une assistante. Je n’ai jamais fait non plus de dojinshis.
Time : Comment définissez-vous le manga, en terme de scénario, de personnages et d’esthétique ?
NT : J’essaie de ne pas avoir de définition pragmatique. Plutôt que de m’enfermer dans un certain point de vue, qui rendrait mes œuvres maladroites et déplacées, je veux qu’elles bénéficient d’une certaine douceur, d’une certaine liberté.
Time : Que pensez-vous des mangas créés par des auteurs non-japonais ? Les considérez-vous comme des mangas, ou comme quelque chose d’autre ?
NT : Je suis tout simplement ravie que le manga, comme forme d’expression, s’étende. Je ne pense pas que la nationalité soit liée à ce qui fait qu’un manga en est un, ou pas. Même au sein des japonais, les mangakas font chaque jour des œuvres reflétant leur propre personnalité, sans qu’aucune ne se ressemble. Ce n’est pas la différence entre les créateurs qui compte, mais leur amour pour les mangas.
Time : Qu’est ce qui vous a inspiré le scénario de Fruits Basket ?
NT : On m’a souvent posé cette question, et je n’ai toujours pas vraiment de réponse. C’est quelque chose qui m’est tombé dessus, alors que je menais ma vie.
Time : Combien de temps allez-vous continuer Fruits Basket ? Êtes-vous prête à faire autre chose ?
NT : Je prévois de finir la série dans le courant de l’année. Je ne suis pas particulièrement triste d’en finir. Si je n’arrive pas au terme de mes projets, mon travail ne tient pas debout. Je veux toujours avoir l’opportunité de me lancer dans de nouveaux projets.
Time : Que préférez-vous dans la profession de mangaka ?
NT : Trouver l’intrigue, donner vie aux personnages et élaborer les planches. Le story-board est ce que je préfère.
Time : Quels sont les livres et mangas que vous lisez ? Au sein desquels puisez-vous votre inspiration ?
NT : J’aime les œuvres que je ne pourrais jamais dessiner moi-même. J’aime vraiment les séries CSI, en particulier Las Vegas. C’est très intéressant. J’en suis au point même de penser à m’acheter tous les épisodes en DVD. Je fais partie des gens qui n’ont pas « d’inspiration » spécifique. Elle provient plus de mes doutes et de mes désirs.
Time : Avez-vous des assistants ? Si oui, devez-vous les entraîner à reproduire votre style de dessin ?
NT : J’en ai deux. Je ne leur apprends rien en particulier, mais ils me sont toujours d’une grande aide.
Time : Fruits Basket possède de nombreux fans aux Etats-Unis. Quelles sont à vos yeux les raison de cette popularité ?
NT : Je suis franchement heureuse et flattée de ce succès. Merci beaucoup. En ce qui concerne les raisons, je n’en trouve pas vraiment, mais si les gens lisent et se disent « j’aime ça », cela suffit à me réjouir.
Time : Pourquoi pensez-vous que les mangas sont de plus en plus populaires en dehors du Japon ?
NT : Je me demande si ce n’est pas tout simplement parce que les mangas circulent plus qu’auparavant dans le monde entier. Si c’est parce que les mangas sont reconnus en tant que moyen d’expression, alors je suis heureuse en tant que fan du genre.
Time : Comment pensez-vous avoir influencé une génération de jeunes japonaises ?
NT : Comment dire…Je pense que mon travail « touche » plus les gens qu’il ne les « influence ».
Time : Que voulez-vous faire ressentir et comprendre aux lecteurs de votre manga ?
NT : Plus encore que de dessiner mes créations, j’essaie d’y incorporer un certain message. J’essaie, au lieu d’en finir avec une interrogation, d’apporter une sorte de conclusion au sein de mon travail. D’ailleurs, j’essaie de ne pas ajouter cela en dehors de mon œuvre. Je pense que les lecteurs sont libre de réagir comme ils l’entendent à mon travail, cela fait partie du plaisir…Bien sûr, il y a des problèmes de compréhension involontaires, et parfois des éléments déstabilisants, mais avant tout, je cherche à toucher la sensibilité de tous les lecteurs.
