Isan Manga – Quand la qualité prime sur la quantité
Le monde de l’édition est souvent obscur pour le consommateur. La seule chose qui l’intéresse est de pouvoir lire des livres et suivre ses séries préférées. Il ne perçoit pas toujours les enjeux commerciaux qui ont lieu en amont et ont des répercussions en aval. Afin de lever un peu le voile sur cet univers et peut-être de créer des vocations la Japan Expo Sud (1er au 3 Mars 2013) a accueilli une conférence où deux jeunes maisons d’édition présentaient leur parcours : Nobi nobi et Isan manga, que nous présentons ici.
Le secteur du manga en France est hautement concurrentiel. Karim TALBI et son associé Etienne BARRAL ont, au départ, observé ce qui se faisait en terme de mangas sur le plan des beaux ouvrages et ont constaté qu’il n’existait pas énormément d’œuvres de collection proposant une belle édition. Tous les deux sont passionnés de mangas d’il y a vingt ans et plus, dont une bonne majorité n’a toujours pas été éditée en France, comme les titres de Yumiko IGARASHI (Candy).
Suite à ces constats, ils ont décidé de créer leur propre entreprise afin de produire des œuvres nostalgiques dotées d’une belle finition, forcément un peu plus onéreuse que la moyenne des mangas édités en France. Les cibles visées sont les adultes entre vingt et trente ans puisqu’ayant davantage de moyens pour inavestir dans de beaux ouvrages. C’est ainsi qu’est né le concept éditorial d’Isan manga.
Comme il s’est écoulé deux ans entre la création de la société et la publication du premier ouvrage, de nombreux éditeurs, tels que Glénat et Tonkam, ont commencé à proposer des œuvres plus haut de gamme ainsi qu’une collection vintage qui ne rencontre pas le succès espéré. Si Isan manga voulait faire jouer la nostalgie, il fallait sortir une œuvre qui soit à la fois un livre et un objet.
Pour la petite anecdote, à l’origine, lorsque la jeune maison d’édition a contacté le premier éditeur japonais, celui-ci trouva le concept génial, mais demanda toutefois à ce qu’elle publie un ouvrage afin de faire ses preuves, ensuite seulement pourrait commencer une collaboration avec la maison d’édition japonaise. Une proposition à l’image d’un serpent qui se mord la queue, un cercle vicieux. Kalim TALBI et Etienne BARRAL ne voulaient pas publier un livre sans l’acquisition d’une licence et la maison d’édition japonaise ne voulait pas leur vendre les droits sans une présentation physique du projet. Ils ont donc cherché d’autres solutions et sont allés voir Yumiko IGARASHI (Candy, Géorgie) pour travailler directement avec l’auteur. Ainsi, ne passant plus par les intermédiaires, ils ont contourné le système qui empêchait l’aboutissement du projet.
Il existait bien sûr la possibilité de passer par la Corée du Sud pour montrer leur savoir faire, un pays plus ouvert dans le domaine de l’exportation de ses œuvres, pour publier des manwahs et par la suite contacter un éditeur japonais en leur présentant un exemple de leur travail. Mais en agissant de cette manière, leur projet aurait pris du retard.
Le fait qu’un éditeur veuille mettre en valeur leurs mangas a beaucoup plu à l’auteur. Madame IGARASHI a même refait l’illustration de la couverture de Madame BOVARY gratuitement car celle dessinée il y a treize ans ne lui plaisait plus. Depuis, elle contacte régulièrement l’éditeur pour suivre l’avancée du projet, heureuse qu’un éditeur étranger se soit intéressé à son œuvre. Aujourd’hui, son objectif serait de faire connaître l’ensemble de son travail sur le plan international et Isan manga lui a permis de faire le premier pas sur cette voie.
L’un des pièges qu’Isan manga a dû éviter est que les éditeurs japonais lui proposaient d’acquérir des oeuvres qui ne cadraient pas du tout avec leur ligne éditoriale. La démarche et les négociations ont donc pris beaucoup de temps, mais maintenant les contacts sont moins compliqués.
Les deux premières œuvres actuellement éditées par Isan manga sont Roméo et Juliette (1995) et Madame Bovary (1997) ; une œuvre de Shakespeare et une autre de Gustave FLAUBERT. Ces deux adaptations classiques anglo-saxonne et française ont été publiées avec leurs œuvres originales. Elles rentrent toutes les deux dans la collection « manga littérature » ; une manière ingénieuse de découvrir le roman original et son adaptation en manga.
La troisième édition est annoncée pour le 27 Juin prochain. Il s’agit de Kamen Rider de Shôtaro ISHINOMORI (Cyber 009), un Tokusatsu (X-OR, Ultraman, Sentai) parut au Japon en 1971, publié en quatre volumes et qui sera édité en France en deux tomes avec le même soin que pour les œuvres de Yumiko IGARASHI.
Un commentaire
"Madame de Bovary" m'attire... L'édition fait plaisir a voir, ça sent la qualité, mais je vais d'abord attendre fin juin et la sortie de "Kamen Rider".
Un article instructif quant a la manière dont ISAN Manga a pu voir le jour.