Fruits Basket – Un manga, un concept
Synopsis
Honda Tohru est une lycéenne normale, en dehors du fait qu’elle ait perdu sa mère dans un accident de voiture. Décidée à ne pas être un poids pour le reste de sa famille, elle choisit de vivre seule dans une tente, en attendant de pouvoir s’installer chez son grand-père. Sans s’en rendre compte, elle s’installe au beau milieu des terres de la famille Soma, riche et puissante. Yuki Soma, l’un de ses camarades de classe, s’en rend rapidement compte et lui propose de s’installer avec lui, chez l’un de ses oncles, l’écrivain Shiguré. Rapidement, Tohru va apprendre que les Soma cachent un secret bien étrange, une malédiction liée aux signes du zodiaque.
Sur une base relativement simple, et un scénario qui se met vite en place, Natsuki Takaya ne va avoir de cesse de nous offrir de nouveaux personnages, arrivant progressivement, au fil des tomes. Au-delà de cette belle performance, elle va concevoir une trame liant étroitement la plupart des protagonistes, tout en offrant à chacun un caractère et un style particulièrement marqué, en adéquation avec leur signe. La créativité de l’auteur n’est plus à prouver, et elle parvient à tenir les lecteurs en halène, mêlant la simple histoire d’amour à la profonde intrigue familiale des Soma. Cette dualité scénaristique supprime alors tous risques de linéarité scénaristique ; on est sans cesse surpris, et l’on finit par se laisser porter par la géniale inventivité de la mangaka, incapables d’entrevoir le développement de l’histoire. Mais avant de rentrer davantage dans le détail, voyons d’abord, si vous le voulez bien, les principaux personnages que vous rencontrerez dans Fruits Basket.
Les personnages
Tohru Honda – Le bonheur incarné
Yuki Soma – La force calme
Kyo Soma – La colère coupable
Shiguré Soma – La divine comédie
Uotani Alisa – La yankee
Hanajima Saki – Le mysticisme terrifiant
Akito Soma – La malédiction incarnée
Je décide volontairement de ne pas aller plus loin dans la description des personnages principaux, il serait trop bête de vous gâcher le plaisir de les découvrir apparaître tour à tour au fil des tomes et/ou épisodes. Sachez par contre qu’ils sont encore nombreux à jouer un rôle important dans le développement scénaristique et que la liste ci-dessus n’est pas exhaustive. Il vous reste donc encore beaucoup de choses à découvrir, notamment en ce qui concerne les liens unissant les différents protagonistes les uns envers les autres. Je n’en dis pas plus et passe à la suite…
Le scénario
Natsuki Takaya étant considéré comme l’une des meilleures mangakas dans le milieu des shôjos, il est évident que l’élaboration du scénario est un élément important. Au-delà du concept et des personnages, elle est parvenue à développer lentement son histoire, sans jamais nous imposer d’éléments inutiles. Elle a seulement pris son temps.
Dès les premiers instants, on détecte l’envie de l’auteur de nous plonger dans une atmosphère criante de normalité. Le cadre est on ne peut plus classique, les personnages sont à première vue dignes de tout shôjo qui se respecte. Yuki subit le fanatisme qu’il suscite à ses camarades de classe, hommes comme femmes, tandis que Tohru mène une existence plus discrète, paisible, en compagnie de ses deux meilleures amies. On trouve ce genre d’introductions dans de nombreuses œuvres, et généralement, plus l’ambiance se veut conventionnelle, plus le choc est violent. Je pense notamment à Saishuu Heiki Kanojo, connu sous le (pathétique) titre de Larme Ultime en France.
Les bases se posent donc rapidement, sans grandes contraintes, et on flaire déjà le retournement de situation. Dans sa lancée, Natsuki Takaya va nous présenter quelques-uns des excentriques membres de la famille Soma, tous plus beaux les uns que les autres. Les pétales de rose volent, le cœur de l’héroïne chavire ; bref, on baigne dans le mielleux insoutenable des histoires d’amour avariées que l’on connaît trop. C’est alors que l’auteur décide de jouer sa carte maîtresse, celle qui fera de sa série un véritable phénomène, ou bien l’enterrera prématurément. Brisant les codes bien intégrés du shôjo, elle va insérer dans son histoire d’amour un fond bien plus sombre, d’un tout autre genre : celui de la malédiction de la famille Soma. Alors que l’on baignait dans un environnement reconnaissable, dont les codes et les trames nous offraient la grisante sensation d’omniscience tant ils étaient clairs et limpides, nous nous retrouvons au beau milieu d’une histoire unique, à laquelle nous n’étions pas préparé. Le désir s’empare de nous, et l’on dévore avidement les premiers volumes, cherchant à combler ce besoin de savoir, de découverte. C’est ici, et nulle part ailleurs que réside le génie de Natsuki Takaya. Jusqu’alors, le doux monde du shôjo ne connaissait que très rarement d’évolutions. Il y avait eu, un peu plus tôt, le phénomène Kare Kano (Kareshi Kanojo no Jijô), Entre elle et lui en France, écrit par Masami Tsuda. Là aussi, le succès avait été garanti par un apport original, une touche personnelle que l’on ne pouvait trouver ailleurs.
Il est incontestable que la recherche de nouveaux concepts scénaristiques est un passage obligatoire sur la route du succès, mais il faut ensuite maintenir le niveau de qualité. Là encore, Natsuki Takaya s’en sort bien.
Le point fort de Fruits Basket, outre ses personnages, réside dans la constance du scénario. Les tomes sont bien rythmés, la quantité d’informations que l’on nous cède est à peu près équivalente à chaque fois, et généralement, les volumes se terminent comme les épisodes de Lost, laissant un élément en suspens afin d’entretenir notre dépendance, parfois au point de nous faire mourir d’envie de se ruer dans la librairie la plus proche. Je n’irai pas jusqu’à parler de suspense haletant, on est très loin d’un 20th Century Boys, ou des Lamentations de l’Agneau, de Kei Toume. Cela dit, pour un registre aussi fleur bleue, force est d’admettre que l’auteur se débrouille mieux que la plupart de ses collègues/rivaux pour accrocher le lecteur. Cela est d’autant plus délicat que Natsuki Takaya a opté pour une longue série, comprenant au totale une vingtaine de tomes.
Ce scénario à l’intérêt constant, on le doit pendant une bonne partie du manga à l’apparition progressive et bien calculée de nouveaux personnages pour relancer l’intrigue, au point même de faire passer les personnages principaux à l’arrière plan pendant quelques temps. Il faudra être patient pour découvrir les visages et caractères des douze Soma maudits, car la mangaka ne brûle aucune étape et se délecte de notre désir de « savoir ». Si les personnages apparaissent progressivement, cela ne veut pas pour autant dire que les premiers présents seront les premiers à disparaître. Au contraire, l’auteur parvient à faire vivre une communauté considérable de protagonistes en conservant une logique implacable dans les rapports les liant les uns aux autres. Chaque personnage possède son histoire, mais ils possèdent aussi des éléments dans lesquels ils se sont tous retrouvés, ou seulement certains, ce qui permet d’établir des affinités plus ou moins fortes entre eux.
A côté de l’intrigue familiale, sombre et passionnante, demeure la légèreté et parfois la lourdeur des aventures de Tohru, entourée en quasi permanence de ses deux chevaliers servants, à savoir Yuki et Kyo. Là aussi, on touche à l’un des éléments positifs de la série : l’alternance délicate entre la légèreté et le sérieux. Après quelques temps dans le monde torturé des Soma, on retrouve avec bonheur l’insouciance et la joie de vivre de Tohru, ses histoires comiques et son entourage farfelu. De même, avant que l’on se lasse du caractère parfois un poil trop mièvre de ces histoires un peu trop roses, un élément scénaristique apparaît pour nous relancer dans un contexte plus adulte. On reproche souvent aux mangakas de ne pas maîtriser le timing de ces alternances, et à mes yeux, Natsuki Takaya s’en sort mieux que la plupart. Cet élément n’est pas à mettre de côté, c’est d’ailleurs lui qui a fortement contribué au succès de nombreuses séries, telles que Fullmetal Alchemist.
Inutile de davantage développer mon point de vue, vous aurez bien compris, à travers mon analyse, que je suis sincèrement satisfait par les qualités scénaristiques de Fruits Basket. Malheureusement, deux éléments sont importants dans un manga ; et si j’accorde la primauté au fond, la forme possède elle aussi une importance considérable. Voyons désormais le dessin de Natsuki Takaya.
Le dessin
Autant il m’est facile de vanter les qualités bien réelles du scénario de Fruits Basket, autant il m’est beaucoup plus difficile de vanter celles de son dessin.
Aucun doute possible, si Natsuki Takaya améliore le scénario des shôjos classiques, elle conserve scrupuleusement le style visuel du genre. Les corps sont minces et effilés, dans la pure tradition shôjo. Les personnages masculins ont pour la plupart des traits fins, proches de ceux des personnages féminins. L’exemple le plus pertinent est surement celui de Yuki Soma, qui ira même jusqu’à porter une robe et rendra littéralement fou ses camarades « mâles » de classe. A l’inverse, Kyo, malgré la finesse de ses traits et de son corps, semble on ne peut plus masculin, au milieu des autres Soma. Il est clair que l’auteur a voulu gratifier son public féminin d’un harem de bishônen (beaux garçons), en préservant un style tellement shôjo qu’il en devient presque caricatural.
Venons-en aux visages. Je ne vais pas surprendre en vous affirmant que le dessin de Fruits Basket me semble aussi vieillot que maladroit. Les yeux, énormes formes ovoïdes au milieu des visages difformes rendent son assimilation très difficile au cours des premières heures de lecture. Les bouches sont ridiculement petites par rapport à la taille des fronts et des globes oculaires, et le manque de détails au niveau des yeux gratifie certains protagonistes d’airs particulièrement benêts. En tête de liste, Tohru Honda, qui, même lorsque l’auteur cherche à lui donner des airs contemplatifs, ou des airs de beauté intemporelle, parvient envers et contre tous à paraître fabuleusement stupide. Etrangement, il n’y a pas, du moins sur le plan visuel, de personnage qui me paraisse plus réussi que les autres. J’ai incontestablement une préférence pour Kyo Soma, mais cela vient davantage de ses traits de caractères que de son allure.
Pour synthétiser vulgairement ce que je pense du dessin, n’ayant pas les connaissances techniques suffisantes pour vous offrir un argumentaire complet, je le trouve difforme et très ressemblant à des planches de mangas datant des années 80. Quand on le compare à d’autres œuvres de la même génération, on réalise d’emblée le fossé qui les sépare. Natsuki Takaya est donc une véritable puriste du shôjo, qui nous « gratifie », si je puis m’exprimer ainsi, d’un design sauce Candy.
Il y a bien évidemment des points positifs dans le dessin de Fruits Basket. Le premier est l’absence totale et absolue d’ecchi (poitrines surdimensionnées, coup de vent qui soulèvent les jupes, postures sexy en abondance, etc.). Malgré l’abondance de jolies demoiselles, et de charmants damoiseaux, Natsuki Takaya ne cède jamais et nous offre la garantie d’une série propre, sans fan service pour gâcher le plaisir du lecteur. Le second réside dans sa régularité. La mangaka a bien compris quelle était son style, et du début à la fin de l’œuvre, on assiste à une constance visuelle des plus satisfaisantes, des plus agréables. Alors que de nombreux auteurs tentent fréquemment de légères améliorations, qui ne passent pas inaperçues et perturbent les lecteurs, Natsuki Takaya, aidée de ses deux assistants, affinent ses personnages lentement, délicatement, avec une minutie et un souci du détail lui valant tout notre respect. Certes, je n’aime pas son style, mais je suis obligé d’admettre qu’elle le maîtrise et l’améliore avec talent. De plus, je précise tout de même que l’auteur nous offre de temps en temps de superbes planches, bien mieux proportionnées que les autres, devant lesquelles il m’arrive de rester pantois pendant quelques secondes, voir quelques minutes.
Si vous aimez les shôjos, et que vous n’avez rien contre le visuel vieillot de ce genre de mangas, vous apprécierez à sa juste valeur le travail de Natsuki Takaya. En revanche, si comme moi, vous supportez difficilement ce genre, il vous faudra le surmonter pendant quelques temps avant de vous y faire. Ce n’est qu’une fois habitué que vous pourrez réellement profiter de toutes les qualités de Fruits Basket.
Avant de vous parler de la version animé, je souhaite aborder un thème essentiel du manga, qui est en grande partie responsable de son succès, à savoir la malédiction des 12 signes du zodiaque.
La malédiction des douze Soma
D’après la légende, Bouddha, après avoir connu l’illumination, invita tous les animaux du monde à célébrer l’événement. Seuls douze se présentèrent et Bouddha leur attribua à chacun une année de règne. Il s’agit des douze signes du Zodiaque : le rat, le buffle, le tigre, le lièvre, le dragon, le serpent, le cheval, la chèvre, le singe, le coq, le chien et le cochon.
Tout commence sans que l’on sache pourquoi ; les Soma, à chaque génération, voient douze d’entre eux subir la malédiction des signes du zodiaque. Riche et puissante, elle est parvenue à maintenir secret ce fardeau. De plus, en cas de découverte, ses membres parviennent toujours à effacer mystérieusement la mémoire de tous les témoins. Une chose est sûre, personne, absolument personne ne doit découvrir cette triste malédiction, et c’est pour cette raison qu’ils vivent en autarcie, regroupés les uns sur les autres.
Avant d’aller plus loin, permettez-moi de vous citer une petite partie du premier épisode de Fruits Basket, alors que Kyoko Honda, la mère de Tohru, raconte à sa fille l’histoire du chat, le treizième signe…
« Il y a bien longtemps, Dieu dit aux animaux : » Je vous invite à une fête demain. Ne soyez pas en retard « . Le rat malicieux dit à son voisin, le chat, que la fête aurait lieu le surlendemain. Le lendemain, sur le dos de la vache, le rat arriva premier à la fête. Les autres animaux suivaient, et tous s’amusèrent, jusqu’au lendemain, à l’exception du chat trompé … »
Aussi étrange que cela puisse paraître, la famille Soma possède aussi un individu possédé par le signe du chat, à chaque génération. Généralement isolé de tous les autres et rejeté par la plupart, celui possédé par le chat est condamné à une vie de solitude et de désespoir.
Vous allez surement vous demander, et à juste titre, en quoi consiste réellement cette malédiction.
Tout d’abord, il faut savoir qu’elle affaiblit ceux qui en sont victimes. Les maudits supportent difficilement les grandes chaleurs et les grands froids, tout comme les changements violents de climat. D’autre part, le problème majeur qu’ils rencontrent provient de leurs transformations. Dès qu’ils enlacent une personne de sexe opposé, ils se transforment en l’animal de leur signe. C’est en partie pour cette raison qu’il est rare de voir des Soma se marier en dehors de leur propre famille. En m’arrêtant à cette simple analyse, nous ne ferions qu’effleurer les inconvénients de ces malédictions. Je vais donc aller un peu plus loin, et vous parler de quelques personnages.
Il est dit que la mère accouchant d’un enfant maudit ne peut avoir que deux réactions. La première, la plus fréquente, la pousse à rejeter l’enfant, à la considérer comme une abomination. La seconde, plus rare, la pousse à surprotéger l’enfant, à l’étouffer d’amour tout en créant la douce illusion d’une famille normale, composée de membres tous plus normaux les uns que les autres.
Peu importe la réaction, les enfants Soma en souffrent. Certains d’entre eux furent effectivement rejetés dès leur naissance. Incapable d’agir, ils observaient de loin leurs mères sombrer dans la démence, répugnées par le fait d’avoir enfanté d’ignobles créatures. Que la violence soit psychologique ou physique, les traces qu’elle laisse sont belle et bien présentes. Généralement, pour le bien des mères, les Soma leur effacent la mémoire et leur permettent ainsi de démarrer une nouvelle vie. L’enfant maudit est condamné à suivre sa mère du regard, et de s’adresser à elle comme un membre lointain de sa famille, sans jamais se permettre la moindre familiarité.
C’est ainsi que les personnages comme Yuki et Kyo, malgré leur apparente sûreté, ont traversé des épreuves douloureuses qu’ils cherchent désespérément à fuir. Vivant en dehors du cadre familial classique des Soma, ils ont quitté tout ce qui pouvait leur rappeler leur différence, tout ce qui était synonyme de souffrance ; et par-dessus tout, ils ont fui Akito. Considéré comme un dieu au sein de sa propre famille, Atori est celui qui subit les douze malédictions à la fois. Ce statut si spécial l’affecte tant du point de vue physique qu’au niveau de son tempérament. Conscient de la courte durée de vie que la nature lui a offerte, il espère bien jouir d’une autorité suprême sur tous ceux qui tenteront de s’opposer à lui ou aux mesures qu’il prendra. Mais derrière ce masque de persécuteur, de manipulateur perfide se cache un cœur brûlé par l’injustice de la vie, qui offre à certains le confort de la normalité, et à d’autre le cauchemar de la souffrance éternelle. Il en va de même pour tous les Soma, et tel est le réel fardeau de la malédiction.
Fruits Basket vous permettra de découvrir un rayon de soleil au sein de cette famille, une force étrangère qui saura briser les barrières mentales érigées par tous les membres, qui saura les confronter à une réalité si douloureuse en apparence, mais finalement si délicieuse. Rien n’est plus beau que la vie, et il n’existe rien de pire que de regretter sa propre naissance. Profitons tous ensemble du temps que l’on nous a offert sur cette planète, tel est le message de Tohru Honda.
Tous ces éléments sont évidemment présents dans le manga de Natsuki Takaya, mais on en retrouve une bonne partie dans l’adaptation anime de Fruits Basket. Je vous propose donc de passer au point suivant, et de regarder d’un peu plus près les défauts et les qualités de cette adaptation.
Fruits Basket animé – L’adaptation parfaite
La version animé de Fruits Basket est composée de 26 épisodes, et fût diffusée au Japon entre juillet et décembre 2001. Réalisée par le Studio Deen, la série a été un véritable phénomène au Japon lors de son année de diffusion. Voici quelques informations sur la série :
Meilleures séries animés de 2001
1. Fruits Basket
2. Scryed
3. Gensô Maden Saiyûki
4. Sister Princess
5. Shaman King
6. Sen to Chihiro no Kamikakushi
Meilleurs personnages féminins de 2001
1. Honda Tohru (Fruits Basket)
2. Kagome (Inu Yasha)
3. Anna (Shaman King)
Meilleures compositions de 2001
1. For Fruits Basket (Fruits Basket)
2. Over Soul (Shaman King)
3. Love Destiny (Sister Princess)
S’il est utile de le préciser, sachez qu’au pays du soleil levant, ces récompenses sont considérées comme prestigieuses. Vous pouvez donc juger par vous-même à quel point Fruits Basket fût un véritable ouragan, raflant toutes les récompenses sur son passage, et ce, quel que soit le support.
Cela s’explique en partie par la forte volonté de créer une série de qualité. Je vous propose donc de vous pencher un peu sur le staff de cette version.
Fiche technique
Les Voice-actors :
Tohru Honda – Horie Yui
Ses autres rôles :
Kurono (Ah! Megami-sama movie)
Galatea (Bubble Gum Crisis Tokyo 2040)
Naru (Love Hina)
Fujimaya Aya (Weiss Kreuz)
Yuki Soma – Hisakawa Aya
Ses autres rôles :
Skuld (Ah! Megami-sama!)
Kero-chan (Card Captor Sakura)
Amara Suu (Love Hina)
Yohko (Devil Hunter Yohko)
Arimi (Marmalade Boy)
Ami/Sailormercury (Bishoujo Senshi Sailormoon)
Miki (Shoujo Kakumei Utena)
Tomoko (To Heart)
Tatiana Diward (Slayers Excellent)
Taata (Magic Knights Rayearth)
Yuko (Here is Greenwood)
Kyo Soma – Seki Tomokazu
Ses autres rôles :
Van (Visions d’Escaflowne)
Touya (Card Captor Sakura)
Chichiru (Fushigi Yuugi)
Kouji (Fushigi Yuugi)
Suzuhara Touji (Neon Genisis Evangelion)
Kenji (Pocket Monsters)
Kamui (X)
Igunis (Wedding Peach)
Black Prince (Akihabara Dennou Gumi)
Shigure Soma – Okiayu Ryoutarou
Ses autres rôles :
Kimura Takurou (Di Gi Charat)
Jinnai (El Hazard)
K (Gravitation)
Torez (Gundam Wing)
Ingus (Macross II)
Inova (Magic Knights Rayearth)
Takashi (Mamotte Shugogetten)
Yuu (Marmalade Boy)
Akatsuki Nagai (Nadesico)
Issei (Please Save My Earth)
Various roles (Sailormoon)
Kurei (Flame of Recca)
Le staff technique :
Kyoko KOBAYASHI – Production
Il fût aussi réalisateur de séries à succès, comme El Hazard: The Wanderers (TV), Juu Senshi Garukiba (TV), Martian Successor Nadesico (TV) ou encore Slayers Next.
Aussi à la production, nous trouvions Tatsushi Yamazaki en assistant. Ce dernier est nettement moins célèbre dans le milieu de l’animation que Kobayashi.
Akitaro DAICHI – Réalisation et Direction
Véritable monstre dans le milieu, la réputation d’Akitaro Daichi n’est plus à faire. Ayant travaillé sur de très nombreuses séries, permettez-moi de ne citer que les plus importantes de sa carrière : Mushishi, Now and Then Here and There, Sekushi Commando Gaiden: Sugoiyo! Masaru-san, Tenchi Universe.
Akemi HAYASHI – Character-designer
On retrouve régulièrement l’intervention de ce dernier dans de nombreuses séries à succès, tels qu’Ouran High School Host Club, Mushishi, Peacemaker, Utena, la fillette révolutionnaire.
Chikako SHIBATA – Direction artistique
Au même titre qu’Akitaro Daichi, voici une autre référence dans le milieu de la japanimation. Voici quelques-unes des grandes séries auxquels Chikako Shibata a participé : Azumanga Daioh, Bokura Ga Ita, Chobits, Get Backers, Higurashi No Naku Koro Ni, Honey and Clover, Rozen Maiden.
Tel manga, tel anime ?
La crainte de tous les fans de manga est celle de l’adaptation ratée.
Le risque était de taille pour Fruits Basket, le manga ayant une large communauté de fans et véhiculant une atmosphère particulière qui lui est caractéristique. Fort heureusement, avec un staff technique compétent et un studio d’animation qui a su prouver sa maîtrise de nombreuses fois (Soul Hunter, Samurai X, Read or Die, Neon Genesis Evangelion…), la version anime du manga de Natsuki Takaya fut brillante.
En effet, le rythme de la version anime est tout bonnement excellent. Les moments de répits sont rares, le scénario avance bien. Les 26 épisodes sont bien remplis, les passages inutiles sont tout simplement inexistants; bref, on ne s’ennuie vraiment pas.
L’anime suit d’ailleurs scrupuleusement le scénario du manga. On ne trouve pas de scènes ajoutées, ni d’épisodes HS pathétiques ; tout ce que Natsuki Takaya a dessiné se retrouve dans l’anime. La psychologie des différents protagonistes est vraiment bien travaillée et leurs attitudes et comportements ont eux aussi été parfaitement respectés.
Toute l’émotion véhiculée par le manga est conservée, et le délicieux mélange entre l’univers de Tohru et celui des Soma se retrouve, intact et parfaitement adapté. C’est avec un réel plaisir que l’on retrouve nos personnages favoris, animés, vivants, partager cette histoire sous ce format.
Sur le plan scénaristique, on ne peut donc qu’être satisfait par l’adaptation.
Visuellement, je dois admettre que j’ai été totalement charmé par cette version de Fruits Basket.
Malgré le temps, la série est parvenue à conserver tout son charme. Bien loin des superproductions façon Death Note ou Gankutsuou, le style classique de la série, avec ses couleurs élégantes, son character-design original et son animation tout bonnement exceptionnelle pour l’époque charme sans difficulté les fans du genre.
Le character-design de l’anime est d’ailleurs légèrement différent de celui du manga. Si, comme moi vous n’êtes pas fans du style profondément shôjo de Natsuki Takaya, je pense que le visuel de la série vous satisfera largement. Les visages sont moins lisses, moins efféminés à outrance, et donc plus agréables pour ceux qui ne sont pas fans de style Candy. De ce point de vue là, je préfère largement l’anime, qui a su donner aux différents protagonistes un aspect plus conventionnel, qui à mes yeux, les rend tout de suite plus accessibles.
Le travail des doubleurs n’est pas en reste, et ils donnent vraiment vie aux personnages. Vous l’avez constaté, ce sont des pointures du genre, et ils correspondent vraiment bien aux différents protagonistes. On ne leur imagine pas d’autres voix.
J’en arrive au dernier point important à traiter dans le cadre d’un anime, à savoir la musique.
Fruits Basket en musique
Il existe deux OST (Original Soundtrack) de Fruits Basket. La première s’intitule Fruits Basket : Memory for You, et comprend tous les thèmes musicaux qu’il est possible d’entendre durant le visionnage de l’anime, tandis que la seconde, Song For Ritsuko Okazaki, nos propose des versions longues des thèmes composés et/ou chantés par Ritsuko Okazaki.
Memory For You
Je ne vais pas vous mentir, cette OST n’offre à mes yeux que peu d’intérêt.
Fruits Basket est avant tout une série humoristique. Malgré quelques scènes dramatiques, accompagnées de thèmes sobres et élégants, l’ensemble est composé de musiques joviales, burlesques, comme les compositeurs japonais savent si bien les faire.
Cette OST est donc réservée aux vrais fans de la série, qui veulent rester plongés dans l’ambiance de la série par l’intermédiaire de ces musiques, ridicules à souhait pour la plupart en dehors du contexte visuel.
On notera quand même de bonnes pistes, rares, mais importantes. Je pense notamment à For Fruit Basket – TV size, le merveilleux opening de l’anime qui a d’ailleurs remporté un prix en 2001. Mélancolique à souhait, cette piste caractérise à elle seule l’ambiance si particulière de l’anime, et par extension, du manga. Il y a aussi Chiisana inori – TV size, l’excellent ending de la série, lui aussi imbibé par son ambiance.
Mis à part ces deux morceaux de qualité, le reste est particulièrement désagréable, voir agaçant, tant les pistes sont inadaptés à l’écoute brute.
Song For Ritsuko Okazaki
Cet album est tout simplement une pure merveille.
Ritsuko Okazaki est réellement une chanteuse exceptionnelle, en plus d’être une compositrice hors-pair. C’est elle qui fut la créatrice de l’opening et de l’ending de l’anime, que vous trouvez dans cet album en version longue.
Cet album regroupe donc tous les morceaux auxquels Ritsuko Okazaki a participé. Ce ne sont pas forcément les thèmes les plus fréquents de l’anime, mais ce sont indéniablement les plus beaux.
Cette OST là s’adapte à merveille à l’écoute seule et nous replonge avec une facilité déconcertante dans l’univers des Soma et de Tohru. On se surprend à se perdre dans les souvenirs que nous avons de certaines scènes, de certains épisodes. L’instrumentation, délicate et raffinée, s’accorde à merveille au timbre doux et berçant de Ritsuko Okazaki.
L’album ne comporte que 11 pistes, mais quelles pistes. Exempt du moindre thème ridicule, on ne conserve que l’essence même de Fruits Basket, que les thèmes marquants, de qualité.
Mon coup de cœur se porte bien évidemment sur la version longue de « For Fruits Basket », une merveille parmi les openings d’animes.
Cet album me semble d’autant plus émouvant qu’il fut l’un des derniers à sortir du vivant de la compositrice. Elle nous quittera en 2004, à l’âge de 44 ans, nous laissant une quantité impressionnante de chansons et de musiques sublimes, imbibées de son style si particulier, avec lequel elle parvint à nous charmer. Merci encore, Ritsuko Okazaki, pour tout ce merveilleux travail.
Fruits Basket, une référence
Vous l’aurez compris au fil de ce dossier, Fruits Basket reste à mes yeux une excellente série, une nouvelle référence dans le monde du shôjo. Que ce soit la version papier, avec le style original de Natsuki Takaya et son talent pour manier de nombreux personnages et pour surprendre le lecteur ; ou bien la version animé, drôle et émouvante, possédant un genre et une ambiance unique, impossible à reproduire, on passe de merveilleux moments en compagnie de Tohru, de Yuki et de Kyo avec tous les membres de leur famille extraordinaire.
Preuve de ce succès, la quantité effarante de produits dérivés mis sur le marché. Des draps aux pyjamas, en passant par les sacs à dos, les jeux de carte, les peluches et les figurines, Fruits Basket a su tirer profit de sa notoriété. Accessible dans de nombreux magasins spécialisés, ces produits marchandisings rencontrent en franc succès, symbole de la victoire de Natsuki Takaya sur les autres œuvres shôjo, très loin derrière.
Mêlant force et délicatesse, Fruits Basket nous émeut autant qu’il nous ravit. La finesse de la trame scénaristique, alliée à la violence à travers laquelle les sentiments nous saisissent font de cette œuvre une valeur sûre, un chef-d’œuvre parmi les shôjos, loin, très loin devant le larmoyant et le pathétique de nombreuses séries du genre. Merci encore, Natsuki Takaya, pour toute cette poésie à travers laquelle vous donnez vie à cette histoire enchanteresse, ancrée dans nos esprits.
11 commentaires
Pour l'anime, ça se discute, je te l'accorde. Le manga par contre est clairement un shôjo. C'est sans aucun doute la raison pour laquelle je m'en suis détourné et n'ai pas fini la lecture.
Mais t'aurais pu être encore plus méchante : Non, les dessins ne s'améliorent pas avec le temps, je dirais même qu'ils se dégradent.
tchô!=)
Juste une petite erreur : dans la partie "La malédiction des douze Soma", il est écrit, je cite :" [...]et par-dessus tout, ils ont fui Atori. Considéré comme un dieu au sein de sa propre famille, Atori est celui qui subit les douze malédictions à la fois."
Seulement c'est Akito et non Atori ^^"
Voila jute pour dire si non vraiment très bon article.
Conclusion : Je trouve les dessins très attachants à mon goût et assez mignons.